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"Il faut des cadres et des créateurs forts pour faire des films forts."
Publié le : lundi 15 janvier 2007

L’avenir est là. Il est impératif de former les jeunes, non pas à travers des stages, mais en leur permettant de faire des études supérieures. Il faut des cadres et des créateurs forts pour faire des films forts. Si on n’arrive pas à ce stade, on restera toujours des assistés et des assistants. C’est là une grande vérité."

Lors d’un pas­sage à Niamey, Souleymane Cissé, cinéaste malien, deux fois lau­réats de l’Etalon de Yennenga, Grand Prix du Fespaco, a accepté de ren­contrer l’équipe de Clap Noir avec laquelle il a échangé sur divers aspects de l’évolution du sep­tième art en Afrique. Dans l’extrait que nous vous pro­po­sons, Souleymane Cissé, qui est aussi l’ini­tia­teur de l’Union des Créateurs, Entrepreneurs et Cinéastes du Cinéma et de l’Audio Visuel de l’Afrique de l’Ouest, (UCECAO) nous livre son point de vue sur la vidéo et le numé­ri­que.

Clap Noir : Nous avons remar­qué que le cinéma afri­cain n’a tou­jours pas atteint sa vitesse de croi­sière. Aujourd’hui pour que ce cinéma décolle, ne faut-il pas arrê­ter de dire que c’est faute de pel­li­cule que l’on ne tourne pas et voir du côté de la vidéo ?

Souleymane Cissé : C’est un sujet assez com­plexe. Pour cer­tains cinéas­tes, faire de la vidéo c’est se dimi­nuer, s’abais­ser. Ce qu’il faut savoir, c’est que quel que soit le sup­port que va employer le cinéaste, il don­nera son talent et son art. C’est le plus impor­tant. Je pense qu’il nous faut aujourd’hui faire com­pren­dre cela à nos col­lè­gues. Moi-même j’ai fais des courts métra­ges en vidéo.

Vous pensez donc que faire la pro­mo­tion du sup­port numé­ri­que peut être béné­fi­que au cinéma afri­cain ?

Obligatoirement. Je pense que le numé­ri­que ne peut pas gêner le cinéma. Si nous avons par exem­ple deux gran­des salles de cinéma à Niamey, quelle que soit l’abon­dance de la vidéo les gens iront tou­jours voir des films dans les salles. Dans les pays déve­lop­pés, on a cru que qu’avec l’arri­vée la vidéo, c’était fini pour le cinéma. Mais cela s’est avéré faux.

Les ciné­phi­les ont besoin d’espace pour mieux rêver. Cela, seul le grand écran le permet. Personnellement, j’ai acquis toute ma culture dans les salles de cinéma. Pendant plus de 20 ans, j’ai fré­quenté les salles de cinéma jour et nuit, sous la pluie et le soleil. Je sais l’effet que cela peut faire sur un autre. Par consé­quent, je dis qu’il faut faire de la vidéo pen­dant un moment, ensuite il faut pré­pa­rer ce qu’on appelle un grand projet. Le cinéma est un grand projet.

Toujours dans le cadre de la numé­ri­sa­tion, le cinéaste bur­ki­nabé Dany Kouyaté a tourné son der­nier film, Ouaga saga en numé­ri­que. Avez-vous essayé quel­ques pro­jets de tour­nage de film en numé­ri­que ?

J’avais un projet de long métrage que j’ai voulu faire en vidéo numé­ri­que. L’his­toire de ce film est tel­le­ment poé­ti­que que le faire sur sup­port vidéo ne me paraît pas oppor­tun car il sera très dif­fi­cile de le gon­fler pour avoir la qua­lité que je recher­che. C’est la raison pour laquelle j’ai renoncé à le faire sur vidéo, je vais le faire fina­le­ment sur pel­li­cule.

Ma logi­que est la sui­vante. Etant très exi­geant, vous avez vu mon pre­mier film, vous avez vu le der­nier. On ne peut pas avan­cer en recu­lant. Je ne peux pas faire avan­cer les choses et puis retom­ber, rechu­ter. Vous allez dire en ce moment que c’est dom­mage, Cissé a perdu. Je n’aime pas perdre. Cependant je res­pecte le numé­ri­que et je sais que je vais faire des films sur sup­port vidéo numé­ri­que.

Pensez-vous que l’Association U.C.E.C.A.O pourra créer une struc­ture de finan­ce­ment des pro­duc­tions ?

Il n’a pas le choix. Cela est ins­crit dans ses sta­tuts et c’est son devoir de faire la pro­mo­tion de l’indus­trie ciné­ma­to­gra­phi­que en Afrique de l’Ouest. Nous ferons tout ce qui est en notre pou­voir pour trou­ver les moyens finan­ciers. Quitte à tra­vailler avec les ban­ques, avec les opé­ra­teurs économiques, avec les poli­ti­ques pour qu’ils sachent que cela rentre dans le cadre du déve­lop­pe­ment, et que la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phi­que peut géné­rer des emplois et faire des recet­tes. C’est en ce moment là que les déci­deurs com­pren­dront que le cinéma est capi­tal. Ce cinéma vaut plus que de l’or, plus que le pétrole, mais on l’a tel­le­ment négligé tout sim­ple­ment à cause d’un mau­vais fonc­tion­ne­ment de nos Etats. C’est regret­ta­ble !

L’avenir est là. Il est impé­ra­tif de former les jeunes, non pas à tra­vers des stages, mais en leur per­met­tant de faire des études supé­rieu­res. Il faut des cadres et des créa­teurs forts pour faire des films forts. Si on n’arrive pas à ce stade, on res­tera tou­jours des assis­tés et des assis­tants. C’est là une grande vérité.

L’équipe de clap noir

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