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Portraits - 2
Publié le : mercredi 18 avril 2012
Rencontres sous la tente 2012







Sally et ses élèves

Planquée sous son cha­peau, tou­jours accom­pa­gnée de quel­ques étudiants, et com­men­tant la situa­tion de son accent ini­mi­ta­ble, « Madame » ne passe pas ina­per­çue. « Vous ne vous pro­té­gez pas avec ce soleil ? » Américaine de la côte Est, elle pré­pare une maî­trise d’his­toire de l’art à New York lorsqu’elle décou­vre le Napoléon d’Abel Gance. « Le cinéma c’est de la pein­ture ! » et, la voilà qui atta­que une thèse de doc­to­rat sur Jean-Luc Godard : Peinture et Cinéma. Suivent dix ans à Paris pen­dant les­quels elle est tra­duc­trice aux Cahiers du Cinéma, et connaît tout le monde, of course...
Pas mal d’années et d’aven­tu­res plus tard, de retour au Vermont, elle entend parler de Ouarzazate. Où on la retrouve pen­dant deux ans, ini­tiant les étudiants de la Faculté Poly dis­ci­pli­naire à l’ana­lyse fil­mi­que. Autour d’elle, Khalid, Abdel et Jouad, ins­crits en pre­mière année de Techniques Cinéma audio­vi­suel­les, après un bac scien­ti­fi­que.

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Intarissable, elle conti­nue ses ensei­gne­ments devant le pla­teau des repas par­ta­gés sous la tente, et m’apos­tro­phe. « Quelle manie, chez vous, les fran­çais, de raconter des his­toi­res qui finis­sent mal ! Tiens par exem­ple, un film que j’ai beau­coup aimé, Welcome, ça lui aurait coûté plus cher à Philippe Lioret de le faire arri­ver en Angleterre son jeune ? Non, il a fallu qu’il le noie en pleine tra­ver­sée de la Manche ! Eh bien moi, qui suis accro à la culture du happy ending, je dis : sho­cking !

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Arouna, le musi­cien

Haute sil­houette, sou­rire éclatant et gui­tare en ban­dou­lière, Arouna Coulibaly vient repré­sen­ter la pro­mo­tion des vingt jeunes formés par Vivendi aux tech­ni­ques du son et de la vidéo ; mais pas d’école de cinéma, il n’y en a pas au Mali. Sorti ingé­nieur en juin der­nier, il a inté­gré le célè­bre studio Bogolan de Bamako, à plein temps…
Né à Ségou il y a trente deux ans, il a d’abord entre­pris puis aban­donné, au bout de quel­ques années, des études de phar­ma­cie, pour suivre le cursus du Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia de Bamako, option musi­que et, en cin­quième année, la spé­cia­li­sa­tion aux tech­ni­ques du son. Parallèlement, gui­ta­riste depuis tou­jours, il tour­nait avec son groupe, Ben Zabo et, déjà assis­tant des stu­dios d’enre­gis­tre­ment Bogolan, y avait côtoyé tout ce que la région compte de musi­ciens.
Ses pro­jets ? Travailler pour les stu­dios de télé­vi­sion, sortir son pre­mier disque avec son groupe et, faire connaî­tre son pays à Donna, venue de Beyrouth avec son film et qui ne le quitte plus depuis le pre­mier jour des Rencontres. ... On croise très fort les doigts pour eux !

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Silam, loin des stu­dios

C’est lui qui sert le thé au Café Glacier : « Juste pour donner un coup de main à Céline ». Sinon, sa vie, c’est le cinéma. C’était, plutôt. Après vingt cinq ans de fré­quen­ta­tion assi­due des stu­dios, il a dû s’en éloigner : il y a six ans, sa femme, partie s’embau­cher comme ouvrière agri­cole en Espagne pour trois mois, n’est plus reve­nue. Et il fal­lait bien s’occu­per des enfants. Un jour peut être, quand ils seront grands...
Originaire de Ouarzazate, il passe un diplôme de tailleur, et de tour­neur en méca­ni­que. Un jour, il ren­contre de joyeux ita­liens qui lui pro­po­sent de faire de la figu­ra­tion. Engagé par la régie, puis assis­tant, il fran­chit tous les échelons, se rend indis­pen­sa­ble, fait partie de l’équipe pla­teau, s’occupe des acteurs. Il apprend l’ita­lien, l’anglais, suit les tour­na­ges à Malte, en Tunisie.
« Le cinéma, c’est le meilleur métier du monde ! On voyage, on fait des ren­contres, on est bien payé, la rou­tine n’existe pas, sur le pla­teau, tout le monde n’a qu’un seul but : réus­sir le film ! » Il égrène les sou­ve­nirs : « Peter O’Toole, grand mon­sieur ! », « Brad Pitt, un ange ! » « Ben Kingsley, la classe impé­riale ! ». Il a été assis­tant caméra lors du tour­nage des 10 Commandements, s’est per­son­nel­le­ment occupé de Jamel Debbouze pen­dant le tour­nage de Mission Cléopâtre et salue l’élégance d’Alain Chabat, qui, sur le tour­nage, invi­tait les tech­ni­ciens à la table des vedet­tes. Il a tourné six fois l’his­toire de Saladin, avec des pro­duc­tions dif­fé­ren­tes. Il en aurait beau­coup à dire, mais reste dis­cret, nos­tal­gi­que.
« Je ne peux pas regar­der des films, j’ai perdu l’inno­cence du spec­ta­teur, je vois tous les défauts, je cri­ti­que l’éclairage, la place de la caméra... ». Il se force pour les enfants, mais rien ne l’inté­resse. Il sait tout faire, il survit en bri­co­lant. Silam comme un alba­tros posé sur le sable de Ouarzazate.

Michèle Solle
Avril 2012

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