10 porteurs de projets issus des quatre coins de la Francophonie ont bénéficié pendant 2 jours d’expertises dispensées par des professionnels dans les domaines de l’écriture de scénario, de la production, de la diffusion, de la distribution et du marketing. A l’issue de ces rencontres, ils ont participé à un déjeuner de clôture et de contact réunissant tous les participants ainsi que les producteurs présents au FIFF.
Sophie Salbot, productrice (ATHENAÏSE), pour " Rêves de poussières " de Laurent Salgues et Camille Mouyéke, réalisateur (ALLISON production) pour " Les Gens du fleuve ", nous livrent leur impressions.
Clap Noir : Quel sont vos premières impressions ?
Sophie Salbot : c’est un regard extérieur qui permet d’avancer. Cela me permet de rediscuter avec mon réalisateur. C’est-à-dire que j’ai eu d’autres éclairages. Cela confortait ou non ce que je pensais. Je vais pouvoir retourner le voir et cela va me permettre d’aller plus loin dans l’écriture du projet. Au départ, je pensais que c’était pour rencontrer des partenaires potentiels.
C’est bien, c’est intéressant. C’est la première édition.
Il faut que ça recommence l’année prochaine. Il faut essayer d’avoir un suivi des projets après ; et ça, c’est toujours le plus dur à faire. Quand les gens sont là, ils sont là, cela avance et après, chacun vaque à ses occupations et c’est difficile. De leur part à eux, cela demande du travail supplémentaire et c’est pas forcément évident à mettre en place. Comme ils disaient, la plus belle récompense, ça serait que quand les films sont faits, ils soient projetés à Namur. Quand on voit que les projets aboutissent et donnent des films, ça encourage à continuer dans ce sens là.
Clap Noir : Qu’avez vous tiré comme premier bilan du forum de la coproduction ?
Camille Mouyéke : Le premier bilan, je pense, c’est d’avoir pour une fois, la possibilité d’avoir autour de soi une palette de spécialistes avec qui on peut construire quelque chose. Parce que tout simplement, il y a un dénominateur commun qui est la francophonie : ce bloc que l’on fait entre nous, les francophones, pour défendre la diversité culturelle ; ça, c’était un atout pour qu’on puisse se comprendre, pour qu’on puisse parler le même langage. Chacun avec ses spécificités, ses richesses, ses acquis et le langage favorise ensuite les relations et les perspectives d’avenir. Donc à ce moment-là, on peut les définir parce qu’on est tous embarqués dans le même bateau, où à un moment on conjugue ou pas nos efforts. Et on " disparaît " à ce moment là face à la machine américaine. Voilà c’est ça. C’est positif.
Clap Noir : Ce premier forum a servi à mettre en commun un langage et à vous munir des outils nécessaires entre professionnels francophones pour mener à bien vos projets face aux grosses machines de production …
Camille Mouyéke : je pense que ça permet d’abord de se réunir, de se connaître, à connaître ce que l’autre, qui partage les mêmes valeurs que moi, est en train de construire dans son coin et comment on peut s’associer tous les deux pour faire la même chose. Et le fait que l’on soit deux est une force supplémentaire qui se met en place. Comme je disais c’est l’union qui fait la force et de mon point de vue c’est d’abord ça.
Ensuite, si on veut se positionner vis-à-vis de la machine en face qui fait figure de rouleau compresseur, ça c’est une autre chose. Le plus important, c’est que nous, dans notre espace, on s’organise pour pouvoir garder tout simplement notre autonomie, notre richesse, notre possibilité de s’exprimer, de proposer autre chose. Ce qui est important, c’est cette identité là, la défense de l’identité francophone. Ce n’est pas seulement être en face d’un adversaire. L’adversaire est virtuel, si vous voulez.
Ce qui compte, c’est : " est-ce que nous avons notre place dans la mondialisation ou pas ? " le propos n’est pas de combattre et abattre un adversaire mais de pouvoir garder une identité et pouvoir proposer autre chose, de ne pas seulement consommer ou subir l’envahisseur.
Clap Noir : Est-ce que l’on aura une chance de voir ces films dont vous avez discuté dans un festival ?
Camille Mouyéke : bien sûr. Je pense qu’il y a de fortes chances. Tout simplement parce que les 10 projets qui ont été sélectionnés au forum francophone n’ont pas le même niveau. Donc, il y a des projets qui sont là, qui sont déjà à 2 ou 3 semaines de tournage. Cela veut dire que les producteurs qui étaient présents pour défendre ces projets, leurs dossiers étaient quasiment complets ; il y a déjà un budget, un plan de financement…donc forcément, il y a une chance de voir ces films là. Les autres étaient moins avancés et ils sont prêts à aboutir.
Clap Noir : Cette année, il y a un coup de projecteur sur le cinéma marocain, que pensez-vous de cette sélection et de ce cru ?
Camille Mouyéke : je pense qu’il y a une raison à ça. Je pense que si aujourd’hui, le cinéma du Maghreb a une force c’est qu’il faut quand même savoir une chose : dans un monde, je parle du monde du cinéma, où les mécanismes de financement disparaissent les uns après les autres, il est important que les états eux-mêmes mettent en place des dispositifs qui permettent que les productions locales continuent de vivre et que les films existent. Donc, le Maghreb, lui, est suffisamment en avance par rapport à l’Afrique Subsaharienne, d’où je viens, tout à fait le sud. Ces pays de l’Afrique Subsaharienne n’ont pas encore compris qu’en misant dans la culture, on mise aussi dans le tourisme, dans l’artisanat, on mise tout simplement dans le développement économique d’une nation, ils n’ont pas compris ça. Les marocains, les algériens, les tunisiens, eux, ont des fonds qui aident à ce que les films se fassent. Si ces films sont faits, ils sont vus à Namur et ces films deviennent des ambassadeurs de ces nations-là. Nous, au sud du Sahara, on doit comprendre que le cinéma n’est pas tout simplement un luxe ni un divertissement, c’est une contribution à part entière dans le développement d’un pays en voie de développement.
Propos recueillis
par Benoît Tiprez
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