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Amadou Bourou
Publié le : dimanche 14 février 2010
L’homme, le talent …et la scène

« L’humanité se compose essentiellement de mort daignent de survivre ». Amadou Achille Bourou, grande figure du théâtre et du cinéma burkinabè, fait désormais partie de cet univers tel que présenté par Auguste Comte. Amadou A. Bourou a tiré sa révérence le vendredi 8 janvier 2010 à la clinique « les Genêts » à Ouagadougou. Il aura consacré toute sa vie au théâtre et au septième art comme comédien, metteur en scène et auteur.




La vie sur terre est faite de mou­ve­ment. Elle est ryth­mée par la dia­lec­ti­que de l’aller et du retour, de la lumière et de l’obs­cu­rité, de la nais­sance et de la mort. C’est aussi une scène de théâ­tre où les acteurs entrent et res­sor­tent pour leur inter­pré­ta­tion. La vie ! c’est enfin un jardin pota­ger, mais qui ne fleu­rit que pour un temps. Le jardin de Amadou Bourou ne fleu­rira plus jamais. Le temps s’est écoulé et s’est arrêté à l’orée de l’année 2010. Vendredi 8 jan­vier, alors que les ciné­phi­les sont encore accro­chés au scé­na­rio de la nais­sance du nouvel an, les rideaux se refer­ment subi­te­ment sur la vie de « l’homme au che­veux blancs ». C’est ainsi que Amadou Bourou avait été sur­nommé par ses paires. Il repose désor­mais dans un cime­tière de Ouagadougou route de Saponé où un der­nier stan­ding ova­tion lui a été réservé.

Né le 14 novem­bre 1951 au Mali, Amadou Achille Bourou a obtenu une licence de Lettres Modernes à l’uni­ver­sité de Ouagadougou au Burkina Faso avant de s’envo­ler pour la France. Il y obtient une maî­trise dans la même dis­ci­pline à l’Université Paris VIII. Passionné de théâ­tre et de sep­tième art, le jeune Bourou s’ins­crit à l’école pra­ti­que des hautes études de Paris 1 afin de sonder le mys­tère des arts de la scène. La tête pleine, il revient au pays en 1989 et fonde une l’année sui­vante la com­pa­gnie "Feeren " pour servir de cadre de for­ma­tion pour la jeu­nesse. De cette com­pa­gnie sor­ti­ront quel­ques noms célè­bres de la scène bur­ki­nabè dont la comé­dienne Odile Sankara , le cho­ré­gra­phe Seydou Boro de la com­pa­gnie "sali ni Seydou" et bien d’autres.

A l’annonce de sa mort, de nom­breux témoi­gna­ges et mar­ques de sym­pa­thie ont salué l’œuvre de l’homme. Mais s’il est vrai qu’on se retient de dire du mal des morts par conve­nance, dans le cas de Bourou, on ne peut sans crainte d’être contre­dit affir­mer que les témoi­gna­ges enten­dus à l’endroit de Bourou sont justes et vrais. Son œuvre dra­ma­ti­que et ciné­ma­to­gra­phi­que est pal­pa­ble, tan­gi­ble et quan­ti­fia­ble. Discret, modeste et tra­vailleur, il est pour la jeune géné­ra­tion un père, un for­ma­teur, un maître,…, un guide. Hélas, à 59 ans il avait encore du talent à reven­dre. « L’homme aux che­veux blancs » a incarné avec dex­té­rité de nom­breux rôles aussi bien au théâ­tre qu’au cinéma. Le témoi­gnage du Dr Prosper Kompaoré, direc­teur de l’ate­lier théâ­tre bur­ki­nabè (ATB) et du fes­ti­val inter­na­tio­nal de théâ­tre pour le déve­lop­pe­ment (FITD), rap­pelle qu’Amadou Bourou a inter­prété son pre­mier rôle au théâ­tre en 1972 avec l’ATB. Mais, c’est dans les années 1990 qu’il se fera connaî­tre au grand public à tra­vers le sep­tième art. En 1991, il inter­prète son pre­mier rôle dans le film « Bembeya » de Abdoul Dragos. Il a entre autres incarné le rôle du tout puis­sant minis­tre des mines dans « Silmandé » de Saint Pierre Yaméogo, le rôle de Jean Louis dans la série télé « Quand les éléphants se bat­tent » de Abdoulaye Dao, le rôle du com­mis­saire dans « Le monde est un ballet » de Issa Traoré de Brahima et le gou­ver­neur dans « Siraba » du même réa­li­sa­teur. Il a été également co-scé­na­riste pour la télé­vi­sion du Burkina de la série télé « à nous la vie ».

Homme aux mul­ti­ples talents, Amadou Bourou a signé des chefs d’œuvres mémo­ra­bles. En 1998, c’est à lui que le Comité d’Organisation de la Coupe d’Afrique des Nations confie la cho­ré­gra­phie de la céré­mo­nie d’ouver­ture de la com­pé­ti­tion (CAN 98). Il appor­tera sa touche aux céré­mo­nies d’ouver­ture des FESPACO 1995 et 1997. Auteur, il a écrit et adapté plu­sieurs pièces de théâ­tre. A sa signa­ture, « Deniyako » une fable, « trois sous, trois paro­les de sages­ses, une for­tune » d’après un conte tra­di­tion­nel bur­ki­nabè, « La bou­ti­que », « La geste des étalons », « Les emprun­tes du lion », « La ronde des fables » qu’il a adap­tée aux « Fables » de La Fontaine. Il a entre autres fait une adap­ta­tion sur les plan­ches de « le Seigneur des anneaux » de J. R. Tolkien. A son actif également la pièce de théâ­tre le « mara­foo­tage » en 1991 pour la pre­mière édition du fes­ti­val inter­na­tio­nal de théâ­tre du Bénin (FITEB).

Ambassadeur de la culture bur­ki­nabè, il a assumé cette fonc­tion hono­ri­fi­que en paro­les et en acte par sa riche car­rière d’artiste. « Les ambas­sa­deurs se trou­vent pour la plu­part dans le milieu artis­ti­que » aimait il à le répé­ter. Sa longue car­rière d’artiste lui a valut plu­sieurs dis­tinc­tions d’ordre inter­na­tio­nal et natio­nal. L’homme aux che­veux blancs a été élevé au rang de che­va­lier de l’ordre des arts et des let­tres de la répu­bli­que fran­çaise et de l’ordre du mérite avec agrafe Arts et Lettres du Burkina Faso.
Epoux et père de deux enfants, il aura consa­cré toute sa vie au théâ­tre et au Cinéma. L’essen­tiel dans une vie disait Platon « n’est pas de vivre mais de bien vivre ». Amadou Achille Bourou a bien vécu en appor­tant le rire et le sou­rire à de mil­liers de spec­ta­teurs qui étaient au bord de la dépres­sion. Il a par son talent, permis à de nom­breux ciné­phi­les de renaî­tre de nou­veau et ainsi de donner un sens à leur vie.

Nébilibié A. Bayili (Burkina Faso)

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