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Un certain regard sur les Afriques !
Publié le : lundi 15 janvier 2007
Pour qu’un film soit vu, quel que soit le support utilisé, c’est sa diffusion qui importe. Il faut de la critique, des personnes qui prennent le relais pour le diffuser, sinon le film n’est rien. Ce qui me frappe, c’est le renoncement des états et le fait que l’on attende des solutions externes. Il faut parler avec ses moyens, la production est accessoire.
Artiste multi-facettes et créateur de Quilombo, Soumaïla Koly aussi surnommé Sunjata, n’en est pas à sa première tentative. Avec ses collaborateurs au travers du mouvement Acces, association créée à Montpellier il y a plus d’un an, il se donne pour objectif de " favoriser l’émergence d’une véritable citoyenneté plurielle par un travail pédagogique d’éducation à l’image ". Depuis plus d’un an, l’Acces a organisé les " Rencontres itinérantes Cinémas d’Afrique ", la semaine de films " Documentaires du Sud ", un cycle " Un auteur, une œuvre " consacré cette année au réalisateur sénégalais Sembene Ousmane et la création d’une télé associative TV Liberté. Soumaïla Koly a reçu clap Noir. L’entretien.

Pourquoi un fes­ti­val essen­tiel­le­ment de cinéma afri­cain à Montpellier ?

Le terme fes­ti­val est un peu réduc­teur. Je pré­fère dire " regards sur les arts d’Afrique et de la dia­spora ". Il faut rame­ner au centre la pensée des afri­cains sur eux-mêmes, la vision des créa­teurs du sud sur l’Afrique…les Afriques et les autres conti­nents.

Il y a trop d’images sur l’Afrique, mais pas assez pro­ve­nant des afri­cains eux-mêmes.

Je suis un pas­sionné de Brésil, beau­coup de choses m’y ont rap­pelé mon enfance en Côte d’Ivoire. Nos rami­fi­ca­tions vien­nent du même arbre. C’est pour­quoi nous avons mélangé ces genres dans la pro­gram­ma­tion de Quilombo, avec plus de 35 films.

Pourquoi Quilombo ?

C’est cette idée de rami­fi­ca­tion, d’his­toire en mou­ve­ment. Les qui­lom­bos étaient les vil­la­ges au brésil que créaient les escla­ves fugi­tifs, les mar­rons. D’après les his­to­riens, ces vil­la­ges avaient les mêmes modes de fonc­tion­ne­ment que les chef­fe­ries tra­di­tion­nel­les ban­tous. Ils res­sem­blaient à des sortes de royau­mes afri­cains. L’un d’entre eux a duré pen­dant plus d’un siècle : le qui­lombo de Palmarès, avec à sa tête un guer­rier qui s’appe­lait " Zombie ". C’est dans ces qui­lom­bos qu’a été créée la Capoeira.

C’était aussi le titre d’un film de Carlos Diegues, qui fait partie du cinéma " novo " bré­si­lien.

Comment le public réagit à ce genre de pano­rama des ciné­mas d’Afrique ?

Il y a eu un contact fort avec le public, car on a tou­jours couplé les films avec des débats. A l’image de notre cycle des films de Sembene Ousmane " Un auteur, une œuvre ", qui per­met­tait la pro­jec­tion d’un film par mois pen­dant un an. Beaucoup de jeunes afri­cains ont été sur­pris de voir des films séné­ga­lais de ce niveau-là, avec un dis­cours si bien cons­truit pour les années 1960.

On a réussi sur Montpellier, à amener des afri­cains à voir des films afri­cains ! Chacun a récolté ce qu’il avait envie de récol­ter, cela veut dire que le tra­vail fait pen­dant toute l’année a payé et que l’on peut donner de la visi­bi­lité et une exis­tence à ce cinéma.

Penses-tu que les moyens légers sont une solu­tion pour la pro­duc­tion dans le cinéma afri­cain en Afrique ?

Je crois que c’est plus com­pli­qué que ça. Les sup­ports sont acces­soi­res par rap­port au renon­ce­ment. Tant qu’on ne met pas de pres­sion par des moyens citoyens sur les pou­voirs publics, pour qu’ils reconnais­sent que l’image joue sur le déve­lop­pe­ment social, ça ne sera pas effi­cace. Les artis­tes aussi, les acteurs par exem­ple, doi­vent sentir qu’ils par­ti­ci­pent à une aven­ture qui a une valeur sociale.

Pour qu’un film soit vu, quel que soit le sup­port uti­lisé, c’est sa dif­fu­sion qui importe. Il faut de la cri­ti­que, des per­son­nes qui pren­nent le relais pour le dif­fu­ser, sinon le film n’est rien. Ce qui me frappe, c’est le renon­ce­ment des états et le fait que l’on attende des solu­tions exter­nes. Il faut parler avec ses moyens, la pro­duc­tion est acces­soire.
Prenons l’exem­ple du Burkina Faso, un des pays les plus pau­vres au monde. Là-bas, malgré l’ins­ta­bi­lité poli­ti­que, il y a un consen­sus sur le cinéma : le Fespaco, la for­ma­tion et de très bons tech­ni­ciens. La ques­tion qu’il faut se poser, c’est quelle est notre res­pon­sa­bi­lité par rap­port à notre déve­lop­pe­ment ? Est-ce que l’on consi­dère que l’art fait partie du déve­lop­pe­ment de nos pays ou est-ce que l’on attend que des gens envoient des aides finan­ciè­res pour que les artis­tes créent parce que leurs états sont absents ? La prise de cons­cience des états, la cons­cien­ti­sa­tion du public, la for­ma­tion : c’est une dyna­mi­que de groupe.

Propos recueillis par Jean-Jacques Cunnac
Clap Noir

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Mail : asso­cia­tio­nac­ces chez hot­mail.com
Site inter­net : www.projet-faar.org

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