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Décès de Damouré Zika
Publié le : mardi 7 avril 2009
Le compagnon et complice de Jean Rouch le rejoint

C’est avec consternation que nous avons appris le décès, lundi dernier du comédien, de l’infirmier, interprète, acteur, preneur de son, assistant réalisateur, ami et complice de feu le cinéaste français Jean Rouch, Damouré Zika, à l’âge de 85 ans à Niamey. Damouré est mort à l’hôpital de Niamey des suites d’une longue maladie. Damouré avait 134 films à son actif. Après Lam, puis Jean Rouch, mort lui en 2004, il ne reste plus rien du trio qui avait conquis nos grands et petits écrans.



Damouré Zika.

On se rap­pe­lait encore de lui, robuste, plein de vie, malgré son âge avancé… ne ratant jamais la plu­part des mani­fes­ta­tions ciné­ma­to­gra­phi­ques du Niger.
Né en 1924 à Niamey, fils d’un sorko-pêcheur, Damouré Zika apprend à son tour le métier de pêcheur, dès l’âge de dix ans. Dans les années 40, il ren­contre l’eth­no­lo­gue en mis­sion Jean Rouch, qui lui apprit à lire et à écrire et le décide à deve­nir infir­mier. Circulant dans l’est du Niger, Damouré Zika s’engage alors dans la lutte contre l’épidémie de ménin­gite qui y sévit. Entre temps, Rouch quitte le Niger. Lorsqu’en 1946, Jean Rouch revient au Niger, Damouré l’accom­pa­gne dans tous les vil­la­ges de l’ouest du pays, pour inter­ro­ger les vieux gué­ris­seurs sonianké sur la magie.

Le comé­dien hors pair de Rouch aura par­ti­cipé à la réa­li­sa­tion de plu­sieurs films du cinéaste, par­fois en tant qu’acteur, dans des films tels que ‘’La Chasse à l’hip­po­po­tame’’, ‘’Les Danses des ini­tiés de Firgoune’’ ou encore ‘’La Bataille sur le grand fleuve’’. Les plus jeunes l’ont beau­coup plus admiré dans ‘’Cocorico ! Monsieur poulet (1977)’’, dans lequel, Lam, son fidèle com­pa­gnon dit « Monsieur Poulet », a décidé de monter un com­merce de vente de pou­lets dans les envi­rons de Niamey.
À bord d’une vieille 2 CV, lui et Tallou, son apprenti, vont trou­ver Damouré, un pêcheur à la ligne, pour le convain­cre de s’asso­cier à leur affaire. Après dis­cus­sion, Damouré accepte de les accom­pa­gner une jour­née à titre d’essai. Les trois hommes pren­nent la direc­tion de la brousse, en quête de la matière pre­mière : les pou­lets. Mais leur voyage tourne vite à l’expé­di­tion hasar­deuse et inter­mi­na­ble. Une aven­ture pleine de rebon­dis­se­ments.


Jean Rouch et Damouré Zika
(c) Photo Philo Bregstein

Formant une équipe insé­pa­ra­ble, Rouch, sur­nommé le ‘’sor­cier blanc’’, et Damouré sillon­nent l’Afrique occi­den­tale, du Niger au Mali en pas­sant par la Côte de l’or et la Haute Volta (aujourd’hui le Ghana et le Burkina Faso), dans leur quête.
Tout au long de sa vie, en piro­gue sani­taire ou dans des dis­pen­sai­res, Damouré s’est investi à soi­gner les popu­la­tions rive­rai­nes du fleuve. Il tra­vaillait, jusqu’à son hos­pi­ta­li­sa­tion dans un petit cabi­net médi­cal qu’il a créé il y a une qua­ran­taine d’années : le « Cabinet médi­cal Jane Rouch ». Il y dis­pen­sait un savant mélange d’une méde­cine tra­di­tion­nelle basée sur les plan­tes qu’il a reçu de son père, et une méde­cine occi­den­tale clas­si­que apprise à l’école d’infir­mier dont il est diplômé. En effet, aime t-il raconter, ‘’ A l’époque, les gens venaient se soi­gner chez mon père qui déte­nait le secret des plan­tes, expli­que-t-il. Quand un malade arri­vait, il me disait d’aller cher­cher telle ou telle plante. Si je ne connais­sais pas la plante, il me pre­nait par le bras et m’ame­nait dans la forêt alors toute proche et me les mon­trait, ainsi que les rites qu’il fal­lait res­pec­ter avant de les cueillir’’.
Avant de mourir, Damouré s’est aussi ins­crit dans le cercle des écrivains. Il était l’auteur de ‘’Journal de route’’, un petit bou­quin qui retrace sa vie, publié aux Éditions Mille et une nuits, en 2007. ‘’Journal de route’’ est le jour­nal d’une expé­di­tion en 1947-1948, à l’inté­rieur de la brousse, chez des magi­ciens. Damouré Zika note des his­toi­res de chasse, de pêche, des ren­contres, et consi­gne quel­ques obser­va­tions poli­ti­ques... Et pour­tant, per­sonne n’aurait pu pré­dire cette vie à Damouré (peut-être les génies du fleuve !). Damouré a joué dans la plu­part des 150 films de Rouch dont le tout pre­mier "Bataille sur le grand fleuve", en 1950, pour lequel le réa­li­sa­teur fran­çais était resté quatre mois sur une piro­gue pour filmer la tech­ni­que de la chasse à l’hip­po­po­tame chez les Sorko (maître-pêcheur) d’Ayorou.

Un jour, alors que l’équipe décide de suivre des Nigériens sur la route du Ghana, Damouré pro­pose à Rouch de tour­ner un film sur leur propre aven­ture. Ce sera Jaguar, la pre­mière fic­tion signée Jean Rouch, dans laquelle Damouré tien­dra le rôle prin­ci­pal. Ainsi, Damouré Zika a joué dans de nom­breux films de Rouch. Mais, celui qu’il pré­fère, le plus, a-t-il un jour confié, c’est ‘’Petit à petit réa­lisé 1971’’, parce que dit-il, il fait rire.

Candide Etienne

  • Le 23 septembre 2010 à 20:09

    les films de jean rouch devraient etre disponibles dans toutes les écoles de françe, notamment les écoles primaires....Enfin ! ses films sont édités sur dvd petit...a petit et c’est déja une grande chose.

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