Pour l’heure, les films sélectionnés en compétition reflètent la bonne santé de la production cinématographique du continent de ces 2 dernières années. Sélection néanmoins biaisée par le maintien du 35 mm en compétition officielle, « critère d’excellence » selon Mr Ouedraogo. Ainsi, 80% des films ont été tournés en numérique mais quelques-uns seront en lice grâce au kinescopage, procédé de transfert de la vidéo sur pellicule.
Résultat : une sélection singulière et arbitraire, en décalage avec la qualité technique qu’offre le 35mm et la diversité de l’oeuvre cinématographique proposée. Elitisme, cinéma numérique au banc de la sélection officielle, tentative d’explications du Délégué Général Michel Ouédraogo.
Vous avez parlé d’un Fespaco au quotidien, qu’entendez vous par là ?
C’est faire la promotion du cinéma africain au quotidien. Je crois qu’aujourd’hui, nous devons aller à la conquête de nos écrans, dans les salles mais aussi dans la télévision. C’est pour ça que j’ai dit qu’il faut voir le cinéma africain à travers tous les supports disponibles au quotidien.
Mais comme vous le savez les salles ferment, vous comptez mettre l’accent sur la télévision ?
Nous avons besoin de tous les supports pour faire la promotion du cinéma au quotidien. Le support essentiel ce sont les télévisions certainement mais ce sont les salles de cinéma. Car les écrans de cinéma doivent être nationalisés, excusez-moi le terme. Il faut qu’on ait une programmation qui prenne en compte les réalités africaines.
A propos de la programmation cette année, vous avez maintenu le critère du 35 mm pour la compétition longs métrage
Nous l’avons maintenu parce que tous les professionnels sont d’accord et partagent cette vision de continuer avec le 35 mm. C’est une compétition, nous recherchons l’excellence et devons travailler pour que cette sélection soit respectée, c’est une réalité du cinéma. Si un jour, les lignes doivent évoluer, c’est que l’ensemble du monde du cinéma africain aura convenu d’un commun accord qu’il faut faire bouger les lignes. Pour le moment, le Festival suit ses règles car, comme vous le savez, elles sont sacrées. Il faut véritablement des raisons profondes pour me faire changer le critère de sélection. On a eu le Bétacam, mais on a pas demandé à ce que ce format soit intégré dans le 35mm. Pourquoi on nous demande aujourd’hui que les films tournés en numérique y soient intégrés ? Nous ne sommes pas contre une ouverture. Mais il faut savoir la faire à temps, que cela profite au cinéma africain mais surtout au Festival.
Il y a des films, tournés en numérique, qui sont sortis dans les salles africaines avec succès et ne peuvent donc pas concourir ?
C’est ce que je vous dis, le Fespaco a ses règles de compétition et elles sont sacrées. Il faut les respecter. Avant de faire bouger les lignes, il faut qu’il y ait une réflexion globale. On ne peut pas bouger comme ça en fonction de l’avancée technologique, ça serait une catastrophe pour nous. Donc comme il y a le numérique, il faut qu’on bouge les règles ?
Pourtant la production cinématographique de ces dernières années s’est largement appuyée sur les outils numériques …
Nous ne disons pas le contraire, nous même encourageons les cinéastes à les utiliser. Mais nous souhaitons aussi, les uns et les autres être à la recherche de l’excellence. Vous savez très bien qu’un film tourné en 35 mm n’a pas la même qualité visuelle qu’un film tourné en numérique. Ça il faut qu’on le prenne en compte. Il ne faudrait pas qu’on prenne coûte que coûte une technologie qui, de mon point de vue, est de moindre qualité par rapport à une technologie confirmée de meilleure qualité. Je crois que le débat est lancé et qu’il se poursuivra…
Le cinéma populaire fait sa place petit à petit au côté du cinéma d’auteur.
L’avez-vous constaté en particulier dans cette édition ?
Oui il y a des progressions qui se font dans ce sens. Je pense que le cinéma populaire répond à un besoin immédiat. Mais souvent ce cinéma ne peut pas être un cinéma de référence pour défendre l’image de l’Afrique, dans ce que j’appelle le dialogue des cultures pour la qualité des images et la recherche des références. Quand on prend Moolaade ou les films de Souleymane Cissé, quand vous les voyez du point de vue de la qualité, ils peuvent aller partout dans le monde. Je crois que c’est cela qu’il faut encourager. Mais les films populaires eux, répondent à un besoin de distribution de l’image de l’Afrique et ça aussi il faut qu’on l’encourage. Le Fespaco encourage tous les genres de cinéma.
Propos recueillis par B. Tiprez
Clap Noir
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