« la rue étourdissante autour de moi hurlait »… Ah, Beaudelaire a-t-il fait le Fespaco à Ouagadougou ? Que de films, que d’images, que d’univers. Les liens familiaux se télescopent dans mon esprit et ils ont le visage de la Tunisienne Nadia El Fani rendant un hommage tendre et intelligent à son père dans « Ouled Lénine », un documentaire qui décline (pensée) communisme et indépendance. C’est ensuite le père qui, dans « nothing but the truth » de, par et avec John Kani, un film sud-africain où un père vieillissant avoue à sa fille et à sa nièce la jalousie qu’il a toujours eue envers son frère, considéré comme un héros national de la lutte de l’ANC, alors que lui a eu un destin simple (car telle est la vérité, et ce n’est pas celle de la commission : son frère avait séduit sa femme). Rivalité fraternelle et fratricide entre les deux amis d’enfance du film de Mansour Sora Wade « les feux de Mansaré ». Ma mémoire s’attarde aussi sur la relation familiale ténue que décrit le film algérien « La maison jaune », du réalisateur algérien Amor Hakkar. Une famille y est victime d’un deuil. La mère est absente, murée dans sa peine et c’est mené par sa fille de douze ans que le père, un paysan, va tenter de trouver d’abord à la pharmacie - puis dans d’autres subterfuges-, un remède contre la tristesse. Je voulais oublier ce film mais cette énigme familiale me trotte encore dans l’esprit. Qu’a voulu me dire ce film ? Reste encore le visage du père dans le court-métrage marocain (« le revenant » - de Mohammed Ahed Bensouda) : un homme vieillissant sort de prison, va dans un bar et est alpagué par une prostituée qui lui vole tout ce qu’il a. Lorsqu’il rentre chez lui et retrouve sa femme et sa fille… il reconnait la jeune prostituée. Mama Keita dans « l’absence » raconte aussi l’amour-haine tragique entre un frère absent et une petite sœur qui a mal tourné dans la nuit dakaroise… Frères et sœurs - il y a aussi ce joli film béninois, « les inséparables » de Christiane Chabi Kao (mais je salue ici aussi une personne - un Blanc, deh ! - qui a je crois contribué au film, Pierre Linhart), en compétition vidéo, qui conte l’histoire d’amour d’un petit frère et une petite sœur que la vie sépare de leurs parents, comme dans les contes… Toutes ces histoires se parlent et se répondent entre elles, dressant une comédie humaine, tragédie parfois. Le visage de la mère qui a dû se prostituer et même tuer pour sauver sa fillette malade du paludisme dans le court-métrage « Sauver Rama ». Emotions. Emotions. Tout ce que l’on finit par retenir des films sont ces moments d’émotions qui se lisent sur des visages.
Mon énigme du jour : pourquoi y a-t-il deux portraits de la cantatrice sénégalaise Yandé Codou Sene au Fespaco en même temps ?
Ma deuxième question, que j’adresse cette fois aux organisateurs : comment peut-on voir, (si l’on n’a pas pu se rendre à projection car le taxi est tombé en panne avenue du Travail, près du marché, parce que la palabre a trop duré, parce que le paludisme a trop frappé…), le film documentaire dont beaucoup parlent, de Jihan Tahri sur l’ANC (« behind the rainbow ») pour avoir une vision plus complète de l’évolution de ce pays incontournable cette année au Fespaco. Je pourrai alors tenter d’en dresser le portrait imaginaire, entre « Nothing but the truth », un film qui a le mérite de montrer comment la majorité silencieuse continue à évoluer et faire le deuil de son héroïsme, quinze ans après la fin de l’apartheid, complété en ombre et lumière par « Jérusalema », un scarface sud-africain qui dresse un portrait terrifiant de la Johannesburg des années 2000 (il faut pas avoir honte d’aimer les bad boyz et la violence au cinéma, j’ai trouvé que Ralph Ziman le faisait merveilleusement bien et une copine nigériane m’a confié que c’était pour elle le meilleur film du Fespaco), et enfin, le terrifiant « triomph » de Michael Raeburn (ah, oui, pour les liens familiaux, Michael Raeburn a bien caractérisé sa famille de « white trash » : la mère couche avec son fils, qui n’est pas le fils de son père, avec qui elle vit, mais de son frère, qui vit également dans la maison… le pitch est clair ?).
Pourquoi les documentaires ne sont-ils visibles qu’une fois ? Pourquoi n’y a-t-il pas de programme disponible ? Pourquoi le côté doc n’est-il pas présent cette année ? Pourquoi n’y a-t-il pas moyen de consulter les films en dvd, au moins pour la presse ? Pourquoi les journalistes se sentent-ils un peu abandonnés dans ce festival ? Et puis allons-y… (Je me fais ici encore le relais du public ouagalais rencontré au gré de mes périgrinations cinéphiliques) Pourquoi ne voit-on pas les films du Fespaco en dvd ou dans les ciné-clubs ? Même si, chaque année, beaucoup de conférences fatiguent les salives fatiguées des professionnels, il fait chaud en plus. Personne ou presque n’a vu Ezra, le film primé de l’étalon du Yennenga en 2007. Ne m’en voulez pas pour le mélange des genres, j’ai vu trop d’images en très peu de temps.
Caroline Pochon
Clap Noir
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