Certains aspects thématiques et esthétiques communs aux cinémas burkinabé, malien, nigérien et sénégalais nous ont permis de saisir quelque peu la dynamique culturelle des films sahéliens. Afin de pouvoir dégager les spécificités du cinéma nigérien, il convient d’analyser sa dynamique historique.
Quelques opinions autorisées
Quelques opinions autorisées nous fournissent des renseignements intéressant sur l’évolution historique du cinéma nigérien. Cinéaste nigérien, ancien directeur du Consortium interafricain de distribution cinématographique (CIDC) Inoussa Ousséini tenait en 1995, au séminaire national de Tillabéri, les propos suivants : " Le nombre chaque année croissant d’émissions radiophoniques, télévisées, d’articles de presse consacrés au cinéma, l’introduction récente d’un enseignement au programme de l’Université de Niamey, l’hommage que la nation toute entière a rendu à la mémoire du plus illustre des cinéastes nigériens de son nom le plus important complexe socio-culturel du pays constitue s’il en est besoin des preuves suffisantes de l’intérêt que lui porte les masses populaires et les pouvoirs publics. Et pourtant les mêmes institutions et personnes s’accordent à déplorer l’enlisement du cinéma nigérien, sa léthargie ses maladies, ses crises, ses états d’âmes.. et de s’interroger sur sa légitimité véritable tant son avenir de nos jours semble obscurément nébuleux au regard d’une gloire hélas passée "
Sur ce passé décomposé, le cinéaste Gaston Kaboré, alors Secrétaire général de la Fédération panafricaine de cinéaste FEPACI mettra l’accent au cours d’une intervention aux premières rencontres du cinéma africain de Niamey RECAN en 1994, en ces termes : " Le Niger fait son entrée dans la production cinématographique dès 1962. Il était considéré comme une des locomotives du cinéma africain. En Afrique noire on comptait parmi les pionniers, deux sénégalais : Ousmane Sembène, et Boubacar Samb ; deux ivoiriens : Timité Bassori et Henri Duparc ; deux nigériens : Moustapha Alassane et Oumarou Ganda. Faut-il rappeler que le Niger est le premier pays à avoir remporté l’Etalon de Yennenga au FESPACO de 1972 avec LE WAAZZOU POLYGAME d’Oumarou Ganda ".
Quant à Pierre Haffner, il situe la ligne de revirement du septième art nigérien dans sa conclusion à l’analyse des cinémas sahéliens comme suit : "Le seul point commun est le fait que l’un et l’autre, le Sénégal et le Niger, paraissent essoufflé après 1980"
Enfin, Maïzama Issa donne un aperçu historique plus explicite. Pour l’auteur d’Oumarou Ganda, cinéaste nigérien : " le cinéma nigérien a connu trois périodes : première décennie de l’indépendance (1960-1970) dominé par Moustapha Alassane, deuxième décennie de l’indépendance1970-1980 dite décennie d’Oumarou Ganda et la période crise de 1980 à nos jours ".
A la lumière de ces différentes analyses, il s’avère que la production cinématographique s’articule sur deux périodes égales mais nettement contrastées : la période faste de 1962 à 1979 et la période néfaste de 1980 à 20…
La période faste 1962-1979
Moustapha Alassane réalise en 1962 le premier film nigérien (Aouré) avant de connaître la consécration internationale en obtenant le Grand Prix du dessein animé au Premier festival mondial des Arts nègres de Dakar avec de LA MORT GANDJI en 1966. Il est suivi par Oumarou Ganda qui se fait remarquer au cours de divers festival. Il obtient le premier Etalon de Yennenga pour son deuxième long métrage LE WAAZZOU POLYGAME. Pendant cette même période Djingarey Maïga, Yaya Kossoko, Inoussa Ousséini et d’autres viennent s’ajouter aux deux précédents pour inscrire le cinéma nigérien parmi les cinémas pionniers de l’Afrique noire.
Cette période de dix sept (17) ans enregistre la réalisation d’une vingtaine de moyens et longs métrages. Plus exactement vingt et un (21) films dont six produits au cours de la première décennie des indépendances et 15 au cours de la deuxième.
La période néfaste (1980-2004)
Durant les dix sept dernières années, le Niger a réalisé douze moyens et long-métrage, six entre 1980 et 1984 et six dont deux téléfilms entre 1990 et 1997. Au cours de cette période qui comporte six années successives blanches, on peut dire que les cinéastes nigériens font moins d’une fiction par an (0,70) alors que la moyenne au cours des années fastes qui est de 1,2 atteint 3 films par an entre 1972 et1979.
Le nerf de la guerre
Aussi fataliste que puisse paraître à nos yeux ceux qui affirment que le cinéma nigérien est mort avec Oumarou Ganda (1935-1981), il est difficile pour le moment de ne pas leur donner raison. Après 1990, parmi les réalisateurs connus comme tels, Djingarey Maïga est le seul " survivant ". Persévérant dans sa série noire il réalise en 1995 MIRROIR NOIR, puis VENDREDI NOIR en 1997. Le tournage du cinquième Noir a débuté, c’est une oeuvre de longue haleine. Et celui que l’on appelle désormais le dernier des Mohicans, les courses de fond le connaissent.
Une lecture superficielle des performances et des contre performances du cinéma nigérien laisserait croire que ces déboires actuels seraient liés essentiellement à des causes financières. L’argument des finances se justifie d’une part, par le fait que les deux tiers des films aient été réalisés au cours d’une période qui tend à se confondre avec celle du boum de l’uranium.
Celui-ci à défaut de financer directement les années les plus fastes du cinéma aurait au moins eu sur elle un effet d’entraînement. D’autre part, il est évident que la période de crise du cinéma correspond bien à celle de la crise de l’uranium.
Par ailleurs, l’année 1980, marque dans l’histoire du cinéma francophone africain en général, du cinéma nigérien en particulier, la réorganisation de l’aide française. Celle-ci n’est plus octroyée aux cinéastes par le truchement d’institutions tels que l’Institut français d’Afrique noire IFAN, qui deviendra l’Institut de recherches en sciences humaines pour le cas du Niger. Les dossiers ainsi centralisés, sont sélectinnés en fonction de critères bien déterminés.
Jean-Baptiste Dossou-Yovo
Clap Noir
12 février 2004
Clap Noir
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