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La chronique de Michèle. Une cérémonie très réussie
Publié le : dimanche 8 mars 2009
Le Fespaco est "mort", vivent les Femmes !

Ouaga le 8 mars 2009

Pas à dire, mais la céré­mo­nie de clô­ture du 21ème Fespaco était nickel ! Comme quoi la véra­cité de l’adage bigour­dan qui décrète que « si tu rates la pre­mière marche, tu dégrin­go­les tout l’esca­lier » est peut être à reconsi­dé­rer, et c’est tant mieux ! Le voya­geur arri­vant le 7 mars direc­te­ment au stade du 4 aout de Ouagadougou aurait été émerveillé de tant de cou­leurs, de musi­ques, de mani­fes­ta­tions artis­ti­ques par­se­mées de si courts dis­cours (si, si) et, pour peu qu’il soit ciné­phile, il aurait pensé que cette four­née là avait bon goût.
Les jurys cons­ti­tués de pro­fes­sion­nels ont tra­vaillé d’arra­che pied et tout le monde les atten­dait de pied ferme. Le pré­si­dent Blaise Compaoré lui-même qui, accom­pa­gné de son épouse, a serré la main à tous les jurés qui défi­laient devant lui à la tri­bune d’hon­neur. Détail amu­sant, une dame tuni­sienne est passée devant lui sans le voir et par consé­quent s’émouvoir, tout occu­pée, sans doute, à ne pas rater les mar­ches.
Pas de couacs dans l’orga­ni­sa­tion, on était enfin loin des his­toi­res de badges, accré­di­ta­tions, pro­gram­mes, cata­lo­gues, saco­ches et autres aga­ce­ries qui ont com­pli­qué le par­cours du fes­ti­va­lier. On atten­dait du pal­ma­rès et les pistes ouver­tes sur le deve­nir du cinéma afri­cain.
Imminence de la jour­née mon­diale de la Femme, qui, au Burkina Faso, mérite son jour férié, ou signe des temps ? Mais beau­coup de femmes ont défilé sur le podium, la plu­part pour rece­voir leur prix, et d’autres celui d’un proche absent.

Trente docu­men­tai­res étaient en com­pé­ti­tion, pro­gram­més une fois chacun et seu­le­ment 3 prix à la dis­po­si­tion du jury ! Quand don­nera-t-on aux réa­li­sa­teurs de docu­men­tai­res leur juste place ? Pedro Pimenta le mozam­bi­cain, rendit hom­mage au tra­vail des trois réa­li­sa­tri­ces pri­mées pour leur recher­che de vérité his­to­ri­que accom­pa­gnée d’une grande force de réa­li­sa­tion. La tuni­sienne Leila Kelani, « Nos Lieux Interdits » absente, c’est sa fille d’une dizaine d’années qui reçut le pre­mier prix, en deman­dant d’excu­ser sa mère. Par contre on vit bien Jihan El-Tahri, la grande égyptienne, rece­voir sa récom­pense pour son remar­qua­ble tra­vail sur l’ANC, fruit de 4 ans de tra­vail en Afrique du Sud, Behind the Rainbow (Le pou­voir détruit-il le rêve ?). Ainsi qu’Osvalde Lewat camé­rou­naise, toute de noir vêtue, pour Une affaire de nègres, enquête sur la sombre période du com­man­de­ment opé­ra­tion­nel dans son pays.

Vingt courts métra­ges et Balufu Bakupa-Kanyunda, belge de la RDC, comme pré­si­dent du jury, comme un pois­son dans l’eau entouré d’un jury de choc. Résultat : 3 prix et 2 men­tions spé­cia­les, pour une cuvée haut de gamme, et une défer­lante blan­che, quatre films du Maghreb sur les 5. Samir Guesmi, le très « long » acteur d’Andalucia d’Alain Gomis rem­porte le pou­lain d’argent pour un film sen­si­ble « C’est diman­che ». Mais au « Poisson noyé » d’Amara Malik, le favori du public, men­tion spé­ciale seu­le­ment.
Enfin, vint Gaston Kaboré, l’enfant de Ouaga, pré­si­dent du jury longs métra­ges et son cor­tège de prix (il en a annoncé 16, on n’en trouve que 15, c’est l’évaporation…). A dis­tri­buer aux 19 longs métra­ges, 18 sur le cata­lo­gue qui a « mangé » le film de Mansour Sora Wade « les Feux de Mansaré ».
Une telle ava­lan­che de prix allant de la meilleure affi­che jusqu’à l’Etalon d’or du Yennenga qu’il serait plus rapide de nommer les films qui repar­tent bre­douilles !
Rien pour « Triomf », l’impi­toya­ble por­trait au rasoir d’une famille de petits blancs à la veille de la fin de l’Apartheid. Trop vio­lent ? Une forme trop déran­geante ?
Rien pour « La Maison Jaune » d’Amor Hakkar, Algérie. Pas assez de bruit et de fureur ? Et le réa­li­sa­teur, si doux, a déjà eu le Prix Signis la veille, alors ?
Rien pour Whatever Lola Wants du maro­cain Ayouch Nabil. Une comé­die chan­tante et dan­sante à gros budget entre New York et le Caire. Bollywood n’est pas en Afrique !

C’est en pre­nant connais­sance des gran­des récom­pen­ses, ici les Etalons, qu’on peut tenter d’ana­ly­ser les ten­dan­ces qui ont pré­sidé aux choix du jury.
En accor­dant à Teza le grand film d’Haile Gerima, Ethiopie, déjà récom­pensé dans de grands fes­ti­vals, l’Etalon d’Or, l’argent à Nothing But de Truth de John Kani, Afrique du sud, de fac­ture très clas­si­que, et le bronze à Mascarades, la comé­die de Lyes Salem Algérie, il semble que le jury ait plutôt évolué dans le clas­si­que. A moins que d’un point de vue diplo­ma­ti­que, on ait voulu récom­pen­ser l’Afrique sub­sa­ha­rienne, l’Afrique du Sud et le Mahgreb ? On envoie des signes à des films comme Jerusalema du sud afri­cain Nic Hofmeyer et Les démons du Caire de Mohamed Hassib, en leur accor­dant d’autres prix. Le Fauteuil rem­porte le prix du public, c’était couru d’avance !
Mama Keita, le gui­néen, séné­ga­lais, fran­çais, rem­porte le prix du scé­na­rio pour « L’Absence » titre pré­mo­ni­toire car, bien qu’à Ouaga, il ne se pré­sente pas pour le rece­voir. Et c’est, comme déjà la veille, la réa­li­sa­trice nigé­rienne Ramatou Keita, donc rien à voir à part le nom, qui bran­dit le tro­phée, se fend d’un dis­cours perso, rien à voir avec le réa­li­sa­teur et son film !
Et, pour la 4ème fois au cours de cette 21ème édition, c’est la sœur de Haile Gerima qui reçoit les hon­neurs dus à son frère, absent car, depuis l’assas­si­nat de Thomas Sankara, il a juré de ne plus reve­nir dans le pays du Fespaco…

Michèle Solle

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