Comment pourrais je vous parler de Miss Claudia TAGBO sans être émue ? Cette jeune trentenaire a fait de moi une réalisatrice comblée lorsqu’elle a accepté il y a un an de jouer le rôle principal de mon premier court-métrage "La Dictée". Ce ne serait pas de surenchérir que de dire qu’ elle m’a sciée par son professionnalisme et la qualité de son interprétation.
Comment pourrais je vous parler de Miss Claudia TAGBO sans être émue ? Cette jeune trentenaire a fait de moi une réalisatrice comblée lorsqu’elle a accepté il y a un an de jouer le rôle principal de mon premier court-métrage "La Dictée". Ce ne serait pas de surenchérir que de dire qu’ elle m’a sciée par son professionnalisme et la qualité de son interprétation. Elle est belle, a les pieds bien enracinés dans la terre ferme, et je pense que personne ne me contredira si je rajoute qu’elle possède une énergie volcanique à vous emporter dans un tourbillon. Vous avez tressailli en la voyant dans le rôle de l’incendiaire tante Awa dans notre " Fatou internationale", elle vous a émue dans "La valse des gros derrières" de Jean Odoutan comment pouvais je vous priver oh chers internautes de Clap Noir, du plaisir de mieux la cerner, mieux la comprendre et surtout mieux percevoir ses aspirations d’actrice rassasiée des rôles de nounou sympathique. Entre deux répétitions la délicieuse CLAUDIA a bien voulu que je plonge dans son regard pénétrant le temps de faire tomber son masque.
Zoom sur CLAUDIA TAGBO, une actrice débordante d’énergie.
MEIJI U TUM’SI : Claudia pourrais tu me donner ton actualité en ce moment ?
CLAUDIA TAGBO : J’ai tourné un téléfilm qui sort bientôt avec Anouk Grinbert qui s’intitule "ma meilleure amie" pour France 2.
Tu y joues quel rôle ?
Benh le rôle d’une nounou. En fait la nounou elle n’avait pas grand chose à faire. Elle restait avec les enfants. Elle était beaucoup en conflit avec un des rôles principaux, Michèle, une clocharde qui vient foutre un peu la zizanie dans notre vie installée. On s’accroche un peu dans le film toutes les deux.
Comment s’est passé le tournage ?
Très bien, c’était avec Elisabeth Rappeneau en tant que réalisatrice. J’ai eu un bon feeling, un bon contact, c’était une bonne expérience.
Peux tu me raconter tes débuts dans le cinéma ?
Mon premier long métrage était "Mama Aloko" de Jean Odoutan…Mais pour mes tous débuts, j’étais en lycée en même temps je faisais du théâtre et puis je suis venue à Paris pour faire mes études de théâtre en 1988, là je suis allée jusqu’à la maîtrise, maîtrise que je n’ai pas soutenue à Paris VIII et que je regrette parce que j’ai tout de suite commencé à travailler. Ma toute première expérience fut dans le court métrage d’Emilie Deleuze qui s’appelait « lettre à ABOU ».
Raconte-moi tes impressions quand tu t’es vue sur grand écran, la première fois ?
J’appréhende toujours la caméra. Je suis quelqu’un qui a une formation de théâtre. Je suis quelqu’un de très impatiente, j’ai un réel échange avec le public. On est en interaction au théâtre. Et puis on a le temps d’évoluer dans des choses, d’évoluer dans des pistes, de les tester avant d’avoir un chemin. Au cinéma il faut être direct, très vite. J’ai eu du mal avec ça mais c’est une très belle expérience aussi. Plus je serai face à la caméra, mieux ça sera ; pour l’instant pas beaucoup, mais ça va venir. Je pense qu’il y en a plein qui doivent être comme ça, quand je me vois je ne m’aime pas du tout. Et puis il y a quelque chose que je déteste aussi, c’est ma voix. J’aime bien quand je suis en train de jouer mais après pendant les projections je m’aime pas. Je ne regarde pas en général ce que je fais et puis comme je n’ai pas de télé, ça simplifie tout.
Et quand tu regardes en arrière quel est le film dont tu es la plus fière en tant qu’actrice ?
Sur mon petit parcours, sur mes films …je pense que je suis très contente de « La dictée » de Meiji U Tum’si pour la bonne et simple raison que c’est la première fois que l’on me confiait un rôle principal, même si c’est un court-métrage mais le rôle était intense. Et puis il y avait très peu de texte, du coup j’ai joué autrement.
Qu’est que tu entends quand tu dis que t’as joué autrement ?
C’est tout simple, j’ai une petite anecdote à vous raconter. Sur le tournage de "Fatou la malienne", par exemple j’ai été refusée quand même de cantine. Je venais de démaquiller, j’avais les cheveux hyper blancs à l’époque. Pour le tournage j’avais un foulard et sous ce vieux foulard il y avait des cheveux blancs. Donc la personne qui s’occupait de la cantine parce qu’on mangeait dans le restaurant m’a dit : "Vous allez où vous ? où tu vas manger, tu ne manges nulle part" et c’est quand même le réalisateur Daniel Vigne qui est venu dire « non, mais c’est Claudia, celle qui fait la tante Awa … ». C’est pour vous dire que jusqu’à maintenant on ne m’a pas donné de rôle…pas des rôles qui me correspondent parce que je ne suis pas d’accord pour dire qu’il y des rôles qui correspondent à si, là, ni…
Je sais, beaucoup de rôle que j’ai fait sont des rôles de mama ça vient peut - être aussi de ma corpulence parce que je suis un peu ronde, je ne sais pas. Ca vient peut-être de la non imagination des gens, je ne sais pas. C’est des rôles qui je peux dire entre guillemets où je n’ai pas vraiment besoin de talent de quoi que ce soit …c’est pour cela que je disais que j’étais sûre de « La dictée » parce que c’était pas encore une femme qui ne savait pas parler français.
C’était bien "Fatou la malienne", je ne suis pas en train de dénigrer le truc mais …c’est un rôle que j’ai fait en regardant mes tanties, mes mamans et tout ça …et d’ailleurs le travail du comédien c’est de regarder autour de soi et de refaire. Je n’ai pas eu de rôle où on dit c’est une femme, on va faire jouer le rôle d’une femme qui a trente ans et on y va avec toute sa fragilité, toute sa tendresse, pas quelque chose de caricatural que la plupart des comédiennes africaines savent faire. Il y’a de très bonnes comédiennes africaines, très belles femmes, on peut construire des choses avec elles il y a de quoi faire. Il faut seulement pour cela que les gens aient un peu d’imagination.
J’ai eu l’occasion d’apprécier l’actrice que tu es dans un tout autre registre, dans le rôle d’une lesbienne dans « la valse des gros derrières » de Jean Odoutan ? Peux tu me parler de ce que tu as ressenti en interprétant ce rôle atypique ?
En fait, dans le scénario, c’était précisé qu’elle était lesbienne mais moi je pense qu’au niveau de la direction on a été assez timide là dessus. Jean, n’a pas voulu pousser un peu trop ou trop prononcer la chose mais c’est venu de la complicité des deux comédiennes qui se connaissaient. Asimba, c’est une femme perdue qui n’a pas de repères dans son milieu familial où elle était rejetée après avoir été avec un européen et après avoir eu un enfant avec lui. Elle se retrouve toute seule à élever son enfant en plus elle est en situation irrégulière en France. Elle se bat, elle coud dans cette petite cuisine pour s’en sortir. Toute femme a un peu ça en elle quand elle est un peu perdue, elle a été déçue par cet homme. Si on veut faire la biographie de ce personnage, elle est venue en France pour lui, elle a tout mis sur lui…là il s’avère que c’est sa copine Akwélé qui était là donc elle s’est mise sur elle. Je pense que ce serait un homme elle serait avec l’homme. Ce n’est pas vraiment une lesbienne, une homosexuelle prononcée comme on pourrait voir dans notre société mais c’est quelqu’un qui est perdu. Elle avait tout simplement besoin de tendresse et c’est un appel au secours.
As tu déjà été confrontée au problème d’identification à un personnage, que les gens te prennent pour le personnage que tu as interprété au cinéma ?
Oui. Sur le personnage de tante Awa de "Fatou la malienne". Je me souviens encore ma mère, qu’on appelait pour dire « ta fille tu l’as mal élevée. Elle est méchante, ce n’est pas bien ce qu’elle fait. » Mais ma mère qui répondait « Mais non c’est un rôle, elle n’est pas comme ça vous la connaissez Claudia, elle aime toujours rigoler. » Elle était obligée de me défendre parce que les gens se sont vraiment mis dans le film. Ils n’ont pas pris de distance ne serait ce qu’un instant.
J’ai une anecdote, j’étais allée à Sevran, il y a des jeunes qui m’ont reconnue "Hé Madame c’est pas bien ce que vous avez fait, c’est pas cool…" Je me disais mais c’est pas vrai, c’est un film et pourtant ce n’est pas si vieux que ça. Le tournage date de l’an 2000. Je pense que ça vient du fait que c’est la première fois qu’on voyait une famille africaine à la télé et donc les gens se sont dits qu’on a posé la caméra, c’est une vraie famille. Et ils n’ont pas cherché à comprendre que c’est une famille constituée de comédiens qui ne se connaissaient pas ni d’Adam ni d’Eve et qui jouaient ensemble.
En tant qu’actrice, arrives tu à vivre de ton métier en France ?
Oui c’est pas glorieux mais oui j’arrive à en vivre.
As tu déjà été confrontée à certaines difficultés liées à ta couleur de peau ?
Benh …oui, je pense que je ne suis pas seule dans ce cas là. C’est pas seulement une confrontation par rapport à ma couleur de peau. Moi il m’est arrivé d’aller à des castings où on vient c’est écrit entre parenthèse "cherche femme entre 20 et 35 ans". On arrive dans ce casting là, on ne voit pas dans leur regard " toi, t’es noire, tu ne vas pas jouer avec nous ! ce qu’on voit c’est en écrivant "cherche comédienne entre 20 et 35 ans" il n’aurait pas imaginé qu’une comédienne noire se sentirait concernée et se présenterait. A la rigueur je ne leur en veux même pas mais je me dis "on est un peu en retard les gars il y’a deux heures de trajet juste à côté à Londres, certes ils n’ont pas la sécurité qu’on a, tous ces trucs mais ça joue ça bouge !" Il faudrait qu’on se réveille un peu mais bon ça va venir…
En fait, tu as l’impression que les comédiens noirs sont ghettoïsés dans un certain type de personnages à jouer ?
Oui, c’est ça. Tant que le rôle n’est pas écrit pour un noir, on ne pense pas à le faire jouer à un noir. On voit plus une couleur de peu qu’un être humain. On voit plus la couleur de peau et on se dit que si demain on écrit un personnage de nounou ils ne vont pas faire un casting en prenant une blonde aux yeux bleus. Ils vont se dire « Ah peut -être qu’un maghrébin ou un noir pourrait jouer ce rôle. Mais je pense que ça va venir, ça vient…
En tant qu’actrice, ne trouves tu pas que tu te coupes d’une réalité de ton métier en n’ayant pas de télévision ? Ce n’est pas trop frustrant ?
Pas vraiment parce que je lis énormément. Je vais beaucoup au cinéma. Et puis quand je dis ; moi je n’ai pas de télé chez moi ! Certes, mais tout mon entourage est entouré de télé on va dire. Mais quand il y a des reportages on enregistre je regarde. Mais je suis contre le principe de la télévision à la maison, la télé qui est posée dans la salle à manger, ce n’est pas mon truc parce que je trouve que ça emmène le cafard ; le fait de rester devant la télé, de ne plus bouger, de ne plus communiquer.
Claudia, j’aimerais avoir le regard que tu portes sur le cinéma africain ?
Moi avec mon petit parcours, j’ai travaillé avec un seul cinéaste africain, c’est Jean Odoutan et avec Meiji en court-métrage. Je pense qu’il faut qu’on arrête de dire cinéma africain. C’est un cinéma !Déjà il faut qu’on pense comme ça. Ce qui me révolte le plus c’est quand on va voir un film réalisé par un réalisateur africain c’est d’entendre les gens du métier dire : "oui mais bon, c’est un africain" genre c’est pas mal pour un africain ! Il faudra qu’on arrête quand même nous même de nous rabaisser. Un réalisateur qui se dit réalisateur, c’est un métier. Il faut aller à l’école, apprendre à faire un découpage technique, apprendre à diriger ses comédiens sans les frustrer…ça s’apprend tout s’apprend. Que ce soit technique que ce soit le gars qui met les câbles celui qui fait la lumière. Si on veut faire ce métier là il faut se donner les moyens mais il faut apprendre. Il ne faut pas qu’on se dise parce qu’on a pas les moyens donc on va faire quelque chose d’à peu près, quelque chose de bancal. En fait voilà le regard que je porte c’est fait à l’à peu près sans finesse. J’ai vu des films de Sembene Ousmane pour moi ce ne sont pas des films faits par un africain. Le cinéma est là, les comédiens sont justes, les cadres sont beaux…c’est du cinéma. Alors je me dis si Sembene a réussi pourquoi pas d’autres.
Il faut qu’on se décide pour de vrai à apprendre et non prendre quelqu’un qui va passer derrière la caméra parce qu’il sait appuyer sur un bouton.
Et toi quel est le film inspiré de l’univers africain ou de la diaspora qui t’a le plus marqué ?
En ce moment j’ai mes grosses périodes Sembene Ousmane. Que ce soit en livres ou en films j’en mange beaucoup. Et puis dernièrement j’ai revu les vieux de Melvin Van Peebles. Mais sinon je n’ai pas vraiment d’univers type.
As tu eu déjà l’occasion de tourner en Afrique ?
Non.
Tu souhaiterais ?
Oh …oui ! J’aimerais bien tourner en Afrique ! Ne serait ce même une pièce de théâtre. Je serai prête à partir pour travailler sur le continent africain. J’étais dernièrement en voyage au Sénégal, je crois qu’il y a des choses à faire sur le continent. Il faut seulement qu’on se donne un peu d’énergie. De l’énergie je ne dis pas des moyens mais je parle d’énergie. Qu’on se rassemble un peu ! Eh oui je suis prête à partir.
Avis donc aux metteurs en scène de théâtre et aux réalisateurs de cinéma, la belle Claudia brûle d’envie de jouer en Afrique. Elle attend donc vos propositions ! Car si vous avez bien fait attention à ces propos, il ne serait pas question de « moyens » mais « d’énergie » alors pour une alchimie fusionnelle assurée, foncez, je vous y invite. Mais en attendant la concrétisation de ce désir ardent, allumez vos postes télévisés car très prochainement, vous pourrez la voir dans « La Dictée » sur Canal France International.
Propos recueillis le 29 novembre 2004 à Paris
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