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Conférence de presse du Fespaco 2007 à Paris
Publié le : vendredi 5 janvier 2007






Le 24 jan­vier passé, les orga­ni­sa­teurs du Fespaco ont invité la presse et les pro­fes­sion­nels du cinéma à une Conférence de presse à Paris. Morceaux choi­sis.

Le public : Est-ce que cette diver­sité cultu­relle peut contri­buer à ce que la jeu­nesse retrouve enfin son sens de la dignité et sur­tout son sens de l’effi­ca­cité en matière de déve­lop­pe­ment ? Je consi­dère que quand un conti­nent laisse fuir sa jeu­nesse et bien c’est le com­men­ce­ment du Chaos. Je pense que le Fespaco et le SIAO contri­bue à ce que de jeunes artis­tes talen­tueux res­tent au Burkina Faso, res­tent en Guinée, res­tent à Bamako…

Baba Hama (B.H.) : Le Fespaco est avant tout un événement cultu­rel impor­tant. Je suis convaincu que la culture est un sec­teur qui, s’il était mieux déve­loppé, four­ni­rait du tra­vail à la jeu­nesse. Si l’on prend le seul exem­ple du cinéma, compte tenu tous les corps de métier qui concou­rent à faire des films, sur toute la chaîne : comé­diens, réa­li­sa­teurs, tech­ni­ciens, exploi­tants etc… je crois que si l’on réus­sit à mettre en place une réelle indus­trie ciné­ma­to­gra­phi­que, cela offrira autant d’oppor­tu­ni­tés pour embau­cher des jeunes et peut-être aussi réduire cette pro­pen­sion à aller cher­cher du tra­vail ailleurs. Il en est de même pour le CIAO dans le sec­teur de l’arti­sa­nat. Dans les pays sub­sa­ha­riens, après les trois mois de pluie, que font les popu­la­tions ? Elles font de l’arti­sa­nat. Il y a de nom­breux tis­se­rands, potiers, cor­don­niers… Tous ces corps de métiers, s’ils étaient davan­tage valo­ri­sée, davan­tage sou­te­nus, occu­pe­raient mieux nos popu­la­tions et par­ti­cu­liè­re­ment les jeunes. Cela les aide­rait à rester sur place.

Vous avez parlé d’une sélec­tion qui avait vu arri­ver lors de l’année 2006 plus de 500 films. Je vou­drais savoir sur ces 500 films com­bien il y avait de longs métra­ges car je cons­tate qu’il n’y a seu­le­ment dans cette édition que 20 longs métra­ges en com­pé­ti­tion, ce qui n’et pas une mau­vaise chose de mon point de vue car cela permet de voir tous les films. Et puis je suis un peu étonnée que pour le prix Paul Robeson il n’y ait que 7 films en com­pé­ti­tion. Je vou­drais savoir s’il s’agit d’un défi­cit d’infor­ma­tions et de com­mu­ni­ca­tion de votre part ou si vous avez des films qui sont arri­vés après la dead­line ?

B.H. : Les vingt films, c’est uni­que­ment pour la com­pé­ti­tion Long-Métrage. Vous savez mieux que moi que dans la plu­part des fes­ti­vals, les jurys deman­dent dix à douze films. C’est un fes­ti­val qui se déroule pen­dant seu­le­ment 8 jours, voir 20 films c’est déjà beau­coup de tra­vail. Il a fallu vrai­ment faire une réelle sélec­tion. Une sélec­tion c’est tou­jours un choix, et nous devons l’assu­mer, mais il a fallu pro­po­ser au jury Long Métrage un nombre limité de fic­tions.

C’est la même chose en ce qui concerne le prix Paul Robeson (Prix de la Diaspora). On a eu vrai­ment beau­coup de pro­po­si­tions mais on a « serré », pour ne pas trop sur­char­ger le jury, qui est en réa­lité le même jury que pour la sélec­tion Long-Métrage. Ce n’est donc pas 20 mais bien 27 films que devront voir les mem­bres du jury. Cette dure sélec­tion nous a d’ailleurs ins­piré une réflexion pour les éditions à venir, qui consis­te­rait à créer un jury spé­cial pour le prix Paul Robeson, de même que pour les films docu­men­tai­res. C’est une chose qui devra se faire par étapes, car plus vous com­po­sez de jurys et plus il y a de monde à gérer. En l’état actuel des choses, l’ensem­ble des trois jurys offi­ciels que nous avons repré­sente 17 per­son­nes. Il y a donc des évolutions en pers­pec­tive. La rudesse de la sélec­tion n’a rien à voir avec un pro­blème de com­mu­ni­ca­tion, même s’il reste vrai que la liai­son entre Ougadougou et les autres régions n’est pas chose facile.

J’ai été intri­gué par le thème « diver­sité cultu­relle ». Si on a bien suivi, la spé­ci­fi­cité du Fespaco c’est bien la spé­ci­fi­cité cultu­relle, même si c’est sous-entendu c’est vrai­ment le trait par­ti­cu­lier du Fespaco ; pour­quoi atten­dre cette 20ème édition pour sou­li­gner cette diver­sité cultu­relle, dire Fespaco et diver­sité cultu­relle, c’est qua­si­ment un pléo­nasme ?

B.H. : Pléonasme ? Quelqu’un m’a dit un jour que la répé­ti­tion était péda­go­gi­que !

Etant donné que le Fespaco est le fes­ti­val du cinéma de l’ensem­ble du conti­nent afri­cain, com­ment se fait-il que les films sélec­tion­nés dis­po­sent d’aussi peu de visi­bi­lité en France et en Europe en géné­ral ? Il s’agit quand même d’une indus­trie qui requiert des moyens impor­tants, et Dieu sait que les pro­duc­teurs, scé­na­ris­tes, et l’ensem­ble des corps de métiers ont du mal à trou­ver les finan­ce­ments pour pou­voir pro­duire. Je vou­drais savoir ce que fait le Fespaco pour que l’ensem­ble des films qui sont primés, sinon rete­nus au Fespaco soient dif­fu­sés dans les salles euro­péen­nes et plus par­ti­cu­liè­re­ment Françaises ?

B.H. : Le fait d’avoir pu résis­ter pen­dant une qua­ran­taine d’années et d’avoir fait de l’orga­ni­sa­tion du fes­ti­val une struc­ture cré­di­ble est la raison pour laquelle on en attend beau­coup. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’un fes­ti­val est avant tout une occa­sion de mon­trer des films, et de per­met­tre à des dis­tri­bu­teurs de les pren­dre ensuite en charge, et de les remet­tre à des exploi­tants qui à leur tour vont les mon­trer en salle. Si vous deman­dez au Fespaco d’être à la fois fes­ti­val et struc­ture de dis­tri­bu­tion, nous devrons en rendre compte à nos auto­ri­tés, pour qu’elles aug­men­tent nos moyens, et revoir le statut même du Fespaco !

Bien sûr, nous sommes tout à fait dis­po­ni­ble à l’idée de pou­voir avoir cette influence. C’est un pro­blème de fond que vous avez posé. Ensemble nous devons mener la réflexion sur com­ment asseoir ce maillon man­quant de la chaîne qu’est la dis­tri­bu­tion, trou­ver de véri­ta­bles dis­tri­bu­teurs. Il y a déjà eu par le passé des ini­tia­ti­ves telles que « Africa cinéma » qui ont eu des résul­tats, mais qu’il a fallu sus­pen­dre à un moment donné pour reconsi­dé­rer l’ensem­ble du dis­po­si­tif. J’ai en des entre­tiens per­son­nel­le­ment avec un cer­tain nombre de par­te­nai­res impli­qués dans ce projet, et je peux vous assu­rer qu’il y aura une relance.

Voyez le Festival de Cannes : une semaine après Cannes, les films exis­tant déjà ailleurs, et je ne suis pas sûr que le res­pon­sa­ble du fes­ti­val était à la base de cette dis­tri­bu­tion. Je crois que cela manque sur notre conti­nent. Nous n’occultons pas le sujet, et nous vou­lons nous aussi appor­ter notre contri­bu­tion, mais cela ne peut être qu’une contri­bu­tion sur le plan de la réflexion.

Il y a eu des ini­tia­ti­ves qui ont été menées il y a deux ou trois ans avec l’appui d’un cer­tain nombre de par­te­nai­res qui nous ont permis de faire ce qu’on a appelé « la tour­née des films primés au Fespaco ». Mais si nous conti­nuons dans cette logi­que, nous tom­bons aussi dans ce qu’on appelle la « dif­fu­sion cultu­relle des films afri­cains ». C’est une méthode qui peut avoir des consé­quen­ces posi­ti­ves, mais je crois que si l’on veut asseoir une réelle indus­trie, il faut que l’on tra­vaille pro­fes­sion­nel­le­ment. Le fes­ti­val est prêt à faire des efforts dans ce sens, mais il faut que les uns et les autres des acteurs de la vie du cinéma afri­cain s’accor­dent pour tra­vailler ensem­ble de manière pro­fes­sion­nelle.

Le Fespaco est un des fes­ti­vals qui don­nent une image de cette diver­sité cultu­relle du cinéma Africain. Comment expli­quez-vous qu’il y ait un tel défi­cit d’image auprès du public en France – et il faut dire aussi que les confé­ren­ces de presse se tien­nent tou­jours à Paris- ? N’y a-t-il pas là un pro­blème notam­ment au niveau de l’image du fes­ti­val, de sa noto­riété ? N’y a-t-il pas à redire sur la dif­fu­sion vers le grand public de ces films qui pour­raient trou­ver un public ?

B.H. : Déficit d’image ? C’est un point de vue, il y en a d’autres. J’ai déjà entendu dire à l’inverse que le Fespaco était « vic­time de sa noto­riété » ! On nous avait demandé dans une inter­view sur RFI si le Fespaco n’allait pas être « une sorte d’alba­tros ». Vous voyez que les points de vue diver­gent !
Mais je vous prends au mot, c’est aussi à vous de relayer l’actua­lité du Fespaco et c’est la raison pour laquelle nous sommes tous ici ! Cela dit votre ques­tion sou­lève un com­men­taire inté­res­sant, c’est vrai qu’il n’y a pas que les pro­fes­sion­nels qui pour­raient avoir envie de se rendre au Fespaco et de décou­vrir le cinéma afri­cain. Avec tous les par­te­nai­res médias qui sont ici pré­sents, il nous appar­tient de faire en sorte que l’engoue­ment s’inten­si­fie

Sanvi Panou. Je me sens inter­pellé car nous nous bat­tons ici depuis 17 ans pour mettre en place une vitrine qui pro­pulse et ins­talle le cinéma afri­cain dans le marché fran­çais et euro­péen. A cet égard je rebon­dis sur ce qui vient d’être dit. Si le Fespaco n’est en effet pas une struc­ture de dis­tri­bu­tion, je pense que nous pour­rions réi­té­rer une expé­rience qui avait été faite avec le Fespaco. Nous avions fait en 1991 le « Fespaco à Paris », c’est une machine assez lourde à mettre en place, mais je pense que ce lieu « Images d’ailleurs [1] », que vous connais­sez peut dans un pre­mier temps expo­ser des films primés au cours de chaque édition afin que ces films puis­sent ren­contrer des pro­fes­sion­nels qui ne sont pas tous pré­sents au Fespaco. Ce genre d’ini­tia­ti­ves n’est-elle pas déjà une for­mi­da­ble mise en vitrine des décou­ver­tes du Fespaco ?

B.H. : Merci à Sanvi Panou pour cette contri­bu­tion, je n’ai pas de com­men­tai­res sup­plé­men­tai­res à faire. Nous sui­vons le tra­vail qui est fait à Images d’ailleurs. Rien n’est facile à faire, il faut que nous tra­vail­lions main dans la main, dans la com­plé­men­ta­rité pour que ce cinéma là puisse avoir sa place au soleil.

Est-ce que vous pouvez nous parler des évènements auquel le Fespaco est asso­cié comme la ren­contre juri­di­que autour des droits d’auteurs, l’édition des DVD et quel­les actions par­ti­cu­liè­res vont être déve­lop­pées sur le cinéma docu­men­taire ?

B.H. : Nous avons en effet le désir de célé­brer la diver­sité cultu­relle. Pour ce faire il y a les films, mais pas seu­le­ment, il y a aussi les dif­fé­ren­tes ren­contres pro­fes­sion­nel­les que nous orga­ni­sons et qui concou­rent à cela. C’est pour cela qu’on a parlé aussi d’un ate­lier sur les droits d’auteur qui sera orga­nisé à cet effet, car quand on aborde les ques­tions de pro­duc­tion, dis­tri­bu­tion etc… il y a quand même des ques­tions juri­di­ques qui sont impor­tan­tes.

L’édition des dix huit DVD des films ayant rem­porté l’étalon de Yenenga., en deux cof­frets de neuf DVD permet de donner une seconde vie à des films de qua­lité qui pour la plu­part ont été oubliés, et aussi de redon­ner goût au public du cinéma afri­cain à un autre mode de consom­ma­tion de nos film grâce au sup­port DVD. C’est une manière qui nous paraît per­ti­nente de pro­mou­voir ces films qui ont fait la gloire du cinéma afri­cain. Il est prévu une table ronde sur les archi­ves de film. Vous savez qu’il est de plus en plus ques­tion de numé­ri­ser les archi­ves de films. A cette occa­sion, en par­te­na­riat avec le MAE seront invi­tés une dou­zaine de res­pon­sa­bles de ciné­ma­thè­que ou d’archi­ves de film pour réflé­chir sur les stra­té­gies à mettre en œuvre pour conser­ver dans de meilleu­res condi­tions ces archi­ves-là. Le sup­port numé­ri­que de ce point de vue donne de bien meilleu­res pos­si­bi­li­tés aux cher­cheurs, aux étudiants, d’avoir un accès direct et de mani­pu­ler plus fré­quem­ment ces films, toutes choses qui demeu­raient impos­si­bles si ces films res­taient exclu­si­ve­ment sur sup­port pel­li­cule.

Il y aura également un prix du docu­men­taire car nous sou­hai­tions que cette créa­tion ne soient pas noyée dans le pal­ma­rès, mais il est bon de sou­li­gner qu’il n’y aura pas que la sélec­tion, mais également le « Côté Doc » du Fespaco, orga­nisé par des pro­fes­sion­nels regrou­pés en asso­cia­tion, qui orga­ni­sera des pro­jec­tions de films dou­blées de débats sur les films.

J’en pro­fite pour parler aussi de la semaine des réa­li­sa­teurs, orga­ni­sée pen­dant le Fespaco par la Guilde des réa­li­sa­teurs [2]. Tout cela concourt à enri­chir le pro­gramme du fes­ti­val. Nous, en tant qu’orga­ni­sa­teurs du fes­ti­val, nous nous réjouis­sons de cons­ta­ter que les pro­fes­sion­nels sont de plus en plus por­teurs de pro­jets pen­dant le fes­ti­val. Cela est impor­tant, et per­met­tra au fes­ti­val de se recen­trer davan­tage sur son pro­gramme spé­ci­fi­que, et à l’ensem­ble des pro­fes­sion­nels d’inter­ve­nir uti­le­ment.

Plus qu’une ques­tion, c’est une sug­ges­tion que je vou­drais faire par rap­port à la ques­tion de la dif­fu­sion du cinéma afri­cain. Pourquoi ne pas créer un comité indé­pen­dant du Fespaco qui puisse repré­sen­ter les films, notam­ment les étalons et aussi un cer­tain nombre d’autres films sur les grands mar­chés du cinéma dans le monde ? C’est une sélec­tion à faire pour repré­sen­ter le cinéma, comme Unifrance [3] le fait ici quand il s’agit de défen­dre les films fran­çais.

B.H. : C’est un com­men­taire inté­res­sant. Nous sommes prêts à tra­vailler dans un sens qui rende pos­si­ble la mise en place d’un tel projet. C’est une entre­prise de longue haleine. Je dois dire que dans le cadre du Marché International du Cinéma et de la télé­vi­sion Africains (MICA) le projet est déjà en ges­ta­tion de faire en sorte que le MICA puisse repré­sen­ter les pro­duc­tions afri­cai­nes sur les grands mar­chés du cinéma tels qu’au fes­ti­val de Cannes etc, etc… C’est une ques­tion de moyens, mais nous pen­sons que compte tenu des condi­tions de pro­duc­tion du cinéma afri­cain, compte-tenu du fait que tous les pro­duc­teurs afri­cains ne peu­vent pas aller repré­sen­ter leurs pro­duc­tions sur les grands mar­chés un peu par­tout, il semble inté­res­sant que le MICA puisse pren­dre le relais pour assu­rer une pré­sence de ces pro­duc­tions sur les grands mar­chés inter­na­tio­naux. Nous appe­lons donc les pro­duc­teurs, réa­li­sa­teurs, auteurs du cinéma afri­cain à donner au MICA l’auto­ri­sa­tion de les repré­sen­ter pour que ce projet puisse très pro­chai­ne­ment se réa­li­ser.

Propos recueillis par B. Tiprez (Clap Noir)

[1] Salle de cinéma pari­sienne indé­pen­dante pro­gram­mant un grand nombre de films étrangers peu dis­tri­bués dans les réseaux habi­tuels.

[2] La Guilde Africaine des Réalisateurs Producteurs est une orga­ni­sa­tion basée à Paris ini­tiée par des cinéas­tes afri­cains.

[3] Organisme en charge de la dif­fu­sion du cinéma fran­çais à l’étranger. www.uni­france.org.

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