Lussas 2011
Le film de Mamounata Nikiema s’inscrit dans la collection Lumières d’Afrique, qui rassemble depuis quelques années le fruit du travail mené au sein du réseau Africadoc, dont l’origine est à Lussas, ce qui explique que cette année en matière d’Afrique, beaucoup des films proposés étaient réalisés et produits par des Africains, souvent de jeunes cinéastes issus du Master de documentaire de création de Saint Louis, au Sénégal.
La plupart des films montrés sont de bonne facture et dépeignent l’Afrique à travers ses sujets classiques : l’enfance est très présente, à travers un film sur les talibés du Sénégal, S’il plaît à Dieu de Abbas Thior. La violence du traitement de ces petits mendiants par les marabouts choque le public lussassien à une heure matinale. Ce jour-là, les questions de la salle ne portent pas sur le dispositif, la temporalité ou la mise en récit du film, débats habituels au spectateur de Lussas mais plutôt sur ce qui se passe : comment arrêter ce système injuste ? Que faire pour que ces enfants ne souffrent plus ?
Une journée avec...
Lui fait écho le film Bakoroman de Simplice Ganou, qui décrit la vie d’un groupe d’enfants des rues au Burkina. Tandis que la charmante collection Une journée avec... produit en collaboration avec Arte, décrit en dix épisodes la vie d’enfants africains. Beau et sans misérabilisme, le court-métrage de Teboho Edkins, jeune Sud-Africain déjà rencontré au Fespaco avec son film précédent (Ask me, I’m positive, Fespaco 2005), dont le thème était déjà la lutte contre le Sida, conte l’histoire d’une jeune femme atteinte du Sida qui met au monde son deuxième enfant, après la mort du premier. Son visage s’éclaire lorsqu’elle apprend que l’enfant n’est pas séropositif.
On retrouve ici aussi le film de Sani Magori Koukan Kourcia, road movie familial et artistique, découvert au Fespaco (voir la critique de Clap Noir) et le portrait distancié d’une équipe de footballeuses congolaises, Les déesses du stade, par Delphe Kifouani.
Bakoroman
Seul problème de la sélection Afrique : aucun des réalisateurs n’était présent, faute de visa. L’un d’entre eux, Simplice Ganou, réalisateur du film Bakoroman, a écrit une lettre, lue par son producteur, Camille Plagnet :
... J’ai eu beaucoup de chance de rencontrer des gens qui m’ont fait confiance, qui m’ont accompagné et formé dans mon choix de contribuer à partager des moments de vie de jeunes Africains au monde. Je ne puis malheureusement pas être physiquement parmi vous, parce que mes origines géographiques font de moi un migrant potentiel dans votre beau pays. C’est vrai, nombreux sont mes frères à vouloir partir de l’autre côté de l’Atlantique ! C’est aussi vrai que les formalités administratives et l’accueil dans les ambassades entretiennent et bâtissent le mythe de l’Eldorado. Comme on dit chez nous : "c’est quel pays, où l’on est capable de dépenser 30 euros par jour tandis que les chiffres des Nations Unies donnent aux Burkinabés moins d’un dollar par personne par jour ?" Jusqu’ici, nous, jeunes Burkinabés, proposons, mais le sarkozisme dispose. Jusqu’à quand ? Jusqu’à ce qu’ils aient encore besoin de nous pour "tirer ailleurs" ?! Nous proposerons, parce que nous y croyons : "L’Afrique, c’est le futur." Futur simple, composé ou futur du subjonctif ? Nous le ferons.
Caroline Pochon
Clap Noir
Association Clap Noir
18, rue de Vincennes
93100 Montreuil - France