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Le Festival de Cannes tourne le dos au cinéma africain
Publié le : dimanche 4 mai 2008

Pour la 61e édition du fes­ti­val de Cannes, qui se dérou­lera du 14 mai au 25 mai 2008, le cinéma Africain res­tera le grand absent de la Sélection Officielle. Que ce soient la com­pé­ti­tion, un cer­tain regard, la quin­zaine des réa­li­sa­teurs ou la semaine de la cri­ti­que, aucun film du conti­nent n’est pré­sent dans ses dif­fé­ren­tes sec­tions. Une his­toire qui se répète au rythme des années. Les orga­ni­sa­teurs sont ils indif­fé­rents à ce cinéma ? La pro­duc­tion est elle si pauvre qu’ils ne trou­vent pas la perle rare ? Toutes ces ques­tions, les ciné­phi­les et le milieu du cinéma afri­cain, se les posent chaque année.

Le doyen du cinéma afri­cain, Sembène Ousmane, décédé l’année der­nière, regret­tait en 2002 l’absence de films afri­cains dans la sélec­tion offi­cielle du fes­ti­val de Cannes, consé­quence selon lui "du peu d’inté­rêt accordé au fes­ti­val pana­fri­cain du cinéma, le Fespaco". Pourtant, le Fespaco orga­nisé à Ouagadougou tous les deux ans, nous prouve qu’une pro­duc­tion dense existe et que la qua­lité des films pré­sen­tés ne cesse de s’amé­lio­rer.

Je ne peux que m’insur­ger quand j’entends un chro­ni­queur dans une émission de France Inter dire que ce cinéma est encore imma­ture et qu’il lui faudra encore cinq ou six ans pour émerger à l’instar du film rou­main. Non ce cinéma n’est pas imma­ture, non ce cinéma n’est pas pauvre, il est riche de par sa diver­sité, vision­naire et engagé. L’Afrique est un conti­nent aux mul­ti­ples facet­tes. Il y a autant de dif­fé­ren­ces dans un film espa­gnol et un film fran­çais que dans un film malien et un film nigé­rian. Pourquoi cette ten­dance à géné­ra­li­ser.

On ne peut nier que la pro­duc­tion afri­caine actuelle a des dif­fi­cultés, par­ti­cu­liè­re­ment en Afrique Subsaharienne où l’Etat a d’autres prio­ri­tés que de sub­ven­tion­ner la Culture, mais peut on dire la même chose de l’Afrique du Sud ?

Les ciné­mas d’Afriques sont-ils consi­dé­rés comme à part ?

Depuis cinq ans, un mois avant le fes­ti­val de Cannes, la ville accueille un autre fes­ti­val, celui du Film Panafricain. Il a pour mis­sion de faire décou­vrir les auteurs, scé­na­ris­tes, réa­li­sa­teurs de films du monde noir ou qui ont réa­lisé un film sur le monde Panafricain.

De plus, cela fait onze ans que l’Organisation Internationale de la Francophonie (l‘OIF) assure la pro­mo­tion des ciné­mas fran­co­pho­nes du Sud au Marché inter­na­tio­nal du film de Cannes : envi­ron 110 films sou­te­nus par le Fonds fran­co­phone de pro­duc­tion audio­vi­suelle du Sud y ont été pré­sen­tés et accom­pa­gnés pour trou­ver des débou­chés com­mer­ciaux. Cependant, même le pavillon des Cinémas du Sud ne pro­pose dans sa pro­gram­ma­tion, les nou­veaux longs métra­ges de fic­tion issus de l’Afrique fran­co­phone cette année.

Alors la ques­tion se pose. Les orga­ni­sa­teurs pen­sent ils que ces deux évènements com­pen­sent leur propre « veto ». Certes, on ne peut que se féli­ci­ter que ces vitri­nes exis­tent, mais en aucun cas, être consi­dé­rés comme un dédoua­ne­ment à l’absence dans les sélec­tions offi­ciel­les et paral­lè­les du fes­ti­val qui a lui une noto­riété mon­diale.

Bilan de 61 ans de fes­ti­val

Le plus grand fes­ti­val de cinéma du monde a réservé au cinéma afri­cain une reconnais­sance timide au fil de ses éditions. L’âge d’or reste les années 90. Les réa­li­sa­teurs Souleymane Cissé (Prix du jury 1987 pour Yeelen) et Idrissa Ouedraogo (Prix du Jury 1990 avec Tilaï) furent les pre­miers à être primés, ouvrant la voie à toute une géné­ra­tion de jeunes cinéas­tes. De plus en plus pro­fes­sion­nels, ceux qui sui­vront n’auront qu’un objec­tif : se mesu­rer aux plus grands. Le pion­nier à Cannes reste Paulin Vieyra, venu en 1963 avec Lamb, suivi de Sembène Ousmane, qui pré­sen­tait en 1966 La Noire de... En 1973, c’était la pré­sen­ta­tion, à la toute pre­mière Quinzaine des réa­li­sa­teurs, de Touki Bouki de Djibril Diop Mambety, qui passe pour l’un des meilleurs films afri­cains jamais réa­li­sés. On garde en mémoire des films qui ont fait partie de la com­pé­ti­tion offi­cielle comme Tilai d’Idrissa Ouedraogo (1990), Hyènes de Djibril Diop Mambety (1992) et Waati de Soulemane Cissé (1995) Kini et Adams d’Idrissa Ouedraogo (1997) der­nier film à ce jour à figu­rer parmi cette caté­go­rie.

Petit rappel des films afri­cains sélec­tion­nés dans le fes­ti­val de Cannes depuis sa créa­tion :

- 1963. Lamb (la Lutte), de Paulin Viera, Sénégal (SO)
- 1966. La Noire de…, de Sembène Ousmane, Sénégal (SC)
- 1968. Concerto pour un exil, de Désiré Ecaré, Côte d’Ivoire (SC)
- 1969. Cabascabo, d’Oumarou Ganda, Niger (SC)
- 1969. Rhodesia Coundown, de Michael Raeburn, Rhodésie (Q)
- 1970. Soleil O, de Med Hondo, Mauritanie (SC)
- 1970. A nous deux, France, de Désiré Ecaré, Côte d’Ivoire (Q)
- 1971. Badou Boy, de Djibril Diop Mambety, Sénégal (Q)
- 1971. Monangambeee, de Sarah Maldoror, Angola (Q)
- 1972. Emitaï, de Sembène Ousmane, Sénégal (Q)
- 1973. Touki-Bouki, de Djibril Diop Mambety, Sénégal (Q)
- 1974. La der­nière Tobe à Dimbaza, de Nana Mahomo, Afrique du Sud (Q)
- 1975. N’Diangane, de Mahama Jonhson Traoré, Sénégal (Q)
- 1976. Lettre pay­sanne, de Safi Faye, Sénégal (SC)
- 1976. La Moisson de 3000 ans, de Haile Gerima, Ethiopie (SC)
- 1977. Ceddo, de Sembène Ousmane, Sénégal (Q)
- 1977. 25, de José Celso Correa et Celso Luccas, Mozambique (Q)
- 1979. Fad’jal, de Safi Faye, Sénégal (CR)
- 1982. Finye, de Souleymane Cissé, Mali (CR)
- 1982. Jom, ou l’his­toire d’un peuple, d’Ababacar Samb-Makharam, Sénégal (SC)
- 1983. le Certificat d’indi­gence, de Moussa Yoro Bathily, Sénégal (SO)
- 1985. Visages de femmes, de Désiré Ecaré, Côte d‘Ivoire (SC)
- 1987. Le Choix, d’Idrissa Ouedraogo, Burkina Faso (SC)
- 1987. Yeelen, de Souleymane Cissé, Mali (CO)
- 1988. Tabataba, de Raymond Rajaonarivelo, Madagascar (Q)
- 1988. Mapantsula, d’Olivier Schmitz, Afrique du Sud (SC)
- 1989. Yaaba, d’Idrissa Ouedraogo, Burkina Faso (Q)
- 1989. La Geste de Ségou, de Mambaye Coulibaly, Mali (SC)
- 1990. Tilaï, d’Idrissa Ouedraogo, Burkina Faso (CO)
- 1990. Sidibou, de jean-Claude Bandé, Burkina Faso (SC)
- 1991. Laafi, de Pierre Yameogo, Burkina Faso (SC)
- · 1991. Ta Dona, d’Adama Drabo, Mali (CR)
- 1991. Laada, de Drissa Touré, Burkina Faso (CR)
- 1991. Sango Malo, de Bassek Ba Kobhio, Cameroun (CR)
- 1991. Le der­nier des Babingas, de David-Pierre Fila, Congo/France
- 1992. Hyènes, de Djibril Diop Mambety, Sénégal (CO)
- 1992. Les Yeux bleus de Yonta, de Flora Gomes, Guinée-Bissau (CR)
- 1993. Octobre, d’Abderraahmane Sissako, Mauritanie (SC)
- · 1993. Wendemi, de S. Pierre Yaméogo, Burkina Faso (SO)
- 1994. Xime, de Sana Na N’Hada, Guinée Bissau (SC)
- 1995. Waati, de Souleymane Cissé, Mali (CO)
- 1995. Haramuya, de Drissa Touré, Burkina Faso (CR)
- 1996. Po Di Sangui, de Flora Gomes, Guinée-Bissau (CO)
- 1996. Mossane, de Safi Faye, Sénégal (CR)
- 1996. Flame, d’Ingrid Sinclair, Zimbabwe (Q)
- 1996. Macadam tribu, de José Laplaine, Zaïre/Mali (Q)
- 1997. Kini et Adams, d’Idrissa Ouedraogo, Burkina Faso (CO)
- 1997. Faraw (Mère de sable), d’Abdoulaye Ascofare, Mali (SC)
- · 1997. Buud Yam, de Gaston Kaboré, Burkina (Q)
- 1997. Dakan, de Mohamed Camara, Guinée (Q)
- 1997. Taafe Fanga, d’Adama Drabo, Mali (Q)
- 1998. La vie sur terre, Abderrahmane Sissako, Mauritanie (Q)
- 1999. La Genèse, Cheick Oumar Sissoko, Mali (CR)
- 2001. Hijack Stories, Oliver Schmitz, Afrique du Sud (CR)
- 2002. Heremakono, Abderrahmane Sissako, Mauritanie (CR)
- 2002. Abouna, Mahamat Saleh Haroun, Tchad (Q)
- 2002. Kabala, Assane Kouyaté, Mali (SC)
- 2003. Le silence de la Forêt, D.Ouenangare et B. Kobhio, Centrafrique Cameroun (Q)
- 2004. Moolaade, Sembe Ousmane, Sénégal (prix CR)
- 2005. Delwende, S. Pierre Yameogo, Burkina Faso (prix espoir CR)
- 2006. Bamako, Abderrahmane Sissako, Mauritanie (avant pre­mière hors com­pé­ti­tion)

Abréviations - CO : Compétition offi­cielle ; CR : Un cer­tain Regard ; Q : Quinzaine des Réalisateurs ; SC : Semaine de la Critique ; SO : Sélection offi­cielle

Isabelle Audin
Mai 2008

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