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Min Yé de Souleymane Cissé
Publié le : lundi 30 juillet 2012
Résistances 2012

Quatorze ans après Waati (Le Temps), sorti en 1995, Souleymane Cissé revient aux affai­res en 2009 avec Min Yé (Dis moi qui tu es) . Le film est pré­senté la même année dans des hôtels de Bamako, au fes­ti­val de Cannes, au New York Film fes­ti­val, et au London Film Festival et n’est tou­jours pas dis­tri­bué en France, ni en Afrique d’ailleurs.
Une longue période pen­dant laquelle le réa­li­sa­teur a créé l’UCECAO (Union des Créateurs et Entrepreneurs de Cinéma et d’Audiovisuel de l’Afrique de l’Ouest) et œuvré de toutes ses forces pour l’émergence d’un nou­veau cinéma afri­cain.
A la ques­tion : quel film aujourd’hui pour l’Afrique ? Souleymane pro­pose une réponse, c’est Min Yé. Si, comme il se dit, les réa­li­sa­teurs afri­cains, pro­duits par les gui­chets du nord, ont fait les films que les blancs atten­daient, Min Yé en est l’inverse démons­tra­tion et sur­prend son monde ... Souleymane Cissé s’atta­que à un sujet brû­lant dans la société malienne : la poly­ga­mie. Il le fait sous forme de comé­die .
A l’ori­gine, Min Yé, était des­tiné à être une série télé et en reprend les codes. Le per­son­nage prin­ci­pal, Mimi, solide pivot de l’action, est inter­prété par Sokona Gakou, jour­na­liste et très fameuse pré­sen­ta­trice du petit écran, enfin, les plus grands musi­ciens maliens sont invi­tés dans la bande son. Au pre­mier degré, il faut reconnaî­tre que Souleymane Cissé cible son public ...
La flam­boyante Mimi, qua­dra­gé­naire, méde­cin dans une orga­ni­sa­tion gou­ver­ne­men­tale, est mariée à Issa, réa­li­sa­teur de films (tiens !) qui a conjoin­te­ment une épouse plus jeune et un enfant de celle-ci. Mimi file le par­fait amour avec Abba, gros­siste en pois­sons, lui même pourvu de deux épouses.

Milieu bour­geois, luxe à tous les étages, soucis de riches...et situa­tions vau­de­vil­les­ques. En contre­point, l’’amour tente de s’épanouir dans la nature, au bord de l’eau. Ce qui nous vaut les plus belles scènes du film. Derrière les ges­ti­cu­la­tions, se mène un combat de dupes. Au Mali, l’indé­pen­dance finan­cière d’une femme ne la pro­tège ni de la vin­dicte publi­que, ni des dégâts de l’hypo­cri­sie, ni de la cor­rup­tion des juges. Pas touche à la société des hommes ! Mimi qui veut vivre libre­ment son amour avec Abba, n’est que ridi­cule ; en porte à faux entre deux cultu­res, la sienne dont elle veut se libé­rer, et l’occi­den­tale, dont elle n’a pas les clés : elle se débat en toute mau­vaise foi, entre le statut de femme libre et celui de reine de la maison.
Sokona Gakou porte le rôle avec pana­che. Costumière, elle s’est offert un fes­ti­val de tenues extra­va­gan­tes . Autour d’elle, de son mari insai­sis­sa­ble mais néan­moins jaloux, de son amou­reux un peu lâche, s’agite, étrangement éloigné du monde du tra­vail, le petit monde codi­fié de la sitcom..Seul, le per­son­nage de Mimi est tra­vaillé en pro­fon­deur . Apparemment forte et rebelle, elle cumule des traits contra­dic­toi­res : naïve et rouée, flam­boyante et fra­gile, roman­ti­que et inté­res­sée. Les péri­pé­ties de son combat dévoi­lent une société gan­gre­née par de pares­seux arran­ge­ments...
Nul doute qu’à Bamako, on se soit tapé sur les cuis­ses en sui­vant les tru­cu­len­tes aven­tu­res de nos héros de proxi­mité. Il n’empê­che que, sous l’habillage new look, on retrouve les inter­ro­ga­tions de Souleymane Cissé, témoin de son temps, de son pays, de sa culture. Où va cette société ? Vers quels len­de­mains ? Pourra-telle tou­jours se res­sour­cer auprès de cette nature somp­tueu­se­ment filmée ? C’est alors que le titre : Min Yé, « Dis moi qui tu es » semble livrer son secret...

Michèle Solle
Foix juillet 2012

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