Sally et ses élèves
Planquée sous son chapeau, toujours accompagnée de quelques étudiants, et commentant la situation de son accent inimitable, « Madame » ne passe pas inaperçue. « Vous ne vous protégez pas avec ce soleil ? » Américaine de la côte Est, elle prépare une maîtrise d’histoire de l’art à New York lorsqu’elle découvre le Napoléon d’Abel Gance. « Le cinéma c’est de la peinture ! » et, la voilà qui attaque une thèse de doctorat sur Jean-Luc Godard : Peinture et Cinéma. Suivent dix ans à Paris pendant lesquels elle est traductrice aux Cahiers du Cinéma, et connaît tout le monde, of course...
Pas mal d’années et d’aventures plus tard, de retour au Vermont, elle entend parler de Ouarzazate. Où on la retrouve pendant deux ans, initiant les étudiants de la Faculté Poly disciplinaire à l’analyse filmique. Autour d’elle, Khalid, Abdel et Jouad, inscrits en première année de Techniques Cinéma audiovisuelles, après un bac scientifique.
Intarissable, elle continue ses enseignements devant le plateau des repas partagés sous la tente, et m’apostrophe. « Quelle manie, chez vous, les français, de raconter des histoires qui finissent mal ! Tiens par exemple, un film que j’ai beaucoup aimé, Welcome, ça lui aurait coûté plus cher à Philippe Lioret de le faire arriver en Angleterre son jeune ? Non, il a fallu qu’il le noie en pleine traversée de la Manche ! Eh bien moi, qui suis accro à la culture du happy ending, je dis : shocking !
Arouna, le musicien
Haute silhouette, sourire éclatant et guitare en bandoulière, Arouna Coulibaly vient représenter la promotion des vingt jeunes formés par Vivendi aux techniques du son et de la vidéo ; mais pas d’école de cinéma, il n’y en a pas au Mali. Sorti ingénieur en juin dernier, il a intégré le célèbre studio Bogolan de Bamako, à plein temps…
Né à Ségou il y a trente deux ans, il a d’abord entrepris puis abandonné, au bout de quelques années, des études de pharmacie, pour suivre le cursus du Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia de Bamako, option musique et, en cinquième année, la spécialisation aux techniques du son. Parallèlement, guitariste depuis toujours, il tournait avec son groupe, Ben Zabo et, déjà assistant des studios d’enregistrement Bogolan, y avait côtoyé tout ce que la région compte de musiciens.
Ses projets ? Travailler pour les studios de télévision, sortir son premier disque avec son groupe et, faire connaître son pays à Donna, venue de Beyrouth avec son film et qui ne le quitte plus depuis le premier jour des Rencontres. ... On croise très fort les doigts pour eux !
Silam, loin des studios
C’est lui qui sert le thé au Café Glacier : « Juste pour donner un coup de main à Céline ». Sinon, sa vie, c’est le cinéma. C’était, plutôt. Après vingt cinq ans de fréquentation assidue des studios, il a dû s’en éloigner : il y a six ans, sa femme, partie s’embaucher comme ouvrière agricole en Espagne pour trois mois, n’est plus revenue. Et il fallait bien s’occuper des enfants. Un jour peut être, quand ils seront grands...
Originaire de Ouarzazate, il passe un diplôme de tailleur, et de tourneur en mécanique. Un jour, il rencontre de joyeux italiens qui lui proposent de faire de la figuration. Engagé par la régie, puis assistant, il franchit tous les échelons, se rend indispensable, fait partie de l’équipe plateau, s’occupe des acteurs. Il apprend l’italien, l’anglais, suit les tournages à Malte, en Tunisie.
« Le cinéma, c’est le meilleur métier du monde ! On voyage, on fait des rencontres, on est bien payé, la routine n’existe pas, sur le plateau, tout le monde n’a qu’un seul but : réussir le film ! » Il égrène les souvenirs : « Peter O’Toole, grand monsieur ! », « Brad Pitt, un ange ! » « Ben Kingsley, la classe impériale ! ». Il a été assistant caméra lors du tournage des 10 Commandements, s’est personnellement occupé de Jamel Debbouze pendant le tournage de Mission Cléopâtre et salue l’élégance d’Alain Chabat, qui, sur le tournage, invitait les techniciens à la table des vedettes. Il a tourné six fois l’histoire de Saladin, avec des productions différentes. Il en aurait beaucoup à dire, mais reste discret, nostalgique.
« Je ne peux pas regarder des films, j’ai perdu l’innocence du spectateur, je vois tous les défauts, je critique l’éclairage, la place de la caméra... ». Il se force pour les enfants, mais rien ne l’intéresse. Il sait tout faire, il survit en bricolant. Silam comme un albatros posé sur le sable de Ouarzazate.
Michèle Solle
Avril 2012
Clap Noir
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