Né en 1971 en Côte d’Ivoire, Abdoulaye Diallo vit et travaille à Ouagadougou, au Burkina Faso. Gestionnaire du Centre de presse Norbert Zongo, réalisateur, co-fondateur du festival « Jazz à Ouaga » et de « Ciné Droit Libre », webmaster… Abdoulaye Diallo est un homme de culture et de médias engagé. Il a co-réalisé plusieurs documentaires dont « Borry Bana, le destin fatal de Norbert Zongo », « Télé guerre, une chaîne de télévision transformée en machine de propagande des Forces Nouvelles » et « Sur les traces du Bembeya Jazz ».
Clap Noir
Pouvez-vous nous retracer votre parcours ? Il semble que votre engagement date de la première heure…
Abdoulaye DIALLO
J’ai effectivement été engagé très tôt, d’abord dans le milieu associatif. Au cours de mes études d’histoire de l’art à l’Université de Ouagadougou, je suis devenu Secrétaire général de l’association « Génération Cheikh Anta Diop », en hommage à cet illustre chercheur africain. Notre but était de décomplexer la jeunesse, de lui faire connaître son histoire et de montrer ses capacités créatrices. Nous avons travaillé en collaboration avec l’Institut des Peuples Noirs de Ouagadougou. C’est dans ce milieu d’intellectuels progressistes dans lequel j’évoluais que j’ai eu l’occasion de rencontrer Norbert Zongo, alors Directeur de publication de l’hebdomadaire L’Indépendant. Grâce à lui, j’ai commencé à m’intéresser à la presse et à la radio. Le 3 mai 1998, à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, le Centre National de Presse (CNP) a été inauguré à Ouagadougou et j’en suis devenu le gestionnaire.
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Peu de temps après, le 13 décembre 1998, il y a eu le crime d’Etat à l’encontre de Norbert Zongo. Et votre premier documentaire lui rendant hommage…
Abdoulaye DIALLO
A la suite de l’assassinat de notre confrère, de nombreuses manifestations populaires ont eu lieu dans tout le pays, notamment à Koudougou où était né Norbert. C’est à ce moment que nous avons eu l’idée, avec Luc Damiba, coordonnateur du REN-LAC, une organisation qui lutte contre la corruption au Burkina Faso, de faire « Borry Bana, le destin fatal de Norbert Zongo », un film qui retrace l’itinéraire de ce journaliste exemplaire, un homme qui a mené jusqu’au bout un combat sans complaisance avec le pouvoir, pour une presse libre et d’investigation. Ce documentaire, produit par l’Institut Panos Afrique de l’Ouest et l’association Semfilms, a reçu le soutien d’Amnesty International. Il a eu un impact incroyable sur les populations, malgré sa censure au Burkina Faso.
Dans la foulée, les membres-fondateurs du Centre National de Presse ont décidé de dédier cette structure à sa mémoire en lui donnant le nom de « Centre National de Presse Norbert Zongo ». Aujourd’hui, le Centre oeuvre au développement sur le continent africain d’une presse indépendante et pluraliste, en organisant régulièrement des colloques, rencontres et échanges entre les journalistes et les hommes de médias du monde entier.
Clap Noir
Il y a eu ensuite « Télé guerre », puis « Sur les traces du Bembeya Jazz »…
Abdoulaye DIALLO
En 2005, nous sommes partis, Luc Damiba, Gidéon Vink et moi-même, en Côte d’Ivoire pour essayer de comprendre, du côté de la zone rebelle, la crise qui sévissait dans ce pays. Nous avons ainsi produit et réalisé « Télé Guerre ».
Puis, à l’occasion du festival Jazz à Ouaga, dont je suis le coordinateur, j’ai eu l’occasion de rencontrer le Bembeya Jazz, de retour sur scène depuis 2002. J’ai été véritablement époustouflé par la prestation de ce groupe mythique. J’ai décidé de partir en Guinée pour revenir sur ses traces, à la source de sa création. Il s’agissait pour moi de réaliser un travail sérieux de mémoire. Le film s’est construit autour des témoignages des membres du groupe, de reportages, mais aussi de photos et de films d’archive. Comme l’affirme le président Amadou Toumani Touré, « le Bembeya Jazz n’est pas seulement Guinéen. Il est Ouest-africain. Il est Africain. Il est International. » Ce documentaire, présenté en 2007 en compétition lors du 20 ème FESPACO, a rencontré un grand succès. Il a été monté en version cinéma (72 minutes) et télé (52 minutes)
Clap Noir
C’est aussi pour soutenir le cinéma militant que vous avez créé, avec vos deux acolytes, Damida et Vink, le festival Ciné Droit Libre à Ouaga…
Abdoulaye DIALLO
L’idée de la création de ce festival a germé en 2001, suite au refus du FESPACO de diffuser notre film sur Norbert Zongo. La première édition de ce festival a ainsi vu le jour en 2005, organisée par notre association Semfilms. Ciné Droit Libre se veut une tribune d’expression sur les droits humains et la liberté d’expression. Il entend donner une plus grande visibilité aux cinéastes et journalistes du monde entier dont les œuvres sont censurées ou qui rencontrent des difficultés de diffusion du fait qu’elles sont dérangeantes ou polémiques. Nous sommes actuellement en cours de préparation de la IVème édition. A notre plus grande joie, la manifestation rencontre chaque année un public toujours plus nombreux.
Sophie Hoffelt (Clap Noir)
Clap Noir
Association Clap Noir
18, rue de Vincennes
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