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Itinéraire d’une projection cahotique
Publié le : mardi 1er mars 2011
Fespaco 2011

Nous faisions hier l’éloge de l’initiative du Fespaco de mettre les écoles de cinéma à l’honneur. Nous réalisons aujourd’hui que le « Fespacouac » redémarre.

Alors que les master-clas­ses se dérou­lent pour le mieux chaque matin dans la salle de pro­jec­tion de l’ISIS et alter­nent exposé de grands réa­li­sa­teurs et extraits de leurs films, les pro­jec­tions publi­ques des films des écoles ont démarré de façon catas­tro­phi­que. Passons le fait que le pro­gramme des écoles de cinéma n’ait pas été déposé dans ce lieu pour aver­tir les spec­ta­teurs inté­res­sés par le projet de ce qui se déroule à l’ISIS. Passons aussi le fait qu’aucun ani­ma­teur du fes­ti­val n’ait pris la parole pour nous pré­sen­ter la sec­tion, pour­tant nou­velle dans la com­pé­ti­tion offi­cielle, et la sélec­tion des films. Passons encore le fait qu’aucun(e) jeune volon­taire du Festival n’ait eu l’ini­tia­tive de fermer la porte d’entrée restée béante qui éclairait la salle et nous fai­sait pro­fi­ter des conver­sa­tions télé­pho­ni­ques à (très) haute voix de ceux restés dehors ; ni la pré­sence d’esprit de régu­ler les entrées dans la salle pen­dant les films. La pro­jec­tion du mardi 1er mars dans la salle du Petit Méliès de l’Institut Français (ex- Centre Culturel Français) était digne de la pre­mière édition d’un fes­ti­val ama­teur.

Dans la salle cli­ma­ti­sée, de pres­ti­gieux spec­ta­teurs étaient ins­tal­lés : le réa­li­sa­teur Mahamat-Saleh Haroun et son acteur Youssouf Djaoro venus sou­te­nir le jeune cinéaste tcha­dien en for­ma­tion à l’ISIS (Emmanuel Rotouban M’Baide), le réa­li­sa­teur béni­nois Sylvestre Amoussou, les membre du jury courts-métra­ges… Sans parler des dif­fé­rents jour­na­lis­tes et pro­gram­ma­teurs de fes­ti­vals pré­sents tels que le sélec­tion­neur du plus grand fes­ti­val de courts-métra­ges au monde par­ti­cu­liè­re­ment favo­ra­ble à la pro­mo­tion des ciné­mas afri­cains : le Festival International du Court-Métrage de Clermont-Ferrand.

Les six films sélec­tion­nés parais­saient plutôt allé­chants : un court-métrage d’Afrique du Sud sur la nos­tal­gie d’une mère sépa­rée (Away from me de Cameron Mackintosh Craig) ; une comé­die maro­caine adap­tée de la pièce de théâ­tre Auto-stop de Matei Visniec (De l’autre côté de Youssef Maman) ; un docu­men­taire sur la jour­na­liste béni­noise Marie-Constance Egbo-Glele deve­nue reine prê­tresse à Abomé (Gahoussi, le mariage par­fait de Lionel M. Ulrich Doyigbe) ; un drame sur l’auto-médi­ca­tion, le trafic de médi­ca­ments et le manque de soin au Bénin (A qui le tour ? de Samson Adjaho) ; un film expé­ri­men­tal et fan­tas­ti­que sur des labo­ran­tins en quête de jeu­nesse éternelle (Bipolium H12 d’Emmanuel Rotouban M’Baide) ; et un tou­chant plai­doyer contre l’émigration (L’or blanc d’Adama Salle).

Si le niveau tech­ni­que des films varie en fonc­tion des écoles (l’Afrique du Sud et le Maroc domi­nant), les sujets sont tous ori­gi­naux et mis en scène de façon plus ou moins abou­tie. Pourtant, la com­pa­rai­son des dif­fé­rents films était dif­fi­cile tant la pro­jec­tion fut rocam­bo­les­que. Le pre­mier film a démarré avec la lumière dans la salle. Le second dans une qua­lité médio­cre puis­que les per­son­na­ges étaient pixé­li­sés. Alors que les spec­ta­teurs com­men­çaient à vrai­ment adhé­rer au film, la salle fut plon­gée dans le noir. Motif : le cou­rant était revenu et il fal­lait passer du groupe électrogène à l’électricité nor­male. Une bonne dizaine de minu­tes plus tard, la pro­jec­tion reprit et le troi­sième film eut du mal à démar­rer du fait des régla­ges tech­ni­ques du vidéo­pro­jec­teur. Le qua­trième film débuta sans le son dans une cou­leur ver­dâ­tre qui aurait dû aler­ter dès la pre­mière seconde le pro­jec­tion­niste. Au lieu de cela, le film s’arrêta net en plein milieu (après plu­sieurs régla­ges remet­tant en place le son et la cou­leur) plon­geant de nou­veau la salle dans le noir et étant accom­pa­gnée à contre­temps d’un mes­sage du pro­jec­tion­niste pré­ci­sant qu’il valait mieux redé­mar­rer le film.

Alors que Mahamat-Saleh Haroun avait déjà quitté la salle, le jeune tcha­dien Emmanuel Rotouban M’Baide prit la parole pour excu­ser la piètre qua­lité de la pro­jec­tion au nom de tous ses col­lè­gues réa­li­sa­teurs dont les films venaient d’être mas­sa­crés. Applaudi par des spec­ta­teurs exas­pé­rés par ces mul­ti­ples couacs, le film Bipolium H12 eut lui aussi droit à une cou­pure. Pour finir, le film L’or blanc dont la qua­lité tech­ni­que était pour une fois res­pec­tée fut sou­dain illu­miné de spots lumi­neux diri­gés vers l’écran, erreur qui sus­cita à nou­veau la cou­pure nette et du film, et de la lumière dans la salle. Passées les minu­tes d’hési­ta­tion (conti­nuera, conti­nuera pas…), le film reprit devant une salle rem­plie pour moitié de nou­veaux spec­ta­teurs venus assis­ter à la séance sui­vante, le pré­cé­dent public ayant pris la poudre d’escam­pette.

Pour un fes­ti­val qui se vante d’être le plus grand dédié aux ciné­mas d’Afrique, qui en est à sa 22e édition et à ses 42 ans d’exis­tence, com­ment expli­quer un pareil chaos lors d’une séance publi­que, payante et en com­pé­ti­tion ? En invi­tant de jeunes réa­li­sa­teurs à concou­rir, le Fespaco doit se posi­tion­ner de façon exem­plaire tant par la qua­lité de ses pres­ta­tions que dans le pro­fes­sion­na­lisme du per­son­nel employé. A moins que les écoles ne se mobi­li­sent pour créer une filière pro­jec­tion­niste ?

Claire Diao

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