Nous faisions hier l’éloge de l’initiative du Fespaco de mettre les écoles de cinéma à l’honneur. Nous réalisons aujourd’hui que le « Fespacouac » redémarre.
Alors que les master-classes se déroulent pour le mieux chaque matin dans la salle de projection de l’ISIS et alternent exposé de grands réalisateurs et extraits de leurs films, les projections publiques des films des écoles ont démarré de façon catastrophique. Passons le fait que le programme des écoles de cinéma n’ait pas été déposé dans ce lieu pour avertir les spectateurs intéressés par le projet de ce qui se déroule à l’ISIS. Passons aussi le fait qu’aucun animateur du festival n’ait pris la parole pour nous présenter la section, pourtant nouvelle dans la compétition officielle, et la sélection des films. Passons encore le fait qu’aucun(e) jeune volontaire du Festival n’ait eu l’initiative de fermer la porte d’entrée restée béante qui éclairait la salle et nous faisait profiter des conversations téléphoniques à (très) haute voix de ceux restés dehors ; ni la présence d’esprit de réguler les entrées dans la salle pendant les films. La projection du mardi 1er mars dans la salle du Petit Méliès de l’Institut Français (ex- Centre Culturel Français) était digne de la première édition d’un festival amateur.
Dans la salle climatisée, de prestigieux spectateurs étaient installés : le réalisateur Mahamat-Saleh Haroun et son acteur Youssouf Djaoro venus soutenir le jeune cinéaste tchadien en formation à l’ISIS (Emmanuel Rotouban M’Baide), le réalisateur béninois Sylvestre Amoussou, les membre du jury courts-métrages… Sans parler des différents journalistes et programmateurs de festivals présents tels que le sélectionneur du plus grand festival de courts-métrages au monde particulièrement favorable à la promotion des cinémas africains : le Festival International du Court-Métrage de Clermont-Ferrand.
Les six films sélectionnés paraissaient plutôt alléchants : un court-métrage d’Afrique du Sud sur la nostalgie d’une mère séparée (Away from me de Cameron Mackintosh Craig) ; une comédie marocaine adaptée de la pièce de théâtre Auto-stop de Matei Visniec (De l’autre côté de Youssef Maman) ; un documentaire sur la journaliste béninoise Marie-Constance Egbo-Glele devenue reine prêtresse à Abomé (Gahoussi, le mariage parfait de Lionel M. Ulrich Doyigbe) ; un drame sur l’auto-médication, le trafic de médicaments et le manque de soin au Bénin (A qui le tour ? de Samson Adjaho) ; un film expérimental et fantastique sur des laborantins en quête de jeunesse éternelle (Bipolium H12 d’Emmanuel Rotouban M’Baide) ; et un touchant plaidoyer contre l’émigration (L’or blanc d’Adama Salle).
Si le niveau technique des films varie en fonction des écoles (l’Afrique du Sud et le Maroc dominant), les sujets sont tous originaux et mis en scène de façon plus ou moins aboutie. Pourtant, la comparaison des différents films était difficile tant la projection fut rocambolesque. Le premier film a démarré avec la lumière dans la salle. Le second dans une qualité médiocre puisque les personnages étaient pixélisés. Alors que les spectateurs commençaient à vraiment adhérer au film, la salle fut plongée dans le noir. Motif : le courant était revenu et il fallait passer du groupe électrogène à l’électricité normale. Une bonne dizaine de minutes plus tard, la projection reprit et le troisième film eut du mal à démarrer du fait des réglages techniques du vidéoprojecteur. Le quatrième film débuta sans le son dans une couleur verdâtre qui aurait dû alerter dès la première seconde le projectionniste. Au lieu de cela, le film s’arrêta net en plein milieu (après plusieurs réglages remettant en place le son et la couleur) plongeant de nouveau la salle dans le noir et étant accompagnée à contretemps d’un message du projectionniste précisant qu’il valait mieux redémarrer le film.
Alors que Mahamat-Saleh Haroun avait déjà quitté la salle, le jeune tchadien Emmanuel Rotouban M’Baide prit la parole pour excuser la piètre qualité de la projection au nom de tous ses collègues réalisateurs dont les films venaient d’être massacrés. Applaudi par des spectateurs exaspérés par ces multiples couacs, le film Bipolium H12 eut lui aussi droit à une coupure. Pour finir, le film L’or blanc dont la qualité technique était pour une fois respectée fut soudain illuminé de spots lumineux dirigés vers l’écran, erreur qui suscita à nouveau la coupure nette et du film, et de la lumière dans la salle. Passées les minutes d’hésitation (continuera, continuera pas…), le film reprit devant une salle remplie pour moitié de nouveaux spectateurs venus assister à la séance suivante, le précédent public ayant pris la poudre d’escampette.
Pour un festival qui se vante d’être le plus grand dédié aux cinémas d’Afrique, qui en est à sa 22e édition et à ses 42 ans d’existence, comment expliquer un pareil chaos lors d’une séance publique, payante et en compétition ? En invitant de jeunes réalisateurs à concourir, le Fespaco doit se positionner de façon exemplaire tant par la qualité de ses prestations que dans le professionnalisme du personnel employé. A moins que les écoles ne se mobilisent pour créer une filière projectionniste ?
Claire Diao
Clap Noir
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