Pourquoi avoir choisi Dakar pour lancer les conférences internationales ?
Le principe retenu de faire le lancement de la campagne internationale du Fespaco à Dakar relève de notre volonté de confirmer et d’imposer le Festival comme une manifestation continentale. Le choix de Dakar aussi pour rendre hommage à Sembène Ousmane qui comme vous le savez a beaucoup œuvré pour le cinéma africain. Mais aussi, il a adopté le Fespaco et en a fait son affaire personnelle. Nous pensons qu’il serait bon que le Fespaco lui rendre un hommage non seulement en reconnaissance mais pour marquez la dimension de l’homme qui a donné toute sa vie au Fespaco.
On fait aussi état de difficultés que vous éprouvez pour réunir le budget d’organisation prévisionnelle pour le Fespaco ?
Comme toute manifestation culturelle en Afrique, il y a effectivement des difficultés. Mais je peux vous assurer aujourd’hui à cette étape que les difficultés sont totalement résolues. Il y a la mobilisation des financements publics et la mobilisation des financements privés. Nous avons recouvré à 100% la contribution de l’Etat burkinabè. Et certainement que nous allons aussi recouvrer à 100% la contribution d’autres institutions. Nous recherchons plus de moyens pour faire un Fespaco comme on en rêve et comme on le veut.
Qu’est-ce qui peut expliquer qu’après quarante ans d’existence, le Fespaco soit encore à balbutier dans la mobilisation des ressources ?
Ce qui est propre au Fespaco est propre à l’Afrique. L’Afrique continue aussi de balbutier et voilà tout notre problème. La démocratie africaine balbutie, la culture africaine aussi balbutie. Quels intérêts l’Afrique donne à sa culture, accorde à sa culture ? Ce sont ces questions fondamentales qu’il faut se poser. Nous devons de plus en plus travailler avec le secteur privé parce que le secteur public a ses limites et que même dans les budgets des Etats pris individuellement, la culture ne bénéficie pas des meilleurs parts de budget. Nous devons donc travailler à trouver des financements innovants, et c’est ce travail que nous menons actuellement en nous ouvrant vers le secteur privé. Il faut aussi que nous ayons des démarches vers les décideurs politiques, vers les décideurs économiques pour que de plus en plus on prenne en considération la culture africaine et particulièrement le cinéma africain qui peut beaucoup apporter à notre identité culturelle.
Vous avez initié un document cadre dénommé « Fespaco vision 21 » qui résume ce que vous avez comme vision pour le Fespaco. Qu’est-ce qu’il y a comme idée force dans ce document ?
Vision 21 veut relever le défi qui s’impose au cinéma africain pour le 21ème siècle. Il faut qu’il y ait une réflexion collective pour que le Fespaco soit toujours la dynamique, la locomotive du cinéma africain. Travailler à pérenniser le Fespaco, à lui donner des habits neufs en fonction des nouvelles réalités technologiques. Travailler à faire du Fespaco, une institution forte, à lui donner une image internationale parce que sur la scène internationale, la culture africaine est en compétition avec les autres cultures, le cinéma africain est en compétition avec les autres cinémas. Le Fespaco doit être une vitrine forte pour toute l’Afrique.
Vous parlez de renforcer le caractère « biennale » du Fespaco. Pourtant un de vos prédécesseurs à la tête de cette institution rêvait d’un Fespaco annuel. Est-ce qu’une idée que l’institution a définitivement abandonnée ?
Moi, je fais du Fespaco au quotidien. Il ne faut pas seulement voir la biennale parce que l’essence du Fespaco, c’est de travailler à faire la promotion au quotidien du cinéma africain. Aujourd’hui, notre rêve, c’est de travailler à ce que toutes les télévisions africaines puissent avoir des programmes de cinéma africain réalisés par des africains. Je souhaiterais aujourd’hui que dans toutes les salles de cinéma en Afrique, on puisse avoir des images africaines. Notre ambition est donc d’œuvrer à ce que la promotion du cinéma africain se fasse au quotidien. Maintenant quant à la biennale ou au Fespaco annuel, nous revenons à ce qui a été dit précédemment à savoir la mobilisation des ressources. Et dans ces conditions, il nous sera difficile de passer à un Fespaco annuel. Il nous faut d’abord arriver à une forme de structuration du financement du Fespaco avec des partenaires crédibles qui peuvent nous accompagner sur dix ans, vingt ans. Mais, déjà nous pensons que la biennale est déjà un grand rendez-vous qu’il faut travailler à renforcer, à crédibiliser avec une organisation parfaite. Pour nous, l’ambition est de faire du Fespaco au quotidien. Pour le festival en lui-même, le problème n’est pas de le faire annuellement ou tous les deux ans mais bien de mieux l’organiser.
Le Fespaco donne l’impression de stagner depuis quelques éditions. Avez-vous identifiez les problèmes qui minent cette fête du cinéma Africain ?
En réalité, le Fespaco ne vivait pas une situation de stagnation. Mais, il avait plutôt besoin d’un nouveau souffle. Nous considérons que ce qui a été fait globalement par le Fespaco pendant quarante ans est assez formidable. Mais, il existe aujourd’hui une nouvelle dynamique qui s’impose à nous : lui donner une visibilité de plus en plus forte. Les gens avaient tendance à confondre l’institution et la biennale. On ne parlait du Fespaco que pendant la biennale. Nous nous pensons que le Fespaco en tant qu’institution du cinéma africain doit avoir une vie permanente, une vie organisée avec une forte visibilité. Notre ambition est donc d’accroître la dimension du Fespaco. Nous sommes donc dans la continuité de ce qui a déjà été fait. Les propositions faites dans « vision 21 » sont parfois tirées des expériences de nos prédécesseurs, ce sont aussi des idées qu’ils ont défendues et que nous reprenons à notre compte pour les faire progresser. Notre ambition, c’est de faire avancer le Fespaco sans rupture, dans la continuité mais avec des innovations.
Entre autres innovations, vous promettez un défilé des vedettes africaines comme au Festival de Cannes. Où en êtes-vous dans sa mise en oeuvre ?
Je dis que le Fespaco doit aussi être le rendez-vous des étoiles africaines. Je pense à des vedettes telles que Didier Drogba, Samuel Eto’o, Jean Amadou Tigana,…C’est donc un devoir pour nous de faire en sorte que le Fespaco soit aussi un tremplin pour eux. Quand vous avez un grand écrivain comme Thierno Monenembo qui vient de remporter le prix « Renaudot », je pense qu’il est de notre devoir de le faire découvrir par l’Afrique. Ce sont des africains qui se sont faits dans la diaspora mais qui appartiennent à l’Afrique. Le Fespaco en tant que creuset de l’excellence doit donner une vitrine à tous ceux qui défendent les couleurs africaines dans le monde. Le Fespaco doit être un tremplin pour les stars africaines qu’ont retrouvent dans la culture, le cinéma, le sport. Pour cette année 2009, nous allons approcher certaines stars pour les faire venir.
On parle aussi de la venue de stars africaines de la diaspora américaines notamment Denzel Washington pour le prochain Fespaco. Vous confirmez ?
Ce sont des ambitions que nous avons. Beaucoup sont déjà venus au Fespaco. Je pense qu’il faut poursuivre, il faut découvrir. Nous sommes actuellement sur la piste de Sidney Poitier qui est aujourd’hui une grande référence du cinéma africain, qui est aujourd’hui l’icône, l’image du noir dans le cinéma américain. C’est une expérience, une carrure du cinéma international. Nous sommes sur de bonnes pistes. On peut tous les rassembler cette année, comme on pourra peut-être les rassembler en 2011. Ce qui est fondamental, c’est qu’ils sachent que quelque part, il y’a une volonté de les associer à la fête du cinéma africain.
Les quelques 45 000 festivaliers que vous attendez peuvent s’attendre à quoi comme innovation ?
Ils doivent s’attendre à avoir un peu plus de vedettes africaines, à un accueil avec plus de proximité pour les intégrer dans la dynamique. Ils doivent s’attendre à ce qu’il y ait plus d’activités récréatives parce qu’après les projections de films, il y avait des difficultés à trouver une place forte du Fespaco à Ouagadougou, nous sommes en train de travailler à créer cet espace où l’ensemble des festivaliers pourra se retrouver de minuit jusqu’à 3h du matin. Il ne faut pas qu’après les projections, il y ait une difficulté à se mouvoir à Ouagadougou, à trouver un espace où l’on peut s’exprimer. Nous prévoyons de petites innovations. Nous disons à tous les amoureux du cinéma africain, à tous ceux qui veulent venir à Ouagadougou, qu’ils feront le constat que des innovations peuvent être faites. Et que les suggestions des uns et des autres peuvent être prises en compte pour rectifier le tir car en matière d’organisation rien n’est figé, tout est évolutif.
Pourquoi avoir choisi de baisser le nombre de films en compétition ?
Ce n’est pas une volonté de diminuer le nombre de films en compétition. C’est plutôt une volonté d’être dans les réalités du temps. De plus en plus, les festivals diminuent le nombre de films en compétition. Quand vous demandez à des personnes compétentes de juger 20 films en 5 jours, je pense que vous leur demandez quelque chose de difficile. Il est de notre devoir de resserrer un peu la sélection pour qu’elle soit une sélection qui se mérite, je ne dis pas que ceux qui étaient là ne le méritaient pas. Nous allons resserrer la sélection en limitant le nombre de films à 15. Mais notre souhait, c’est de passer à un Fespaco à 10 jours qui nous permettra de repasser à 20 films en compétition officielle parce qu’on gagnera trois jours supplémentaires pour la compétition. Mais pour le moment, nous voulons permettre au jury d’avoir un travail professionnel. En 5 jours de compétition, cela fait bien 3 films à visionner par jours. Ce qui n’est déjà pas facile.
Cinéma africains, tourisme et patrimoines africains, tel est le thème du prochain Fespaco pourquoi le choix d’un tel thème pour le 21ème Fespaco ?
Nous avons choisi ce thème parce que la production cinématographique en Afrique est à créer, aujourd’hui aussi l’industrie touristique en Afrique est en gestation. Ce sont là, deux industries qui peuvent se donner la main pour voir ensemble qu’elles sont les liens possibles à établir. Une autre vision qu’on peut avoir du thème, et qui à mon sens est le plus important, ce sont les patrimoines africains et le cinéma. Parce qu’à ce niveau, c’est de faire comprendre aux uns et aux autres que l’Afrique à son imaginaire et que dans le patrimoine africain, le cinéma africain peut tirer les énergies et les ressources nécessaires pour se valoriser au plan international. On n’a certainement pas besoin en Afrique de copier les productions hollywoodiennes avec parfois des thèmes qui n’ont rien à voir avec les préoccupations de l’Afrique. Dans les patrimoines africains, il y a la nécessité de ressortir toutes les ressources nécessaires pour valoriser ce patrimoine à travers notre cinéma. C’est une question identitaire pour faire connaître notre patrimoine à l’extérieur mais aussi pour s’ouvrir au monde.
Quel bilan peut-on établir de quarante (40) années de Fespaco ?
Le grand bilan du Fespaco en quarante ans, c’est d’avoir inscrit la biennale du cinéma africain dans le calendrier mondial de la culture. Ça, c’est un bilan que personne ne peut contester. Je pense que ce bilan éclabousse tous les autres bilans qu’on peut faire. Aujourd’hui, un peu partout, chacun inscrit le Fespaco dans son agenda. Réussir cette prouesse de faire inscrire une manifestation africaine dans un calendrier aussi important où les cultures se battent, je crois que c’est quelque chose de très important. Je crois qu’on ne pourra rien faire de plus important que ce qui a été fait. On ne pourra que renforcer ce qui a déjà été fait.
Propos recueillis par Souleymane SOUDRE
Clap Noir
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