Hommage aux pionniers
Publié le : jeudi 18 mars 2004

La Rétrospective du cinéma au Niger (14 au 22 février 2004) a rendu un hom­mage au père du cinéma direct. Au cours du week-end une dizaine de films de Jean Rouch a été pro­je­tée parmi les­quels ceux des plus repré­sen­ta­tifs de sa car­rière. On pou­vait remar­quer Initiation à la danse des pos­sé­dés (1948, 22’ 16mm), pro­jeté en vidéo docu­men­taire et son der­nier, Le Rêve plus fort que la mort (2002, 89’, fic­tion).

Après l’hom­mage à celui que cer­tains appel­lent le père du cinéma au Niger, et que d’autres consi­dè­rent comme le par­rain, c’est au tour des cinéas­tes nigé­riens de passer la rampe. Lundi 16 février, Mahamane Bakabé et Abdoua Kanta inau­gure la série. Le pre­mier a pré­senté son film Martaba (1980, 50’ pro­jeté en vidéo, fic­tion) qui vous conduit du vil­lage à la ville à tra­vers les cou­lis­ses obs­cu­res et sul­fu­reu­ses d’un clan mafieux. Il explore les ten­ta­tions de la ville, la débau­che et le ban­di­tisme comme des consé­quen­ces de l’exode rural. Quant à Lelée, l’aînée de la famille (1990, 52’, vidéo fic­tion) de Kanta, il retourne aux raci­nes ances­tra­les puiser les tré­sors de l’éducation peulhe. Celle-ci permet à chacun d’affron­ter les rigueurs de la nature, mais elle four­nit aussi les armes qui lui per­met­tent de défen­dre l’hon­neur de son clan.

Mardi 17 février fut la jour­née de Moustapha Diop. A tra­vers les courts métra­ges, La Tomate ( 1987 15’, 16 mm, fic­tion) réa­lisé avec Isabelle Calin, et Bouba (1978, 10’, 16mm, fic­tion), les ciné­phi­les ont fini par com­pren­dre l’inté­rêt du dia­lo­gue inter­cultu­rel dans l’œuvre de Diop. C’est sur­tout dans Le Médecin de Gafiré (1983, 90’ 16mm, fic­tion) qu’ils en auront pris la juste mesure. Le film met en scène un jeune méde­cin formé en au pays des Blancs. La confron­ta­tion entre le gué­ris­seur tra­di­tion­nel et le toubib tend vers une reconnais­sance mutuelle. Grand Prix de l’ACCT à Carthage 1984, Grand Prix à Manhein 1984, Grand Prix à Pérouse 1984 et Prix de la cri­ti­que inter­na­tio­nale à Locarno 1985, Le méde­cin de Gafiré reste le der­nier film long métrage de fic­tion que Moustapha Diop a réa­lisé.

Mercredi 18 février fut la jour­née d’Inoussa Ousséini dont la fil­mo­gra­phie com­prend une fic­tion. Paris c’est joli (1974, 18’, 16mm) est l’anec­dote d’un jeune clan­des­tin afri­cain qui tire le diable par la queue à Paris tout en ras­su­rant sa famille par une carte pos­tale qui dit bien que : Paris, c’est joli. Quant aux docu­men­tai­res, ils s’inté­res­sent à la culture du Niger. Fantasia (1980,30’, 16mm,) montre la parade des cava­liers qui agré­mente divers céré­mo­nies dont l’intro­ni­sa­tion d’un chef ; Ganga (1975, 15’, 16mm) réa­lisé avec Jean Rouch, montre une danse guer­rière en pays ganga à l’Est du Niger, au bord du lac tchad. Le Soro, (1980, 20’, 16mm), c’est une com­pé­ti­tion ber­bale, ges­tuelle et morale que pra­ti­quent les les jeunes peulhs. Le Wasan kara(1980, 20’, 16mm) filme une mise en scène paro­di­que de l’actua­lité poli­ti­que.

Les soi­rées rétros­pec­ti­ves per­met­tent aux jeunes ciné­phi­les de décou­vrir de nom­breux films. Elles don­nent l’occa­sion à tous les ciné­phi­les de ren­contrer les cinéas­tes qui ont fait la gloire du cinéma afri­cain. Chacun peut leur poser des ques­tions sur les condi­tions dans les­quel­les ils ont tra­vaillé, pren­dre un pot avec eux à l’entracte.

C’est au cours de l’entracte que dans les petits grou­pes qui se cons­ti­tuent autour des tables de la café­té­ria du Centre cultu­rel franco-nigé­rien, qu’éclatent les débats annon­çant les cou­leurs des forums et confé­ren­ces à venir. En effet, mer­credi, pour beau­coup com­men­cent les choses sérieu­ses. La Rétrospective entre dans sa phase polé­mi­que qui sera sans doute la plus inté­res­sante parce que cons­truc­tive. Experts, pro­fes­sion­nels de l’image, jour­na­lis­tes et ciné­phi­les vont échanger durant quatre jours sur divers sujets : Profession cinéma ; pro­té­ger, conser­ver et valo­ri­ser le patri­moine audio­vi­suel nigé­rien ; état des lieux du patri­moine audio­vi­suel au Niger ; faire du cinéma aujourd’hui ; pré-pro­duc­tion : la recher­che de finan­ce­ment ; pro­duc­tion : le décor de film ; post-pro­duc­tion : la musi­que de film, la pro­tec­tion de l’œuvre ciné­ma­to­gra­phi­que ; la dis­tri­bu­tion-dif­fu­sion : le film sur sup­port numé­ri­que, avenir de la dif­fu­sion com­mer­ciale ? Les cri­tè­res de dif­fu­sion du film à la télé­vi­sion, l’émergence du cinéma au Niger, le Niger a-t-il besoin d’un cinéma ?

Jean-Baptiste Dossou-Yovo
Clap Noir
18 février 2004

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