Ne ratez pas l’occasion rare de voir "le Vieux", le Père du cinéma africain s’exprimer devant la caméra de Christine Delorme, dans le documentaire "Ousmane Sembène : tout à la fois", sur TV5 Afrique le samedi 20 mars à 11H03 (heure de Dakar). Film de 52 minutes réalisé en janvier 2010.
Pendant une heure, Sembène Ousmane va nous parler de Guelwaar, son film le plus personnel - lui-même ne se définissait-il pas comme un "guelwaar", c’est à dire un noble de l’ancien temps sénégalais - et autour de ce film, parler de sa vision du monde. Les relations entre la France et l’Afrique - personne n’est épargné -, les questions d’indépendance, la politique en Afrique, la relation entre la tradition et le présent, le marxisme et les religions, les guerres, l’esclavage, le rôle et la place des femmes en Afrique... Sembène Ousmane, décédé en 2007, parlait peu et ne se dévoilait pas tant que cela. Cet entretien filmé réalisé en 1992 par la documentariste Christine Delorme, est l’un des seules traces où l’on voit le maître s’exprimer devant la caméra. " Il ne tenait pas à ce qu’on le voie de son vivant. Il ne se laissait pas facilement interviewer. Il se trouve qu’après, j’ai appris qu’il n’existait pas d’entretien aussi long que celui-ci. Je n’avais compris que ce document était pour lui quasiment un document posthume."
Christine Delorme fait des reportages pour RFI et depuis 1992, elle fait des documentaires pour la radio et le cinéma : "J’ai travaillé avec Sembène sur un projet qui s’appelait Samory. Je l’avais rencontré à Ouagadougou. Il m’avait laissé ses scénarios, j’ai travaillé à la production depuis Paris. Puis, il a interrompu le projet et m’a demandé de le rejoindre sur son film Camp de Thiaroye. J’ai aussi filmé un making of du Camp de Thiaroye. Quand je l’ai interviewé, Sembène était en train de faire le montage de Guelwaar. Je l’ai filmé en 16 mm. Mon idée était de le filmer sur des années..."
Brillant d’intelligence, avec sa pipe, sa main qui accompagne sa pensée, le regard à la fois insolent et pénétrant, il parle de son oeuvre (aussi bien ses livres que ses films), de son histoire et de son analyse des choses. "D’un côté, il disait : "Vous, les Blancs"... En même temps, c’est la personne la plus ouverte à tout. Tout l’intéressait. Il avait une faculté de voyager, il avait rencontré Ho Chi Minh, Orson Welles était venu le voir à Dakar. Tout était possible, avec lui. C’était fascinant." Un régal pour les amateurs, qui donne envie de revoir tous ses films, et pas seulement Guelwaar, mais aussi Borom Charrette, son tout premier film, Camp de Thiaroye, le film où il montre ce que fut le destin des "tirailleurs sénégalais" pendant la dernière guerre, évoqués lors de l’entretien, ou encore Xala, où il dénonce la corruption des élites de l’après indépendance, Ceddo, où il raconte l’arrivée de l’islam au Sénégal... Et pour ceux qui ne connaissent pas Sembène, une manière de découvrir l’un des esprits les plus libres du XXème siècle !
Caroline Pochon
Clap Noir
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