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Le cinéma nigérien : un passé à recomposer
Publié le : jeudi 18 mars 2004

Certains aspects thé­ma­ti­ques et esthé­ti­ques com­muns aux ciné­mas bur­ki­nabé, malien, nigé­rien et séné­ga­lais nous ont permis de saisir quel­que peu la dyna­mi­que cultu­relle des films sahé­liens. Afin de pou­voir déga­ger les spé­ci­fi­ci­tés du cinéma nigé­rien, il convient d’ana­ly­ser sa dyna­mi­que his­to­ri­que.

Quelques opi­nions auto­ri­sées

Quelques opi­nions auto­ri­sées nous four­nis­sent des ren­sei­gne­ments inté­res­sant sur l’évolution his­to­ri­que du cinéma nigé­rien. Cinéaste nigé­rien, ancien direc­teur du Consortium inte­ra­fri­cain de dis­tri­bu­tion ciné­ma­to­gra­phi­que (CIDC) Inoussa Ousséini tenait en 1995, au sémi­naire natio­nal de Tillabéri, les propos sui­vants : " Le nombre chaque année crois­sant d’émissions radio­pho­ni­ques, télé­vi­sées, d’arti­cles de presse consa­crés au cinéma, l’intro­duc­tion récente d’un ensei­gne­ment au pro­gramme de l’Université de Niamey, l’hom­mage que la nation toute entière a rendu à la mémoire du plus illus­tre des cinéas­tes nigé­riens de son nom le plus impor­tant com­plexe socio-cultu­rel du pays cons­ti­tue s’il en est besoin des preu­ves suf­fi­san­tes de l’inté­rêt que lui porte les masses popu­lai­res et les pou­voirs publics. Et pour­tant les mêmes ins­ti­tu­tions et per­son­nes s’accor­dent à déplo­rer l’enli­se­ment du cinéma nigé­rien, sa léthar­gie ses mala­dies, ses crises, ses états d’âmes.. et de s’inter­ro­ger sur sa légi­ti­mité véri­ta­ble tant son avenir de nos jours semble obs­cu­ré­ment nébu­leux au regard d’une gloire hélas passée "

Sur ce passé décom­posé, le cinéaste Gaston Kaboré, alors Secrétaire géné­ral de la Fédération pana­fri­caine de cinéaste FEPACI mettra l’accent au cours d’une inter­ven­tion aux pre­miè­res ren­contres du cinéma afri­cain de Niamey RECAN en 1994, en ces termes : " Le Niger fait son entrée dans la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phi­que dès 1962. Il était consi­déré comme une des loco­mo­ti­ves du cinéma afri­cain. En Afrique noire on comp­tait parmi les pion­niers, deux séné­ga­lais : Ousmane Sembène, et Boubacar Samb ; deux ivoi­riens : Timité Bassori et Henri Duparc ; deux nigé­riens : Moustapha Alassane et Oumarou Ganda. Faut-il rap­pe­ler que le Niger est le pre­mier pays à avoir rem­porté l’Etalon de Yennenga au FESPACO de 1972 avec LE WAAZZOU POLYGAME d’Oumarou Ganda ".

Quant à Pierre Haffner, il situe la ligne de revi­re­ment du sep­tième art nigé­rien dans sa conclu­sion à l’ana­lyse des ciné­mas sahé­liens comme suit : "Le seul point commun est le fait que l’un et l’autre, le Sénégal et le Niger, parais­sent essouf­flé après 1980"

Enfin, Maïzama Issa donne un aperçu his­to­ri­que plus expli­cite. Pour l’auteur d’Oumarou Ganda, cinéaste nigé­rien : " le cinéma nigé­rien a connu trois pério­des : pre­mière décen­nie de l’indé­pen­dance (1960-1970) dominé par Moustapha Alassane, deuxième décen­nie de l’indé­pen­dan­ce1970-1980 dite décen­nie d’Oumarou Ganda et la période crise de 1980 à nos jours ".

A la lumière de ces dif­fé­ren­tes ana­ly­ses, il s’avère que la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phi­que s’arti­cule sur deux pério­des égales mais net­te­ment contras­tées : la période faste de 1962 à 1979 et la période néfaste de 1980 à 20…

La période faste 1962-1979

Moustapha Alassane réa­lise en 1962 le pre­mier film nigé­rien (Aouré) avant de connaî­tre la consé­cra­tion inter­na­tio­nale en obte­nant le Grand Prix du des­sein animé au Premier fes­ti­val mon­dial des Arts nègres de Dakar avec de LA MORT GANDJI en 1966. Il est suivi par Oumarou Ganda qui se fait remar­quer au cours de divers fes­ti­val. Il obtient le pre­mier Etalon de Yennenga pour son deuxième long métrage LE WAAZZOU POLYGAME. Pendant cette même période Djingarey Maïga, Yaya Kossoko, Inoussa Ousséini et d’autres vien­nent s’ajou­ter aux deux pré­cé­dents pour ins­crire le cinéma nigé­rien parmi les ciné­mas pion­niers de l’Afrique noire.

Cette période de dix sept (17) ans enre­gis­tre la réa­li­sa­tion d’une ving­taine de moyens et longs métra­ges. Plus exac­te­ment vingt et un (21) films dont six pro­duits au cours de la pre­mière décen­nie des indé­pen­dan­ces et 15 au cours de la deuxième.

La période néfaste (1980-2004)

Durant les dix sept der­niè­res années, le Niger a réa­lisé douze moyens et long-métrage, six entre 1980 et 1984 et six dont deux télé­films entre 1990 et 1997. Au cours de cette période qui com­porte six années suc­ces­si­ves blan­ches, on peut dire que les cinéas­tes nigé­riens font moins d’une fic­tion par an (0,70) alors que la moyenne au cours des années fastes qui est de 1,2 atteint 3 films par an entre 1972 et1979.

Le nerf de la guerre

Aussi fata­liste que puisse paraî­tre à nos yeux ceux qui affir­ment que le cinéma nigé­rien est mort avec Oumarou Ganda (1935-1981), il est dif­fi­cile pour le moment de ne pas leur donner raison. Après 1990, parmi les réa­li­sa­teurs connus comme tels, Djingarey Maïga est le seul " sur­vi­vant ". Persévérant dans sa série noire il réa­lise en 1995 MIRROIR NOIR, puis VENDREDI NOIR en 1997. Le tour­nage du cin­quième Noir a débuté, c’est une oeuvre de longue haleine. Et celui que l’on appelle désor­mais le der­nier des Mohicans, les cour­ses de fond le connais­sent.

Une lec­ture super­fi­cielle des per­for­man­ces et des contre per­for­man­ces du cinéma nigé­rien lais­se­rait croire que ces déboi­res actuels seraient liés essen­tiel­le­ment à des causes finan­ciè­res. L’argu­ment des finan­ces se jus­ti­fie d’une part, par le fait que les deux tiers des films aient été réa­li­sés au cours d’une période qui tend à se confon­dre avec celle du boum de l’ura­nium.

Celui-ci à défaut de finan­cer direc­te­ment les années les plus fastes du cinéma aurait au moins eu sur elle un effet d’entraî­ne­ment. D’autre part, il est évident que la période de crise du cinéma cor­res­pond bien à celle de la crise de l’ura­nium.

Par ailleurs, l’année 1980, marque dans l’his­toire du cinéma fran­co­phone afri­cain en géné­ral, du cinéma nigé­rien en par­ti­cu­lier, la réor­ga­ni­sa­tion de l’aide fran­çaise. Celle-ci n’est plus octroyée aux cinéas­tes par le tru­che­ment d’ins­ti­tu­tions tels que l’Institut fran­çais d’Afrique noire IFAN, qui devien­dra l’Institut de recher­ches en scien­ces humai­nes pour le cas du Niger. Les dos­siers ainsi cen­tra­li­sés, sont sélec­tin­nés en fonc­tion de cri­tè­res bien déter­mi­nés.

Jean-Baptiste Dossou-Yovo
Clap Noir
12 février 2004

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