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Bekolo : « Il ne faut pas qu’on continue à penser que l’Afrique est handicapée techniquement »
Publié le : vendredi 8 novembre 2013
Atelier de formation en postproduction au Cameroun

L’Institut Goethe et l’université de Yaoundé1 forment en postproduction

Une qua­ran­taine d’étudiants de l’uni­ver­sité de Yaoundé1 (UY1), du Centre de for­ma­tion pro­fes­sion­nel de l’audio­vi­suel de Yaoundé (Cfpa) et de l’Institut supé­rieur de for­ma­tion aux métiers de l’audio­vi­suel et du cinéma (Iscac), ont suivi une for­ma­tion en post­pro­duc­tion du 28 octo­bre au 8 novem­bre 2013. L’ate­lier est orga­nisé par l’uni­ver­sité de Yaoundé1, en par­te­na­riat avec l’Institut Goethe, le Conseil inter­na­tio­nal des radios-télé­vi­sions d’expres­sion fran­çaise (Cirtef) et l’Université de Bayreuth.
Arpad Bondy, pro­duc­teur, réa­li­sa­teur, auteur-com­po­si­teur et mon­teur est le prin­ci­pal ani­ma­teur assisté d’Hubert Atangana, mon­teur et réa­li­sa­teur, res­pon­sa­ble du Cirtef pour l’Afrique cen­trale. « le but recher­ché n’est pas déjà d’en faire des mon­teurs, mixeurs et autres. Je pense qu’il faut créer le déclic, quel­que chose qui vous booste, qui vous amène à aimer et à com­pren­dre. Il est donc ques­tion d’allu­mer le feu des pas­sions et for­cé­ment des métiers pour le cinéma came­rou­nais » pré­cise Hubert Hatangana. L’ate­lier sera également animé par Eustache Omondo, mon­teur à la Crtv, la télé­vi­sion natio­nale came­rou­naise et le cinéaste Jean-Pierre Bekolo. Ce der­nier sou­li­gne l’urgence d’insis­ter sur la post­pro­duc­tion au Cameroun et en Afrique.

Entretien avec Jean-Pierre Bekolo

Quelles sont les lacu­nes rela­ti­ves à la fina­li­sa­tion d’un film au Cameroun ?

Il faut savoir que la nais­sance du cinéma afri­cain en tant qu’indus­trie, on la doit à ATRIA, cette struc­ture créée par Andrée Daventure, suite à la fer­me­ture du bureau de post­pro­duc­tion du minis­tère fran­çais des Affaires étrangères ; où Dikonguè Pipa a monté par exem­ple Muna Moto. Donc, il faut savoir que la post­pro­duc­tion est his­to­ri­que­ment ce qui a créé le cinéma afri­cain en tant qu’indus­trie. Je pense que jusqu’à pré­sent tous les pro­jets ciné­ma­to­gra­phi­ques très impor­tants sont allés se ter­mi­ner en Europe. C’est le cas avec tous les anciens Arthur Sibita, Dikonguè Pipa, Bassek ba Kobhio, y com­pris moi-même. Cette plate forme a accueilli plu­sieurs cinéas­tes afri­cains pour ter­mi­ner leurs films. Terminer veut dire res­pec­ter les normes. Sur le plan esthé­ti­que, trou­ver un visuel qui n’est pas très décalé avec le niveau inter­na­tio­nal actuel. Bon, aujourd’hui ATRIA a fermé, Andrée Daventure a pris de l’âge, même à 80 ans elle conti­nue de tra­vailler.

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Jean-Pierre Bekolo © JPBekolo

Ce qui est étonnant c’est que jusqu’à aujourd’hui nous sen­tons encore du vide, l’absence d’une plate-forme de post­pro­duc­tion où on peut résou­dre les pro­blè­mes tech­ni­ques. Il ne faut pas qu’on continu à penser que l’Afrique est han­di­ca­pée tech­ni­que­ment, alors qu’on voit tous les jeunes qui mai­tri­sent les der­niers logi­ciels et l’infor­ma­ti­que par­fois mieux qu’en occi­dent. Le fait est qu’on est face à un aban­don, il n’y a pas de struc­ture pensé pour regrou­per tous ces jeunes qui sont un peu livrés à eux-mêmes. Il y a les écoles qui par­fois aussi pêchent à ne pas insis­ter sur la fini­tion. C’est-à-dire qu’on forme sur­tout des réa­li­sa­teurs, mais pas des tech­ni­ciens qui sont capa­bles de maî­tri­ser un studio de pro­duc­tion aussi bien dans son ins­tal­la­tion que dans sa main­te­nance, la mise à jour des logi­ciels, la capa­cité vrai­ment à aider quelqu’un à finir un film. D’abord il y a peu de gens qui savent com­ment on finit un film. Ils regar­dent les films à la télé, mais ils ne savent pas quels sont les pro­ces­sus pour mener un film à son terme.

Quelle pos­ture adop­ter selon-vous ?

Je me suis dit que c’est un schéma quel­que part qu’il fau­drait inver­ser. Ce n’est pas normal qu’en 2013, on se retrouve tou­jours à aller ter­mi­ner nos films en Europe. C’est un défi­cit tech­ni­que, tech­no­lo­gi­que qu’il faut com­bler. A l’époque, on pou­vait encore évoquer le coût du maté­riel, aujourd’hui avec le numé­ri­que, avec les logi­ciels, on a beau­coup de jeunes qui se débrouillent dans les quar­tiers et qui sont tech­ni­que­ment au point. Sauf que par­fois ils ne sont pas au fait des pra­ti­ques pro­fes­sion­nel­les, à savoir com­ment on fini pro­pre­ment un film ? quel­les sont les normes au jour d’aujourd’hui aussi bien sur le plan esthé­ti­que que sur le plan pure­ment tech­ni­que (son et image) ? J’ai pensé qu’il était impor­tant d’insis­ter sur la fini­tion, pour que tous ces gens qui vont à l’étranger n’aient plus à partir. Personnellement, mon rêve est qu’on déve­loppe un pôle post­pro­duc­tion qui soit le meilleur en Afrique. C’est pour cela que quand j’ai ren­contré Arpad Bondy, j’ai vu le nombre de choses qu’il savait faire. Il est aussi bien artiste, cinéaste, tech­ni­cien (son, mon­tage) en même temps qu’il maî­trise et gère des stu­dios. C’est vrai que les Allemands sont répu­tés pour avoir une dimen­sion tech­ni­que très forte. Une per­sonne pareille si on la met ici pour ne donner que 10% de ce qu’il sait faire, ça pourra chan­ger l’envi­ron­ne­ment local. Donc, je suis heu­reux que l’Institut Goethe ait appuyé cette ini­tia­tive.

Vous êtes l’un des enca­dreurs du projet Cinécole de l’Université de Yaoundé1, où en est la phase pra­ti­que qui incluait le tour­nage d’une télé­réa­lité ?

On a qua­si­ment ter­miné. Le pro­ces­sus de cours est ter­miné, ainsi que celui de suivre les étudiants dans leurs réa­li­sa­tions. On a fait le cycle com­plet, jusqu’au mon­tage des films des étudiants, parce que en même temps qu’ils tra­vaillaient on les fil­mait. La seule chose main­te­nant qu’il faut faire, c’est de fina­li­ser le mon­tage de cette télé­réa­lité. Maintenant il faut faire l’assem­blage de tous ces éléments. Le pro­ces­sus est là et il a été monté à 80%.

Propos recueillis par Pélagie Ng’onana

Crédits photos
- Les étudiants de l’ate­lier © Pélagie Ng’onana
- Jean-Pierre Békolo © JPBekolo

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