Pourquoi un festival essentiellement de cinéma africain à Montpellier ?
Le terme festival est un peu réducteur. Je préfère dire " regards sur les arts d’Afrique et de la diaspora ". Il faut ramener au centre la pensée des africains sur eux-mêmes, la vision des créateurs du sud sur l’Afrique…les Afriques et les autres continents.
Il y a trop d’images sur l’Afrique, mais pas assez provenant des africains eux-mêmes.
Je suis un passionné de Brésil, beaucoup de choses m’y ont rappelé mon enfance en Côte d’Ivoire. Nos ramifications viennent du même arbre. C’est pourquoi nous avons mélangé ces genres dans la programmation de Quilombo, avec plus de 35 films.
Pourquoi Quilombo ?
C’est cette idée de ramification, d’histoire en mouvement. Les quilombos étaient les villages au brésil que créaient les esclaves fugitifs, les marrons. D’après les historiens, ces villages avaient les mêmes modes de fonctionnement que les chefferies traditionnelles bantous. Ils ressemblaient à des sortes de royaumes africains. L’un d’entre eux a duré pendant plus d’un siècle : le quilombo de Palmarès, avec à sa tête un guerrier qui s’appelait " Zombie ". C’est dans ces quilombos qu’a été créée la Capoeira.
C’était aussi le titre d’un film de Carlos Diegues, qui fait partie du cinéma " novo " brésilien.
Comment le public réagit à ce genre de panorama des cinémas d’Afrique ?
Il y a eu un contact fort avec le public, car on a toujours couplé les films avec des débats. A l’image de notre cycle des films de Sembene Ousmane " Un auteur, une œuvre ", qui permettait la projection d’un film par mois pendant un an. Beaucoup de jeunes africains ont été surpris de voir des films sénégalais de ce niveau-là, avec un discours si bien construit pour les années 1960.
On a réussi sur Montpellier, à amener des africains à voir des films africains ! Chacun a récolté ce qu’il avait envie de récolter, cela veut dire que le travail fait pendant toute l’année a payé et que l’on peut donner de la visibilité et une existence à ce cinéma.
Penses-tu que les moyens légers sont une solution pour la production dans le cinéma africain en Afrique ?
Je crois que c’est plus compliqué que ça. Les supports sont accessoires par rapport au renoncement. Tant qu’on ne met pas de pression par des moyens citoyens sur les pouvoirs publics, pour qu’ils reconnaissent que l’image joue sur le développement social, ça ne sera pas efficace. Les artistes aussi, les acteurs par exemple, doivent sentir qu’ils participent à une aventure qui a une valeur sociale.
Pour qu’un film soit vu, quel que soit le support utilisé, c’est sa diffusion qui importe. Il faut de la critique, des personnes qui prennent le relais pour le diffuser, sinon le film n’est rien. Ce qui me frappe, c’est le renoncement des états et le fait que l’on attende des solutions externes. Il faut parler avec ses moyens, la production est accessoire.
Prenons l’exemple du Burkina Faso, un des pays les plus pauvres au monde. Là-bas, malgré l’instabilité politique, il y a un consensus sur le cinéma : le Fespaco, la formation et de très bons techniciens. La question qu’il faut se poser, c’est quelle est notre responsabilité par rapport à notre développement ? Est-ce que l’on considère que l’art fait partie du développement de nos pays ou est-ce que l’on attend que des gens envoient des aides financières pour que les artistes créent parce que leurs états sont absents ? La prise de conscience des états, la conscientisation du public, la formation : c’est une dynamique de groupe.
Propos recueillis par Jean-Jacques Cunnac
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