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Véronique Joo’Aisenberg : « Le nombre de films diffusés par la Cinémathèque Afrique augmente chaque année »
Publié le : mardi 26 avril 2011

Depuis janvier 2010, Véronique Joo’Aisenberg a pris la suite de Jeanick Le Naour au sein de la Cinémathèque Afrique de l’Institut Français (ex-CulturesFrance). Pour l’ancienne coordinatrice des Rencontres Photographiques de Bamako qui a grandi au Niger avec les films de Jean Rouch et d’Oumarou Ganda, augmenter la visibilité des actions de la Cinémathèque Afrique est un nouveau défi. Elle revient pour nous sur l’organisation de cet opérateur culturel du Ministère des Affaires Étrangères français ainsi que sur la diffusion des films africains de la Cinémathèque.

CulturesFrance a récem­ment été rebap­tisé Institut Français [1]. Pouvez-vous nous dire pour­quoi ?
Véronique Joo’Aisenberg : L’Institut Français a changé de nom parce qu’il a changé de statut. CulturesFrance était une asso­cia­tion née en 1929 qui était assez com­plexe mais qui per­met­tait de gérer des cré­dits de façon beau­coup plus souple qu’un minis­tère. Depuis les années 1990, les poli­ti­ques sou­hai­taient chan­ger son statut pour élargir son péri­mè­tre d’action et ren­for­cer ses moyens. Après plu­sieurs recher­ches, c’est le statut d’Établissement Public à carac­tère Industriel et Commercial (EPIC) - déjà uti­lisé par La Villette ou le Centre Georges Pompidou - qui a été retenu. Cette réforme pré­voit aussi que l’Institut Français fusionne avec les struc­tu­res cultu­rel­les des mis­sions diplo­ma­ti­ques fran­çai­ses à l’étranger telles que les cen­tres cultu­rels, les ser­vi­ces d’action cultu­relle, etc. Une partie du réseau fusion­nera cette année, les autres établissements d’ici trois ans.

Quelles sont les prin­ci­pa­les mis­sions de la Cinémathèque Afrique ?
Véronique Joo’Aisenberg : La Cinémathèque Afrique est une col­lec­tion de films afri­cains qui date des années 1960 et qui compte aujourd’hui près de 1550 titres. Nos prin­ci­pa­les mis­sions sont l’archi­vage, la conser­va­tion, la numé­ri­sa­tion, la dif­fu­sion non-com­mer­ciale des œuvres. Nous déve­lop­pons également une pro­gram­ma­tion à raison d’une offre de 2 pro­gram­mes ou rétros­pec­ti­ves par an. Cette année nous pour­sui­vons la cir­cu­la­tion d’un pro­gramme sur les Indépendances afri­cai­nes qui a été lancé en 2010 et qui répond à une demande impor­tante du monde entier. Une rétros­pec­tive de 5 films consa­crée à Sotigui Kouyaté sera bien­tôt dis­po­ni­ble. Nous sou­te­nons également des fes­ti­vals lors­que leur pro­gram­ma­tion est en lien avec l’acti­vité de la Cinémathèque Afrique.

L’Institut Français s’asso­cie cette année aux 6e Rencontres du Film Court de Madagascar. Quelles sont vos actions et votre marge de manœu­vre ?
Véronique Joo’Aisenberg :
Notre pre­mière action est de pro­po­ser une pro­gram­ma­tion de films dont nous avons acquis les droits à la Cinémathèque Afrique, ciblée sur le court-métrage, afin de mon­trer au public mal­ga­che des œuvres dif­fé­ren­tes de jeunes ou de moins jeunes auteurs du conti­nent. Nous par­ti­ci­pons aussi à l’invi­ta­tion de pro­fes­sion­nels comme Gaston Kaboré et Abdelkrim Bahloul qui vont animer des ate­liers [ndlr de réa­li­sa­tion et d’écriture de scé­na­rio] ce qui pourra je pense être très enri­chis­sant pour les jeunes géné­ra­tions à Madagascar.

A com­bien de fes­ti­vals l’Institut Français s’asso­cie-t-il ?
Véronique Joo’Aisenberg :
Cela se fait au coup par coup. Depuis un an nous avons sou­tenu entre autres, les Journées Cinématographiques de la Femme et de l’Image à Ouagadougou par l’invi­ta­tion de 3 réa­li­sa­tri­ces et le prêt de films, nous avons sou­tenu la venue de quel­ques réa­li­sa­teurs invi­tés au Bénin dans le cadre de la pro­gram­ma­tion du fes­ti­val Quintessence de Ouidah. En ce moment nous sou­te­nons les RFC de Madagascar et nous avons également sou­tenu un fes­ti­val très dyna­mi­que en Éthiopie, Images that Matter, qui a été une grande réus­site. Par ailleurs, le dépar­te­ment Cinéma invite également les délé­ga­tions des pays du Sud au Pavillon Les ciné­mas du monde dont il est l’orga­ni­sa­teur durant le Festival de Cannes afin de favo­ri­ser la ren­contre des pro­fes­sion­nels, d’aider les pro­fes­sion­nels à pré­sen­ter leurs films au Marché et à la Quinzaine des Réalisateurs, ce qui cor­res­pond à la pro­mo­tion de leur tra­vail.

Le thème du der­nier Fespaco était « Cinéma et mar­chés ». Selon vous, en quoi l’Institut Français peut par­ti­ci­per à la mise en marché des films afri­cains si son fonds n’est dif­fu­sa­ble que dans un cadre non-com­mer­cial ?
Véronique Joo’Aisenberg :
Le sec­teur de la dif­fu­sion est dif­fi­ci­le­ment per­cep­ti­ble dans le cinéma afri­cain puisqu’il n’est pas struc­turé comme dans d’autres pays. Il n’y a pas vrai­ment de réseau de dis­tri­bu­tion donc il est vrai que la Cinémathèque Afrique joue un peu le rôle de dis­tri­bu­teur. Bien sou­vent, les copies sont introu­va­bles en dehors de la Cinémathèque. Je parle sur­tout des films anciens puis­que les jeunes géné­ra­tions trou­vent en géné­ral des dif­fu­seurs. Cette action de dif­fu­sion permet donc une vitrine à l’inter­na­tio­nal mais ne contri­bue pas à la mise en marché.

Est-il envi­sa­gea­ble que les cof­frets non-com­mer­ciaux qu’édite l’Institut Français tel que celui des étalons de Yennenga puis­sent être mis en vente dans le com­merce, d’une part pour les ciné­phi­les qui aime­rait y avoir accès et d’autre part pour que les pro­duc­teurs tou­chent des droits sur ces films ?
Véronique Joo’Aisenberg :
Oui, mais pour y arri­ver, il faut inves­tir beau­coup plus donc trou­ver des par­te­nai­res qui soient inté­res­sés. J’espère que nous y vien­drons dans les années à venir parce qu’il n’y a rien de plus frus­trant que de ne pas pou­voir se pro­cu­rer ces films. Ne serait-ce que les cof­frets des étalons de Yennenga, c’est incroya­ble ! Les gens sont frus­trés. Ce sont quand même de grands films, c’est le patri­moine, l’Histoire. Et cela per­met­trait à terme d’avoir une source de reve­nus pour les créa­teurs qui par­tent quand même sou­vent de rien.

Lors d’une inter­view accor­dée à notre confrère Olivier Barlet sur Africultures, Mahamat-Saleh Haroun a regretté que la France, prin­ci­pal finan­ceur des ciné­mas d’Afrique, n’ait pas un grand fes­ti­val de cinéma afri­cain de poids sur son ter­ri­toire. Que répon­dez-vous à cela ?
Véronique Joo’Aisenberg :
Notre mis­sion se situe essen­tiel­le­ment à l’inter­na­tio­nal. Mais je pense qu’en France, un grand Festival du film afri­cain aurait sa place compte tenu du nombre de fes­ti­vals qui pro­gram­ment des films afri­cains et du nombre d’ins­crits à la Cinémathèque Afrique qui emprun­tent des films afri­cains [ndlr près de 3000 emprun­teurs dont 2500 fran­çais]. Le nombre de films dif­fu­sés par la Cinémathèque aug­mente chaque année. C’est bien la preuve que les gens s’y inté­res­sent. Je suis donc convain­cue que le public serait au rendez-vous.

Propos recueillis par Claire Diao, mars 2011

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