L’avenir est là. Il est impératif de former les jeunes, non pas à travers des stages, mais en leur permettant de faire des études supérieures. Il faut des cadres et des créateurs forts pour faire des films forts. Si on n’arrive pas à ce stade, on restera toujours des assistés et des assistants. C’est là une grande vérité."
Lors d’un passage à Niamey, Souleymane Cissé, cinéaste malien, deux fois lauréats de l’Etalon de Yennenga, Grand Prix du Fespaco, a accepté de rencontrer l’équipe de Clap Noir avec laquelle il a échangé sur divers aspects de l’évolution du septième art en Afrique. Dans l’extrait que nous vous proposons, Souleymane Cissé, qui est aussi l’initiateur de l’Union des Créateurs, Entrepreneurs et Cinéastes du Cinéma et de l’Audio Visuel de l’Afrique de l’Ouest, (UCECAO) nous livre son point de vue sur la vidéo et le numérique.
Clap Noir : Nous avons remarqué que le cinéma africain n’a toujours pas atteint sa vitesse de croisière. Aujourd’hui pour que ce cinéma décolle, ne faut-il pas arrêter de dire que c’est faute de pellicule que l’on ne tourne pas et voir du côté de la vidéo ?
Souleymane Cissé : C’est un sujet assez complexe. Pour certains cinéastes, faire de la vidéo c’est se diminuer, s’abaisser. Ce qu’il faut savoir, c’est que quel que soit le support que va employer le cinéaste, il donnera son talent et son art. C’est le plus important. Je pense qu’il nous faut aujourd’hui faire comprendre cela à nos collègues. Moi-même j’ai fais des courts métrages en vidéo.
Vous pensez donc que faire la promotion du support numérique peut être bénéfique au cinéma africain ?
Obligatoirement. Je pense que le numérique ne peut pas gêner le cinéma. Si nous avons par exemple deux grandes salles de cinéma à Niamey, quelle que soit l’abondance de la vidéo les gens iront toujours voir des films dans les salles. Dans les pays développés, on a cru que qu’avec l’arrivée la vidéo, c’était fini pour le cinéma. Mais cela s’est avéré faux.
Les cinéphiles ont besoin d’espace pour mieux rêver. Cela, seul le grand écran le permet. Personnellement, j’ai acquis toute ma culture dans les salles de cinéma. Pendant plus de 20 ans, j’ai fréquenté les salles de cinéma jour et nuit, sous la pluie et le soleil. Je sais l’effet que cela peut faire sur un autre. Par conséquent, je dis qu’il faut faire de la vidéo pendant un moment, ensuite il faut préparer ce qu’on appelle un grand projet. Le cinéma est un grand projet.
Toujours dans le cadre de la numérisation, le cinéaste burkinabé Dany Kouyaté a tourné son dernier film, Ouaga saga en numérique. Avez-vous essayé quelques projets de tournage de film en numérique ?
J’avais un projet de long métrage que j’ai voulu faire en vidéo numérique. L’histoire de ce film est tellement poétique que le faire sur support vidéo ne me paraît pas opportun car il sera très difficile de le gonfler pour avoir la qualité que je recherche. C’est la raison pour laquelle j’ai renoncé à le faire sur vidéo, je vais le faire finalement sur pellicule.
Ma logique est la suivante. Etant très exigeant, vous avez vu mon premier film, vous avez vu le dernier. On ne peut pas avancer en reculant. Je ne peux pas faire avancer les choses et puis retomber, rechuter. Vous allez dire en ce moment que c’est dommage, Cissé a perdu. Je n’aime pas perdre. Cependant je respecte le numérique et je sais que je vais faire des films sur support vidéo numérique.
Pensez-vous que l’Association U.C.E.C.A.O pourra créer une structure de financement des productions ?
Il n’a pas le choix. Cela est inscrit dans ses statuts et c’est son devoir de faire la promotion de l’industrie cinématographique en Afrique de l’Ouest. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour trouver les moyens financiers. Quitte à travailler avec les banques, avec les opérateurs économiques, avec les politiques pour qu’ils sachent que cela rentre dans le cadre du développement, et que la production cinématographique peut générer des emplois et faire des recettes. C’est en ce moment là que les décideurs comprendront que le cinéma est capital. Ce cinéma vaut plus que de l’or, plus que le pétrole, mais on l’a tellement négligé tout simplement à cause d’un mauvais fonctionnement de nos Etats. C’est regrettable !
L’avenir est là. Il est impératif de former les jeunes, non pas à travers des stages, mais en leur permettant de faire des études supérieures. Il faut des cadres et des créateurs forts pour faire des films forts. Si on n’arrive pas à ce stade, on restera toujours des assistés et des assistants. C’est là une grande vérité.
L’équipe de clap noir
Clap Noir
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