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Echec du développement de l’industrie cinématographique en Afrique
Publié le : samedi 3 novembre 2007

En 2007, cela fait pres­que 47 ans que plu­sieurs pays d’Afrique noire ont acquis leurs indé­pen­dan­ces. A ce jour, aucun Etat n’a réussi à asseoir une véri­ta­ble poli­ti­que de déve­lop­pe­ment de l’indus­trie ciné­ma­to­gra­phi­que. Et pour­tant, ce ne sont pas des décla­ra­tions d’inten­tion et d’enga­ge­ment poli­ti­ques qui ont manqué. Toutes les ten­ta­ti­ves de sortie de crise ini­tiées autour des regrou­pe­ments régio­naux et sous-régio­naux comme l’Union Africaine, (UA), l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, (UEMOA), la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)…n’ont pas abouti. Pourquoi les diri­geants afri­cains n’arri­vent-ils pas véri­ta­ble­ment à conce­voir et exé­cu­ter une poli­ti­que de déve­lop­pe­ment consé­quente en matière de cinéma ?





La réus­site de la poli­ti­que du déve­lop­pe­ment de l’indus­trie ciné­ma­to­gra­phi­que amé­ri­caine et notam­ment fran­çaise, l’exem­ple qu’elle repré­sente aujourd’hui dans le monde, ne tient pas d’un quel­conque mira­cle, mais d’une volonté poli­ti­que et d’un envi­ron­ne­ment socio-économique favo­ra­ble. Dès son appa­ri­tion en 1895 en France, grâce aux Frères Lumières, le cinéma fut accueilli par la Société d’Encouragement à l’Industrie Nationale. Ce fut le début de l’exploi­ta­tion et de la dis­tri­bu­tion ciné­ma­to­gra­phi­ques. Dès lors, le cinéma devint dans plu­sieurs pays d’Europe (Allemagne, Angleterre, Danemark, France, Italie, Suède…), le nou­veau phé­no­mène de masse. Des créa­teurs de génie, des entre­pre­neurs, lui don­nè­rent un élan com­mer­cial en ins­tal­lant des mai­sons de pro­duc­tion, des salles d’exploi­ta­tion, des entre­pri­ses de dis­tri­bu­tion, des usines de fabri­ca­tion de maté­riel ciné­ma­to­gra­phi­que, des labo­ra­toi­res. Le cinéma connut son essor artis­ti­que grâce à la grande vogue du théâ­tre filmé, aux adap­ta­tions d’œuvres lit­té­rai­res, aux cinés romans et aux films comi­ques. A partir de 1919, la cri­ti­que ciné­ma­to­gra­phi­que fit son appa­ri­tion. Bon nombre de per­son­na­li­tés du monde lit­té­raire et artis­ti­que s’inté­res­sè­rent au cinéma. Des revues et maga­zi­nes spé­cia­li­sés, des ciné-clubs, des socié­tés d’auteurs, des salles spé­cia­li­sées virent le jour. A la veille de la pre­mière guerre mon­diale, on comp­tait envi­ron 15 700 salles en Amérique, 4 500 en Angleterre, 3 000 salles envi­ron en Italie, 2 500 en Allemagne, 1 200 en France, 900 en Espagne, 775 en Belgique, 100 au Portugal. A partir de 1925, le cinéma asia­ti­que (chi­nois, hindou et japo­nais notam­ment) prit son envol.

Le cinéma fut intro­duit en Afrique entre 1896 et 1918, à des fins de conquê­tes colo­nia­les par des indus­triels, des mis­sion­nai­res, des admi­nis­tra­teurs et des com­mer­çants euro­péens. Avec les indé­pen­dan­ces, les nou­veaux diri­geants afri­cains vont uti­li­ser le cinéma à d’autres fins. En 1960, Patrice Emery Lumumba, Premier Ministre du République Démocratique du Congo (Ex Zaïre) décla­rait que le cinéma est appelé à jouer un rôle impor­tant dans le domaine de l’éducation intel­lec­tuelle et même poli­ti­que des peu­ples. Sembene Ousmane, cinéaste séné­ga­lais, disait quant à lui, « qu’en ce qui concerne les cinéas­tes afri­cains, il y a un pro­blème de mili­tan­tisme, un désir, ne disons pas de dia­lo­gue, ce serait uni­la­té­ral, mais de faire pren­dre cons­cience à leur peuple du poids de sa culture et de sa res­pon­sa­bi­lité. Pour moi, c’est très simple : le cinéma est une école du soir pour nous. Il faut que le cinéma soit un élément qui per­mette à tous les spec­ta­teurs, à tous les afri­cains de s’iden­ti­fier … ». Il est évident que beau­coup de cinéas­tes et hommes poli­ti­ques afri­cains furent péné­trés par des convic­tions de ce genre.

Le cinéma afri­cain est né pres­que la même année (1963) que l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). C’est en réa­lité à partir de cette date qu’a com­mencé véri­ta­ble­ment la lutte des afri­cains pour impo­ser leur cinéma sur leurs pro­pres écrans. C’est de là qu’est née la riva­lité avec les com­pa­gnies étrangères qui contrô­lent le marché du cinéma en Afrique, qui ne sont pas d’avis que ce cinéma de moin­dre qua­lité ne vienne empié­ter sur leur marché.

Le seul souci qui gui­dait les cinéas­tes afri­cains dans ces années, regrou­pés der­rière la Fédération Panafricaine des Cinéastes (FEPACI), quand ils se retrou­vaient dans des fes­ti­vals à Vienne, dans des col­lo­ques à Alger, Dakar, Tunis, Ouagadougou, était de réflé­chir sur l’avenir du cinéma afri­cain par­ti­cu­liè­re­ment. La FEPACI réunit 33 pays du conti­nent et avait pour credo, d’inci­ter auprès des gou­ver­nants afri­cains pour qu’ils pren­nent des mesu­res pro­tec­tion­nis­tes qui s’impo­saient pour la survie du cinéma nais­sant. Cette dyna­mi­que connut un succès mitigé au début des années 70, car quel­ques pays de l’Afrique noire fran­co­phone réus­si­rent à implan­ter un embryon d’indus­trie ciné­ma­to­gra­phi­que, en entre­te­nant un nombre assez modeste de salles, un cir­cuit de dis­tri­bu­tion et une pro­duc­tion natio­nale rela­ti­ve­ment impor­tante (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal).

Les années 80 mar­què­rent une nou­velle étape de l’his­toire du cinéma en Afrique. La pro­duc­tion hausse, la dis­tri­bu­tion s’orga­nise, les salles se natio­na­li­sent au profit d’exploi­tants afri­cains. Les ciné­mas des pays luso­pho­nes et anglo­pho­nes, Angola, Ghana, Kenya, Mozambique, Nigeria, sont en mar­chent.

Malgré ces efforts, le cinéma afri­cain ne se ren­ta­bi­lise pas, non seu­le­ment en Afrique mais aussi hors du conti­nent. Et pour­tant, les pos­si­bi­li­tés de sa pro­duc­tion selon les règles de l’art exis­tent. Les cinéas­tes afri­cains vivent alors dans le doute. Les propos de Tahar Cheriaa, cinéaste tuni­sien, sont révé­la­teurs « … j’ai un peu l’impres­sion d’être quelqu’un dont les pro­pres idées sont fati­guées, qui est lui-même las d’avoir à repren­dre cons­tam­ment les mêmes faits, la même ana­lyse et à avoir aussi, en dépit des efforts, cette impres­sion assez péni­ble, assez las­sante de voir que la situa­tion, ne change pas ».

Le fait de n’avoir pas donner des signes posi­tifs aux cinéas­tes afri­cains, les hommes poli­ti­ques ont plongé le cinéma dans un dilemme. Le cinéma, comme disait l’autre, est une indus­trie. On devrait suivre la même démar­che uti­li­sée pour la réa­li­sa­tion des autres indus­tries à tra­vers un pro­ces­sus englo­bant la concep­tion, la fabri­ca­tion, la com­mer­cia­li­sa­tion et la consom­ma­tion. C’est un pro­duit offert par les uns pour répon­dre à la demande des autres. C’est par ce pro­ces­sus, par ce biais, qu’il faut essayer de cher­cher le pour­quoi de cette spé­ci­fi­cité, de cette ano­ma­lie du cinéma en Afrique et se deman­der com­ment arri­ver peut-être espé­rer le voir rejoin­dre un destin simi­laire à celui des autres ciné­ma­to­gra­phies.

Le cinéma en Afrique noire était mal parti. La pro­blé­ma­ti­que du marché qui le sous-ten­dait était mal posée par les cinéas­tes. Les struc­tu­res qui devront per­met­tre au film d’être demandé et d’être convoité comme n’importe quel pro­duit n’avaient pas été bien exploi­tés. A l’époque, le sys­tème qui régen­tait le marché du cinéma en Afrique noire, était consi­déré comme colo­nial et impé­ria­liste et les cinéas­tes ne croyaient pas que, de la bonne santé de celui-ci, dépen­dait la survie de leur cinéma. L’exem­ple pris par Tahar Cheriaa, sur la Tunisie , qui est un pays afri­cain où le cinéma est sou­tenu par l’Etat, illus­tre la phi­lo­so­phie réelle que le cinéma afri­cain aurait du adap­ter : « Un pays comme la Tunisie ne pour­rait jamais ren­ta­bi­li­ser pour qui­conque, pour l’Etat Tunisien, pour Gaumont ou tout autre dis­tri­bu­teur, ren­ta­bi­li­ser le volume de films dont les Tunisiens ont besoin et l’ensem­ble de films qu’ils consom­ment quo­ti­dien­ne­ment, c’est-à-dire les ache­ter à l’étranger et en reti­rer un béné­fice mini­mal, ne serait-ce que de 2 ou 3% par rap­port au capi­tal investi, s’il ne le fait qu’à l’inté­rieur de la Tunisie. Pourquoi ? Parce qu’il y a suf­fi­sam­ment de consom­ma­teurs qui deman­dent, mais il n’y a pas suf­fi­sam­ment de points de pro­jec­tion, de salles, donc de recet­tes pour faire face au prix de revient si la Tunisie ache­tait toute seule à l’inté­rieur de ses fron­tiè­res. Elle a besoin de faire alliance avec d’autres uti­li­sa­teurs du film pour essayer d’équilibrer ses dépen­ses d’achats avec les recet­tes » . Cet exem­ple est vala­ble pour l’ensem­ble des pays afri­cains.

Les cinéas­tes algé­riens sem­blaient réus­sir leur pari en décré­tant un mono­pole natio­nal d’impor­ta­tion de films en 1971, obli­geant la Motion Pictures Export Association of América (MPEAA), à se plier à leurs condi­tions. Cette expé­rience fera tache d’huile. Ces ten­ta­ti­ves de natio­na­li­sa­tion d’impor­ta­tion et d’exploi­ta­tion des films en Afrique malgré leurs exten­sion à d’autres pays ne connaî­tront pas de grand succès, puis­que boy­cot­ter par les gran­des com­pa­gnies étrangères regrou­pées en puis­sants trusts.

Au fes­ti­val de Carthage à Tunis en 1974, il y eut le pre­mier Colloque sur la pro­duc­tion et la dis­tri­bu­tion du film en Afrique, ayant réunit les nou­veaux diri­geants des socié­tés natio­na­les de cinéma. Ces der­niers concluent de la néces­sité de regrou­per les mar­chés ciné­ma­to­gra­phi­ques afri­cains pour assu­rer une ren­ta­bi­li­sa­tion des films locaux, ren­ta­bi­li­sa­tion deve­nue impos­si­ble si elle était faite iso­le­ment vu l’insuf­fi­sance du nombre de salles que chaque Etat dis­po­sait.

Face à cette nou­velle donne, les com­pa­gnies étrangères notam­ment la MPEAA , et l’Union Générale Cinématographique (UGC), chan­gè­rent leur appro­che et trou­vè­rent une entente avec les cinéas­tes afri­cains. Celle-ci s’était concré­ti­sée par la signa­ture d’accords qui don­naient une place au cinéma afri­cain.

Conséquemment à l’appli­ca­tion de ces accords, les salles appar­te­nant aux com­pa­gnies étrangères ont été ven­dues aux entre­pre­neurs locaux. Mais, ces com­pa­gnies étrangères conti­nuaient tou­jours de mono­po­li­ser l’impor­ta­tion-dis­tri­bu­tion des films amé­ri­cains, chi­nois et indiens, qui bat­taient tous les recors d’entrées et occu­paient 99,98% de part du marché. Le mou­ve­ment de récu­pé­ra­tion par les afri­cains des salles va s’opérer un peu par­tout sur le conti­nent. Les cinéas­tes afri­cains créè­rent une nou­velle struc­ture dénom­mée « Consortium Interafricain de dis­tri­bu­tion ciné­ma­to­gra­phi­que » (CIDC), une sorte de marché commun de dis­tri­bu­tion ciné­ma­to­gra­phi­que regrou­pant 14 pays de l’Afrique fran­co­phone, c’était en 1979. Le CIDC ne réus­sit pas à se main­te­nir vivant pen­dant long­temps. Il connut une grave crise en 1984, qui entraîna sa dis­pa­ri­tion.

Après plus d’une décen­nie d’essai et de tâton­ne­ment, les cinéas­tes et les hommes poli­ti­ques afri­cains se ren­dent compte de la grave erreur qu’ils avaient com­mise en natio­na­li­sant inté­gra­le­ment les salles. Les gou­ver­nants afri­cains, pen­saient aussi rele­ver leurs économies en taxant fort le sec­teur du cinéma et en déviant la manne finan­cière engen­drée par le cinéma à d’autres fins sans penser que le cinéma doit finan­cer le cinéma.

Tous ces pro­blè­mes vont faire per­du­rer la crise du cinéma afri­cain. De la bonne santé de la dis­tri­bu­tion et de l’exploi­ta­tion, dépend la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phi­que natio­nale. La Communauté Economique Européenne (CEE) se joi­gnit à l’Agence de Coopération Culturelle et Technique ACCT et à la Coopération Française à la recher­che de solu­tion adé­quate pour l’Afrique, encou­ra­geant la créa­tion de plu­sieurs fes­ti­vals consa­crés aux films afri­cains en Europe, au Canada et en Amérique latine. Plusieurs autres pro­jets, dans la pro­duc­tion, la dis­tri­bu­tion et l’exploi­ta­tion ciné­ma­to­gra­phi­que en Afrique, avaient vu le jour grâce à ces ins­ti­tu­tions.

En avril 2006, le Gouvernement Sud Africain, la FEPACI , l’Union Africaine et le Nepad déci­dent de donner une nou­velle dyna­mi­que à l’indus­trie du cinéma en repre­nant les recom­man­da­tions défi­nies en 1982 au col­lo­que de Niamey et en créant au sein de l’Union Africaine, une Commission tech­ni­que char­gée du Développement de l’Industrie ciné­ma­to­gra­phi­que en Afrique.

Quel sera donc l’avenir du cinéma en Afrique ? Un conti­nent où tout manque, entre autres le marché de l’impor­ta­tion et de la dis­tri­bu­tion, les réseaux d’exploi­ta­tion de films, de véri­ta­bles lois pro­tec­tion­nis­tes, les infra­struc­tu­res tech­ni­ques, la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle...

De ce cons­tat, quel­les stra­té­gies, l’Afrique doit-elle décou­vrir pour le déve­lop­pe­ment de son indus­trie ciné­ma­to­gra­phi­que ? C’est la ques­tion à laquelle, notre pays, pour l’exem­ple qu’il avait été dans l’échiquier ciné­ma­to­gra­phi­que afri­cain, et l’enga­ge­ment que le gou­ver­ne­ment a pris ces der­niè­res temps pour relan­cer la ciné­ma­to­gra­phie natio­nale, doit réel­le­ment se pen­cher et élaborer des stra­té­gies adap­tées au contexte dans lequel il évolue, afin de servir une fois encore d’exem­ple dans la créa­tion et le déve­lop­pe­ment de l’indus­trie ciné­ma­to­gra­phi­que en Afrique

Ousmane Ilbo Mahamane
Niger

  • Le 29 octobre 2011 à 20:38, par gbelia sery

    tout d’abor cela part d’1 perte de confiance provoquer par nos devancier face aux autorités car l’argent avalisé par les politiques pour les premières productions a été mal utilisé en cote d’ivoire sinon les mecènes avait suivi en contruisant les salles mais les productions nationale flanche (mauvais scenario,acteur limite) resultat les films etrangers domine jusqu’a l’arrivé de la video qui confirme la mort du système mais les mecènes loue leur salle aux religieux.bisness oblige

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