Biarritz, du 22 au 27 janvier 2008, et pour la 21 édition, avait lieu le FIPA. Festival International de la Production Internationale, rendez vous incontournable de ceux qui rêvent une télévision idéale, indépendante, intelligente, combattante, respectueuse de l’homme et libérée de l’Audimat. Des centaines d’œuvres dans de nombreuses catégories, projetées en salle ou visionnées au FIPATEL, quand le gâteau est trop gros, on disparaît sous la crème ! Faut choisir ! Parmi les documentaires convoquant un monde dans tous ses états, trois petites pierres tièdes parlant de l’Afrique, que j’ai gardées au fond de ma poche pour vous.
En attendant les hommes
de Katy Lena Ndiaye, Belgique
Oualata, ville rouge à l’extrême est du désert mauritanien et trois femmes qui parlent tout en décorant les maisons de banco. Elles parlent des hommes. Le vent du désert soulève le sable rouge. On pense à Heremakono, « En attendant le Bonheur », le film d’Abderrahmane Sissako. Chez Sissako, la caméra suivait un homme qui attendait le moment de l’exil, la barque qui l’emmènerait au pays des blancs. La vie du village était réduite aux perceptions de celui qui lui disait adieu. Les bruits étouffés, les femmes passaient dans leurs voiles. On sentait l’Océan, l’ailleurs. Oualata est à l’opposé, près de la frontière malienne, et, (rapport de cause à effet ?), nulle velléité de fuite ne tourmente ces femmes, qui attendent leurs hommes. Elles sont le gage que les hommes reviendront La vie est ici. On suit leurs gestes tendres. Les mains pétrissent la terre, inventent des couleurs, caressent les murs, créent des reliefs et des formes précises, voluptueuses. Elles se confient. Les yeux noyés de khôl, mouvements de voiles dans lequel elles se cachent quand la confidence touche à l’intime, sourires complices, confiants, tranquilles, silences, regards. La réalisatrice les mène avec une infinie délicatesse. « Moi, je sais que je ne suis pas belle, mais les hommes aiment ma conversation » déclare celle-ci . Elle en est à son cinquième mari. Celle–là n’a pas su les garder, la solitude lui pèse, ses yeux secs et trop brillants parlent du manque. La troisième, plus jeune et sentencieuse recule le moment où il lui faudrait bien perdre ses illusions. Le village palpite. Et se réveille un jour à l’arrivée des hommes, venus d’on ne sait où, du pays de l’argent, ou de celui de l’or, du travail, de l’utile. Et les femmes délaissent leurs sculptures, stoppent leurs confidences et les accueillent enfin, laissant le spectateur sur cette parenthèse enchantée
Le réalisateur mozambicain est un habitué de Biarritz ; il y a déjà reçu le Fipa d’argent en 2003 et 2006 pour ses films Desobediencia et O Grande Bazar .
Dans la ville portuaire de Beira, à l’époque coloniale, le Grande Hotel était le plus grand palace du Mozambique : 350 chambres, des suites luxueuses, une piscine olympique…. Aujourd’hui 3500 personnes vivent ici. Quarante quatre ans après sa fermeture, le spectateur accompagne deux anciens employés, très classe, dans une visite retour aux sources. L’un est aveugle, l’autre le guide et lui raconte. Ici étaient le hall d’entrée, la réception, les salons, les cuisines etc. Ils avancent doucement à travers les gravats, empruntent des escaliers en ruine, enjambent les étals qui envahissent les couloirs. Une lumière sépia accompagne leurs souvenirs. Mais la vie est partout. L’Afrique a repris ses droits ; comme l’eau sous la porte elle s’est infiltrée dans ce vestige du colonialisme. Les familles s’entassent jusque dans les caves, les enfants jouent sur les terrasses, la piscine sert de lavoir, de décharge, à tous les étages les odeurs de cuisine, les petits métiers, le linge qui sèche, les femmes qui s’activent en riant. Une des suites sert de mosquée, l’autre d’église, le salon de réception de tribunal des habitants. Tous logés à la même enseigne, les habitants se sont organisés au mieux. Aucune trace de nostalgie dans ce documentaire à l’allégorie lumineuse.
En Ouganda. Le sida est passé par là. Les pères ont été emportés, les premiers. Des mères et de leurs enfants survivants, qui mourra en premier ? Pour lutter contre les ravages de l’oubli, les femmes ont initié un projet magnifique : les livre des souvenirs. Jour après jour, elles écrivent, photos et dessins à l’appui, avec et pour leur fille, leur fils, leur histoire commune, celle de leurs origines, la création de la famille, les premiers pas, les ressemblances, les premières fois, les espoirs. Afin que dans cette belle Afrique, éternellement punie, les orphelins de demain puissent exister. Trame de vie jetée par delà la vie, la mort, et la terrible loi du matériel.
Michèle Solle
Clap Noir
Association Clap Noir
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