Lumière d’Afrique : Waliden, l’enfant d’autrui d’Awa Traoré
Awa Traoré, retenue au Mali, n’a pu venir à Lussas accompagner son premier film. La jeune femme prépare une thèse de doctorat en sociologie sur le thème de l’adoption dans la société malienne. C’est naturellement que le projet d’un documentaire sur le sujet s’est imposé à elle, afin de mieux pénétrer l’opinion, faire réfléchir la société, en partant de sa propre expérience. Ecriture commencée fin 2006, fin de réalisation en février 2009, dans le giron d’Africadoc Mali, donc.
L’adoption traditionnelle était une richesse qui consolidait les liens familiaux. Pourtant dans de nombreux cas, la réalité est loin de cette image idyllique, et l’enfant d’autrui considéré comme une charge, n’est, bien souvent qu’un domestique sevré de soins et d’affection. Awa est une waliden. Dans son enfance, elle a subi 3 adoptions. La deuxième, qui a duré 10 ans, n’a été qu’une longue suite de malheurs et de maltraitance. Dans la première partie du film, elle aborde, à la première personne, et de façon sensible, ses souvenirs d’enfance. Images simples. Le pudique récit avance à petit pas. On attend de ce premier film qu’il dénonce, délivre, on est prêt pour l’empathie. Mais tout aussi tranquillement, le récit s’éloigne vers d’autres rives. La catharsis n’aura pas lieu, ou, du moins, pas sous la forme attendue. La victime s’efface derrière la sociologue, rencontre des témoins, recueille leur témoignage, se renforce dans le malheur commun. C’est à une prise de conscience collective que son film appelle.
Laissons la parole à Jean-Marie Barbe qui présente le film : « C’est, au fond, son histoire et l’on sent bien qu’elle s’est retenue. Ce premier film est un hommage à la parole des anciens, ceux qui constitue son équilibre et qu’elle respecte au point de ne faire qu’esquisser le tragique de ces adoptions et celui de sa propre histoire, mais c’est déjà beaucoup ».
Après sa projection devant 300 personnes au Centre Culturel Français de Bamako, la réalisatrice s’est déclarée agréablement surprise de la réaction du public et d’ajouter : « J’ai fait ce film pour le public malien, beaucoup se retrouvent dans la situation que je décris »
Loin de poignantes confessions, quasiment impossibles dans le contexte puisqu’elles mettraient en cause des membres de sa famille, elle élève une voix douce mais tenace pour parler de l’indicible et appeler à plus d’humanité. Une leçon !
Michèle Solle
Lussas 2009
Clap Noir
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