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Black revolution "est-ce ainsi..."
Publié le : lundi 23 février 2009
Entretien avec Boris Spire

Black revo­lu­tion
"est-ce ainsi..."
du 4 au 10 février 2009

Entretien avec Boris Spire
direc­teur du cinéma l’Ecran de Saint Denis


Pourquoi le choix de Black Révolution pour la neu­vième édition des "jour­nées ciné­ma­to­gra­hi­ques dyo­ni­sien­nes" ?

Cette année, le choix de la thé­ma­ti­que a été établi pen­dant l’été, car il faut six mois pour pré­pa­rer une telle pro­gram­ma­tion. Barack Obama était déjà en lice pour la pré­si­dence des Etats Unis. Le climat était pro­pice. Au début des années quatre vingt, nous avions décou­vert les cinéas­tes afro-amé­ri­cains contem­po­rains, en par­ti­cu­lier Charles Burnett ("to sleep with anger"), Hailé Gerima ("Sankofa") et Larry Clarke (celui de "pas­sing through"), grâce à un fes­ti­val orga­nisé à l’époque par Catherine Ruelle et Catherine Arnaud. Nous sui­vons aussi une nou­velle vague, avec "Medecine for melan­choly" (2008), de Barry Jenquins, en avant pre­mière. Nous vou­lions faire décou­vrir ces films, avec ceux de Melvyn Van Peebles. Nous vou­lions aussi inter­ro­ger la place et l’image des Noirs dans le cinéma amé­ri­cain, ainsi que la manière dont les cinéaste noirs-amé­ri­cains par­ve­naient à abor­der ces ques­tions. Le fes­ti­val se pro­pose de revi­si­ter les clas­si­ques, d’inter­ro­ger le patri­moine, de mélan­ger les genres, de pré­sen­ter les nou­veau­tés.

Les publics sont-ils venus de Saint Denis - où est ancré le cinéma l’Ecran - ou venaient-ils de plus loin ? La com­mu­nauté noire était-elle pré­sente ?

C’est notre meilleure édition avec 4680 spec­ta­teurs sur sept jours. Les salles n’ont pas désem­pli. Nous sommes très heu­reux. On dit qu’il faut dix ans d’exis­tence pour un fes­ti­val pour se faire repé­rer. Nous avons une pro­gram­ma­tion exi­geante, enga­gée, située sur un ter­reau poli­ti­que. Cette année, beau­coup de gens (envi­ron un tiers, même si nous ne fai­sons pas de sta­tis­ti­ques !) de Saint Denis sont venus. Il y a 70 dif­fé­ren­tes natio­na­li­tés dans la ville de Saint Denis et parmi eux, beau­coup de gens afri­cains ou d’ori­gine afri­caine. Mais tout de même, il n’y a pas eu une majo­rité de publics noirs pour le fes­ti­val Black Revolution. Charles Burnett et Melvyn Van Peebles - qui étaient nos invi­tés - en ont débattu un soir : c’est tou­jours pareil, on se retrouve sou­vent avec un public majo­ri­tai­re­ment blanc ! Ils l’expli­quent pour les mêmes rai­sons que moi : la com­mu­nauté noire n’existe pas vrai­ment. Je suis allé parler dans les foyers afri­cains à Saint Denis, mais c’est un public qui ne vient pas natu­rel­le­ment au cinéma. Ce n’est pas, ici, une com­mu­nauté cons­ti­tuée, comme peut l’être la com­mu­nauté du magh­reb, dont les réseaux sont soli­des, et ser­vent de relais (par exem­ple, pour le pano­rama des ciné­mas du magh­reb, que nous orga­ni­sons aussi chaque année, on mobi­lise un public très lié au magh­reb). Pour les films de Melvyn Van Peeble, la salle était archi-comble, avec un public, cette fois, très mélangé.

Les jeunes

Les jeunes sont un public que nous avons du mal à atti­rer. J’ai aussi passé beau­coup de temps dans les quar­tiers. Ils voient le cinéma L’écran comme un lieu "intello". On les touche dans le cadre sco­laire, mais sinon, ils ne vien­nent pas trop chez nous. Il y a un res­pect mutuel, mais... C’est l’inté­rêt de l’action cultu­relle que de s’inter­ro­ger sur la ques­tion du com­ment vivre ensem­ble. C’est mon moteur, le sens de mon tra­vail. J’étais heu­reux de voir des jeunes, blacks, mais pas seu­le­ment, pré­sents pour la soirée hip-hop, avec la chan­teuse Bams et Warra Ba, un rap­peur franco-malien ori­gi­naire de Saint Denis. Mais les jeunes étaient moins nom­breux que ce qu’on espé­rait.

Les ama­teurs

Nous avons eu aussi la visite de ciné­phi­les aver­tis, qui sui­vent le sujet et sont prêts à tra­ver­ser Paris. Par exem­ple, pour le por­trait d’Elridge Cleaver, le Black Panther, par William Klein (1970), une rareté, on a dû refu­ser du monde. Le fes­ti­val a contri­bué à la res­tau­ra­tion d’une copie du film.

Le fes­ti­val se pro­pose de retra­cer l’his­toire d’une ciné­ma­to­gra­phie méconnue mais impor­tante...

Le fes­ti­val a retracé les trois grands moments du cinéma Noir aux Etats Unis. D’une part, à la nais­sance du cinéma, au début du XXème siècle, on parle de "race movie", avec Oscar Micheaux, un cinéma fait par des Noirs, pour un public Noir et montré dans des salles réser­vées : on est au temps de la ségré­ga­tion.
Ensuite, à la fin des années cin­quante, le mou­ve­ment des droits civi­ques accom­pa­gne la nais­sance d’un cinéma engagé, dont le chef de file est Melvyn Van Peeble, à qui nous ren­dons un grand hom­mage cette année (la "Blaxploitation" dure seu­le­ment de 1969 à 1976 et sera lar­ge­ment dévoyée par Hollywood) suivi par Charles Burnett.
On voit ensuite appa­rai­tre, dans les années quatre vingt, une nou­velle géné­ra­tion de cinéas­tes afro-amé­ri­cains, avec Spike Lee et John Singleton. Aujourd’hui, on ne repère pas, sinon dans le cinéma indé­pen­dant, de nou­veau porte-flam­beau. Il n’y a pas de cinéaste Noir à Hollywood. Les ques­tions que sou­lè­vent notre rétros­pec­tive sont donc tou­jours d’actua­lité.

Propos recueillis par Caroline Pochon

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