Black revolution
"est-ce ainsi..."
du 4 au 10 février 2009
Entretien avec Boris Spire
directeur du cinéma l’Ecran de Saint Denis
Pourquoi le choix de Black Révolution pour la neuvième édition des "journées cinématograhiques dyonisiennes" ?
Cette année, le choix de la thématique a été établi pendant l’été, car il faut six mois pour préparer une telle programmation. Barack Obama était déjà en lice pour la présidence des Etats Unis. Le climat était propice. Au début des années quatre vingt, nous avions découvert les cinéastes afro-américains contemporains, en particulier Charles Burnett ("to sleep with anger"), Hailé Gerima ("Sankofa") et Larry Clarke (celui de "passing through"), grâce à un festival organisé à l’époque par Catherine Ruelle et Catherine Arnaud. Nous suivons aussi une nouvelle vague, avec "Medecine for melancholy" (2008), de Barry Jenquins, en avant première. Nous voulions faire découvrir ces films, avec ceux de Melvyn Van Peebles. Nous voulions aussi interroger la place et l’image des Noirs dans le cinéma américain, ainsi que la manière dont les cinéaste noirs-américains parvenaient à aborder ces questions. Le festival se propose de revisiter les classiques, d’interroger le patrimoine, de mélanger les genres, de présenter les nouveautés.
Les publics sont-ils venus de Saint Denis - où est ancré le cinéma l’Ecran - ou venaient-ils de plus loin ? La communauté noire était-elle présente ?
C’est notre meilleure édition avec 4680 spectateurs sur sept jours. Les salles n’ont pas désempli. Nous sommes très heureux. On dit qu’il faut dix ans d’existence pour un festival pour se faire repérer. Nous avons une programmation exigeante, engagée, située sur un terreau politique. Cette année, beaucoup de gens (environ un tiers, même si nous ne faisons pas de statistiques !) de Saint Denis sont venus. Il y a 70 différentes nationalités dans la ville de Saint Denis et parmi eux, beaucoup de gens africains ou d’origine africaine. Mais tout de même, il n’y a pas eu une majorité de publics noirs pour le festival Black Revolution. Charles Burnett et Melvyn Van Peebles - qui étaient nos invités - en ont débattu un soir : c’est toujours pareil, on se retrouve souvent avec un public majoritairement blanc ! Ils l’expliquent pour les mêmes raisons que moi : la communauté noire n’existe pas vraiment. Je suis allé parler dans les foyers africains à Saint Denis, mais c’est un public qui ne vient pas naturellement au cinéma. Ce n’est pas, ici, une communauté constituée, comme peut l’être la communauté du maghreb, dont les réseaux sont solides, et servent de relais (par exemple, pour le panorama des cinémas du maghreb, que nous organisons aussi chaque année, on mobilise un public très lié au maghreb). Pour les films de Melvyn Van Peeble, la salle était archi-comble, avec un public, cette fois, très mélangé.
Les jeunes
Les jeunes sont un public que nous avons du mal à attirer. J’ai aussi passé beaucoup de temps dans les quartiers. Ils voient le cinéma L’écran comme un lieu "intello". On les touche dans le cadre scolaire, mais sinon, ils ne viennent pas trop chez nous. Il y a un respect mutuel, mais... C’est l’intérêt de l’action culturelle que de s’interroger sur la question du comment vivre ensemble. C’est mon moteur, le sens de mon travail. J’étais heureux de voir des jeunes, blacks, mais pas seulement, présents pour la soirée hip-hop, avec la chanteuse Bams et Warra Ba, un rappeur franco-malien originaire de Saint Denis. Mais les jeunes étaient moins nombreux que ce qu’on espérait.
Les amateurs
Nous avons eu aussi la visite de cinéphiles avertis, qui suivent le sujet et sont prêts à traverser Paris. Par exemple, pour le portrait d’Elridge Cleaver, le Black Panther, par William Klein (1970), une rareté, on a dû refuser du monde. Le festival a contribué à la restauration d’une copie du film.
Le festival se propose de retracer l’histoire d’une cinématographie méconnue mais importante...
Le festival a retracé les trois grands moments du cinéma Noir aux Etats Unis. D’une part, à la naissance du cinéma, au début du XXème siècle, on parle de "race movie", avec Oscar Micheaux, un cinéma fait par des Noirs, pour un public Noir et montré dans des salles réservées : on est au temps de la ségrégation.
Ensuite, à la fin des années cinquante, le mouvement des droits civiques accompagne la naissance d’un cinéma engagé, dont le chef de file est Melvyn Van Peeble, à qui nous rendons un grand hommage cette année (la "Blaxploitation" dure seulement de 1969 à 1976 et sera largement dévoyée par Hollywood) suivi par Charles Burnett.
On voit ensuite apparaitre, dans les années quatre vingt, une nouvelle génération de cinéastes afro-américains, avec Spike Lee et John Singleton. Aujourd’hui, on ne repère pas, sinon dans le cinéma indépendant, de nouveau porte-flambeau. Il n’y a pas de cinéaste Noir à Hollywood. Les questions que soulèvent notre rétrospective sont donc toujours d’actualité.
Propos recueillis par Caroline Pochon
Clap Noir
Association Clap Noir
18, rue de Vincennes
93100 Montreuil - France