On parle déjà de son film, Sderot, Last Exit, projeté la veille. La séance d’aujourd’hui promet de remplir la salle. Demain elle sera partie. Osvalde Lewat, invitée pour la première fois au FIPA à Biarritz découvre un festival de professionnels passionnés. Toutes les catégories de production télévisuelle y sont représentées et, pour son 25ème anniversaire, le festival a convoqué des jurys internationaux prestigieux. Sderot Last Exit concourt dans la catégorie, documentaires de création.
Rencontre avec la réalisatrice.
Comment avez vous connu le Sappir collège ?
Osvalde Lewat : Erez, le directeur artistique de l’école, avait vu mon film Histoire de Nègres et m’a invitée au Festival de Cinéma du Sud en juin 2009. Je n’en avais jamais entendu parler. Il m’a téléphoné, nous nous sommes rencontrés à Paris. En fait je suis restée 10 jours à Sdérot. Puis j’y suis revenue pour filmer. C’est Avner qui a créé la section cinéma du Sappir Collège. Il est ashkénaze, a grandi dans un kibboutz, en a souffert. Dans le film il explique qu’il l’a vécu comme un grand orphelinat, où il était plus que seul. Il fait partie de l’élite de la société . Erez, également professeur de cinéma et lui sont antisionistes et veulent rompre avec la pensée unique qui règne dans leur pays. Leur but est de répondre à la question : « Peut-on faire de l’art en occultant le contexte ? »
A quels étudiants s’adressent-ils ?
Osvalde Lewat : C’est une école très cotée, la quatrième de tout le Moyen Orient, elle est considérée comme une école intello, car les élèves ont un haut niveau. Elle se trouve à deux kilomètres de Gaza et les dirigeants favorisent l’intégration de tous : les élèves venant de milieu défavorisé peuvent bénéficier d’une bourse. Certains y rencontrent des arabes pour la première fois. Une partie des étudiants fait partie de l’ultra droite. Les élèves vivent à Sderot dans des conditions particulières qui exacerbent leurs réactions.
Ce que l’on découvre dans la scène du match de foot à la télé ?
Osvalde Lewat : Exactement. Dans cette confrontation permanente, on rencontre le pire et le meilleur. Dans cette scène, c’est le pire. Après avoir bu, ils sont quelques uns à se laisser aller et faire de la provocation devant la caméra. « Nous nous sommes ceux du fond du bus ! » Ils revendiquent leur marginalité, se présentent comme des cancres, ne se sentent pas concernés par l’utopie des dirigeants, se déclarent ouvertement antipalestiniens. Ce qui les intéresse, c’est d’apprendre à tourner. Ils ne font que des films de divertissement. Qui d’ailleurs s’exportent bien.
Comment s’est passé le tournage ?
Osvalde Lewat : Nous étions quatre. J’explique mes intentions avant de filmer. Je ne vole aucune image, j’ai toujours laissé la caméra bien en vue. Par exemple dans la scène où Erez analyse un extrait de Nuit et Brouillard, j’ai filmé en continue. Il laisse une longue discussion aller entre les élèves, puis il en a fait une synthèse qu’il oriente vers une réflexion. Tout commence par des cours de cinéma et tout évolue. On va au-delà de la technique...J’ai aussi coupé des scènes surréalistes.
Comment ont réagi les personnes filmées ?
Osvalde Lewat : Dans cette école où les Israéliens s’autoregardent à travers la caméra, ils ont trouvé mon film très honnête. Je suis toujours en contact avec certains d’entre eux.
Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
Osvalde Lewat : Parce qu’il répond à mon questionnement. Que veulent voir les gens ? Moi aussi, je veux rompre avec la pensée unique et je cherche une méthode d’analyse. Je vais naturellement vers les sujets sociaux, qui finissent toujours par le politique.
En présentant le film vous avez évoqué des difficultés, pouvez vous préciser lesquelles ?
Osvalde Lewat : J’ai eu du mal à trouver le financement. Tout avait bien commencé pourtant en ce qui concerne l’aide au développement, mais, au moment du tournage je n’ai rien obtenu. La faute au sujet politique dont la complexité n’a pas été très bien perçue. J’étais venue en repérages, j’ai filmé sur la lancée en pensant revenir mais comme je n’ai pas obtenu de fonds, j’ai du faire le film avec ce que j’avais. Ce qui explique les passages en voix off.
Et maintenant ?
Osvalde Lewat : J’ai commencé à tourner au Mali, avec une co-réalisatrice . Le sujet : les paysans expropriés pour cause de vente des terres à des groupes financiers .
Propos recueillis par Michèle Solle
26 janvier 2012
Clap Noir
Association Clap Noir
18, rue de Vincennes
93100 Montreuil - France