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" Il doit avoir un coup de cœur entre les films sélectionnés et le public "
Publié le : vendredi 29 juin 2012
Interview de Bassek ba Kobhio, Délégué général du festival Ecran noirs

A quoi les fes­ti­va­liers devraient-ils s’atten­dre des Ecrans noirs cette année ?

Bassek ba Kobhio : Les fes­ti­va­liers à la veille de cette 16ème édition doi­vent s’atten­dre au meilleur du cinéma afri­cain. Et il varie d’une année à l’autre, parce que nous ne pou­vons pré­sen­ter que ce que la pro­duc­tion nous offre. Mais nous pen­sons que nous avons de beaux films cette année, il n’y a qu’à voir la liste des films sélec­tion­nés en com­pé­ti­tion offi­cielle. Il y a des films gabo­nais qui vont passer dans le cadre de la rétros­pec­tive du cinéma gabo­nais.

A la montée des mar­ches qu’y a-t-il de prévu par le comité d’orga­ni­sa­tion ?

BbK : Ça vou­drait dire que vous pensez que je maî­trise tout. Il y a une équipe qui tra­vaille dessus. J’ai été agréa­ble­ment sur­pris l’année der­nière à la céré­mo­nie de clô­ture, de la manière dont on avait dis­posé les jurys sur scène. Je ne sais pas ce qui va se passer lors de la montée des mar­ches cette année, j’espère qu’on sera sur­pris.

Qu’est-ce qui jus­ti­fie le choix du film d’ouver­ture Rebelle qui est assez chargé en termes d’émotion ?

BbK : Nous choi­sis­sons tou­jours pour l’ouver­ture un film grand public et un film qui pose des pro­blè­mes. Le film Rebelle pose le pro­blème des enfants sol­dats dans la guerre, c’est vrai que nous en avons pré­senté plu­sieurs ces der­niè­res années, mais la ques­tion étant tou­jours d’actua­lité, nous res­tons dans ce cane­vas. C’est le film d’un cana­dien, Kim Nguyen qui a été réa­lisé en RDC, le film a failli être réa­lisé au Cameroun. Nous avons donc ce film qui est adapté pour ce que nous allons pré­sen­ter.

Cette année on renoue avec le projet iti­né­rant des Ecrans noirs, une partie se dérou­lant au Gabon…

BbK : Je ne crois pas que le fes­ti­val revient à l’iti­né­rance comme on l’avait au départ. C’est-à-dire partir du Cameroun pour aller dans les autres pays. Ça se passe, c’est vrai, à une semaine d’inter­valle. L’idéal quand nous avions lancé le fes­ti­val c’était pas de faire cette iti­né­rance mais d’avoir dans chaque pays, une struc­ture Ecrans noirs qui rece­vrait les fes­ti­va­liers et les films. Nous redé­mar­rons avec le Gabon parce que nous avons eu des pro­po­si­tions de faci­li­tés dans ce pays. Le jour où nous aurons des faci­li­tés du côté de Bangui nous le ferons. Et nous sommes heu­reux de repren­dre effec­ti­ve­ment cette décen­tra­li­sa­tion hors des murs du Cameroun.

Est-ce qu’on aura le même format dans les deux pays ?

BbK : Ce n’est jamais le même format. Vous avez parlé du Gabon, mais vous oubliez de dire que nous repre­nons à Douala aussi. Et là-bas ce n’est pas le même format. Je veux dire que pour le moment, Yaoundé c’est le cœur même de l’évênement. Après ça à Libreville, il y a ceux qui sont libres d’y aller et ceux qui sont sélec­tion­nés, essen­tiel­le­ment les gens de l’Afrique Centrale. Puisque c’est là-bas que nous fai­sons la com­pé­ti­tion Afrique Centrale, ce sont eux qui vont au Gabon. Donc en termes de format, il y aura moins de monde qui vien­nent de l’exté­rieur, mais c’est très impor­tant car là, on a la pos­si­bi­lité de faire effec­ti­ve­ment l’état de la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phi­que de l’Afrique Centrale.

Le vil­lage du fes­ti­val revient au Boulevard du 20 mai, qu’est-ce qui jus­ti­fie cette mou­vance ?

BbK : Chaque année on expé­ri­mente des choses. Le Boulevard du 20 mai a tou­jours été un lieu qui nous a porté chance, parce que le public y est, parce que c’est le centre ville. Et puis on a expé­ri­menté d’autres endroits, on était parti à un moment au musée natio­nal qui est le lieu où moi j’aurais voulu qu’on reparte, mais il se trouve que le musée est devenu cet endroit pré­cieux que vous connais­sez tous, donc ça été un peu dif­fi­cile. On repart au bou­le­vard du 20 mai car c’est un lieu qui nous est donné gra­cieu­se­ment par la com­mu­nauté urbaine, là où le palais des Sports nous coû­tait cinq mil­lions quand même ! Et il était un peu excen­tré. Le bou­le­vard du 20 mai c’est un peu natu­rel d’y aller.

L’une des inno­va­tions du fes­ti­val c’est le projet Ciné Talent. Quel objec­tif sou­hai­tez-vous attein­dre ?

BbK : Le ciné Talent (concours de miss, mas­ters, comé­die et musi­que Ndlr) c’est d’inté­res­ser les jeunes très tôt à la ques­tion ciné­ma­to­gra­phi­que, c’est de faire naître des voca­tions mais aussi un inté­rêt pour le cinéma. On ne sait jamais où le déclic se fait pour quelqu’un qui 20 ans plus tard devient un grand cinéaste, un grand comé­dien ou sim­ple­ment un bon ama­teur de cinéma. Nous avons pensé qu’il fal­lait jouer beau­coup sur les jeunes. Non seu­le­ment l’acti­vité sera per­ma­nente mais nous vou­lons qu’au cours de l’année, il y ait des acti­vi­tés par rap­port à cela qui se déve­lop­pent. Nous allons beau­coup insis­ter dessus. Tout cela coûte cher et ce n’est pas tou­jours finan­ça­ble mais nous nous y atte­lons et nous pen­sons que nous allons réus­sir à monter une belle opé­ra­tion.

On a également la mai­tresse de céré­mo­nie…

BbK : C’est une inno­va­tion c’est-à-dire que cela peut rester comme ça ou pas. Il fau­drait encore avoir des comé­diens de la dimen­sion d’Emma Lohoues. L’année passée on a démarré le fes­ti­val en ouvrant avec Krotal (rap­peur came­rou­nais Ndlr) qui a slamé. Ça change chaque année. C’est année c’est une maî­tresse de céré­mo­nie belle et très bonne comé­dienne qui va ouvrir. Il est pos­si­ble que l’on choi­sisse aussi un par­rain. Ce sont des inno­va­tions du fes­ti­val qui vont d’une année à l’autre en fonc­tion aussi des per­son­na­li­tés dis­po­ni­bles.

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Vous sou­li­gnez « l’heu­reuse » évolution du fes­ti­val qui est conso­lidé par un enca­dre­ment sans cesse en amé­lio­ra­tion. De quel enca­dre­ment s’agit-il ?

BbK : Je ne parle pas seu­le­ment du minis­tère des Arts et de la Culture, je parle aussi du Conseil d’admi­nis­tra­tion qui est plus pré­sent que jamais. Je n’ai jamais assisté comme au mois de mai der­nier à un Conseil d’admi­nis­tra­tion aussi dur. Mais qui en même temps nous motive davan­tage. C’est-à-dire qu’ils sont durs parce qu’ils veu­lent des comp­tes et c’est très mobi­li­sa­teur. Certains mem­bres du Conseil s’impli­quent par ailleurs à la réso­lu­tion des pro­blè­mes. Parce que vous savez, nos mem­bres sont des gens qui aiment d’abord la culture, qui aiment le cinéma et qui par­fois se retrou­vent dans des posi­tions où ils sont capa­bles de nous donner un bus, c’est de l’argent un bus ou un billet d’avion. Mais après ils veu­lent avoir des comp­tes sur la manière dont ont été uti­li­sés ces biens. C’est très bien parce que ça fait aussi un chal­lenge, nous pou­vons leur dire "nous vou­lons lancer une opé­ra­tion pour les jeunes, Ciné Talent, est-ce qu’on peut y aller ?" Vous savez ce sont des parents, ce sont des choses aux­quels ils sont sen­si­bles. C’est pour cela que je suis plutôt opti­miste par rap­port à cette édition et à l’avenir.

Qu’est-ce qui motive le plus sou­vent la sélec­tion des films au fes­ti­val Ecrans noirs ?

BbK : La pre­mière raison qui motive la sélec­tion c’est que le film nous soit pro­posé. Il y a des films que nous allons cher­cher c’est vrai, mais il y en a d’autres qui nous sont pro­po­sés. Si on n’est pas en contact, en ren­contre avec un film, c’est dif­fi­cile de le sélec­tion­ner. Après, nous sélec­tion­nons en fonc­tion de ce que nous esti­mons être la qua­lité. Et on peut aussi avoir des films qui sont de qua­lité mais on s’inter­roge sur notre public. Par exem­ple cette année on va avoir un film inter­dit aux moins de 18 ans, qui est un grand film Viva Riva. C’est pas évident d’avoir plu­sieurs films à la pro­gram­ma­tion qui sont inter­dits aux moins de 18 ans. Ça demande une sur­veillance à l’entrée et on ne peut pas le dif­fu­ser au Boulevard du 20 mai. Toute sélec­tion est un coup de cœur. Il arrive que Berlin n’aime pas un film, Cannes le prend et ça fait tabac. Il doit avoir un coup de cœur entre les films sélec­tion­nés et le public.

Que faites-vous pour palier à l’absence des films anglo­pho­nes sou­vent décriée par cer­tains ciné­phi­les ?

BbK : Vous savez, ce n’est pas aux Ecrans noirs qu’on peut dire que l’on ne tra­vaille pas cet aspect. Nous sommes en avance en Afrique d’ailleurs sur beau­coup d’autres gros fes­ti­vals par rap­port aux cotas anglo­phone et fran­co­phone. Nous avons inté­gré les films du Nigeria, mais il n’est pas dit que tout film nigé­rian ou tout film anglo­phone est bon. Il y a là-bas aussi des bons et des mau­vais films. Malheureusement il y a plus de mau­vais films que de bons. Dans la pro­gram­ma­tion cette année il y a des films anglo­pho­nes. S’il y avait eu un bon film came­rou­nais anglo­phone pour la com­pé­ti­tion du long métrage, on l’aurait pro­grammé. Je crois qu’il y a trois films anglo­pho­nes dans la com­pé­ti­tion Afrique Centrale.

A quel mon­tant s’élève le sou­tien du gou­ver­ne­ment et pour­quoi les gros spon­sors natio­naux ne sont pas là cette année ?

BbK : A partir du moment où vous avez le minis­tère des Arts et de la Culture qui vous finance, vous avez le souci de net­toyer les choses et il y a une dis­ci­pline à avoir. Ça veut dire que vous ne pouvez plus mettre le gou­ver­ne­ment à côté de cer­tains pro­duits. Mais ce n’est pas le pro­blème avec les spon­sors. Les spon­sors, ils sont inté­res­sés ou pas. On va vers eux mais on fait le fes­ti­val. On a tenu le fes­ti­val pen­dant dix ans sans le sou­tien du gou­ver­ne­ment. Maintenant le gou­ver­ne­ment est là, s’il n’y a pas de spon­sors on conti­nue. Ce que nous deman­dons sou­vent aux spon­sors c’est le res­pect des artis­tes, le res­pect des orga­ni­sa­tions. On ne peut pas pré­ten­dre être une entre­prise citoyenne si on ne res­pecte pas les par­te­nai­res. Quand un spon­sor me dit par exem­ple qu’il va payer les frais d’impres­sion d’un jour­nal par­te­naire et qu’un an après ça n’a pas été fait, j’estime que ce n’est pas un par­te­naire, ni un spon­sor, c’est un mina­ble c’est tout. A ce moment là ça peut aller jusqu’à dété­rio­rer mes rap­ports essen­tiels avec lui.
Ne vous fixez pas trop sur la ques­tion de spon­sors, qui spon­so­rise Cannes ? Il y a des mar­ques qui spon­so­ri­sent des rubri­ques par­ti­cu­liè­res. Le fes­ti­val Ecrans noirs doit vivre par le sou­tien des pou­voirs publics et par le public. Le sou­tien du minis­tère c’est 55 mil­lions FCFA, nous espé­rons que cela va aug­men­ter l’année pro­chaine, mais c’est quand même près d’un quart du fes­ti­val qui est financé de cette manière.

Propos recueillis par Pélagie Ng’onana

16ème édition ECRANS NOIRS 2012
Du 30 juin au 07 juillet à Yaoundé et Douala
Du 9 au 13 juillet à Libreville
Thème : Le déve­lop­pe­ment de la télé­vi­sion afri­caine : atout ou frein pour le cinéma du conti­nent ?
Le site web du fes­ti­val Ecrans noirs

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