A quoi les festivaliers devraient-ils s’attendre des Ecrans noirs cette année ?
Bassek ba Kobhio : Les festivaliers à la veille de cette 16ème édition doivent s’attendre au meilleur du cinéma africain. Et il varie d’une année à l’autre, parce que nous ne pouvons présenter que ce que la production nous offre. Mais nous pensons que nous avons de beaux films cette année, il n’y a qu’à voir la liste des films sélectionnés en compétition officielle. Il y a des films gabonais qui vont passer dans le cadre de la rétrospective du cinéma gabonais.
A la montée des marches qu’y a-t-il de prévu par le comité d’organisation ?
BbK : Ça voudrait dire que vous pensez que je maîtrise tout. Il y a une équipe qui travaille dessus. J’ai été agréablement surpris l’année dernière à la cérémonie de clôture, de la manière dont on avait disposé les jurys sur scène. Je ne sais pas ce qui va se passer lors de la montée des marches cette année, j’espère qu’on sera surpris.
Qu’est-ce qui justifie le choix du film d’ouverture Rebelle qui est assez chargé en termes d’émotion ?
BbK : Nous choisissons toujours pour l’ouverture un film grand public et un film qui pose des problèmes. Le film Rebelle pose le problème des enfants soldats dans la guerre, c’est vrai que nous en avons présenté plusieurs ces dernières années, mais la question étant toujours d’actualité, nous restons dans ce canevas. C’est le film d’un canadien, Kim Nguyen qui a été réalisé en RDC, le film a failli être réalisé au Cameroun. Nous avons donc ce film qui est adapté pour ce que nous allons présenter.
Cette année on renoue avec le projet itinérant des Ecrans noirs, une partie se déroulant au Gabon…
BbK : Je ne crois pas que le festival revient à l’itinérance comme on l’avait au départ. C’est-à-dire partir du Cameroun pour aller dans les autres pays. Ça se passe, c’est vrai, à une semaine d’intervalle. L’idéal quand nous avions lancé le festival c’était pas de faire cette itinérance mais d’avoir dans chaque pays, une structure Ecrans noirs qui recevrait les festivaliers et les films. Nous redémarrons avec le Gabon parce que nous avons eu des propositions de facilités dans ce pays. Le jour où nous aurons des facilités du côté de Bangui nous le ferons. Et nous sommes heureux de reprendre effectivement cette décentralisation hors des murs du Cameroun.
Est-ce qu’on aura le même format dans les deux pays ?
BbK : Ce n’est jamais le même format. Vous avez parlé du Gabon, mais vous oubliez de dire que nous reprenons à Douala aussi. Et là-bas ce n’est pas le même format. Je veux dire que pour le moment, Yaoundé c’est le cœur même de l’évênement. Après ça à Libreville, il y a ceux qui sont libres d’y aller et ceux qui sont sélectionnés, essentiellement les gens de l’Afrique Centrale. Puisque c’est là-bas que nous faisons la compétition Afrique Centrale, ce sont eux qui vont au Gabon. Donc en termes de format, il y aura moins de monde qui viennent de l’extérieur, mais c’est très important car là, on a la possibilité de faire effectivement l’état de la production cinématographique de l’Afrique Centrale.
Le village du festival revient au Boulevard du 20 mai, qu’est-ce qui justifie cette mouvance ?
BbK : Chaque année on expérimente des choses. Le Boulevard du 20 mai a toujours été un lieu qui nous a porté chance, parce que le public y est, parce que c’est le centre ville. Et puis on a expérimenté d’autres endroits, on était parti à un moment au musée national qui est le lieu où moi j’aurais voulu qu’on reparte, mais il se trouve que le musée est devenu cet endroit précieux que vous connaissez tous, donc ça été un peu difficile. On repart au boulevard du 20 mai car c’est un lieu qui nous est donné gracieusement par la communauté urbaine, là où le palais des Sports nous coûtait cinq millions quand même ! Et il était un peu excentré. Le boulevard du 20 mai c’est un peu naturel d’y aller.
L’une des innovations du festival c’est le projet Ciné Talent. Quel objectif souhaitez-vous atteindre ?
BbK : Le ciné Talent (concours de miss, masters, comédie et musique Ndlr) c’est d’intéresser les jeunes très tôt à la question cinématographique, c’est de faire naître des vocations mais aussi un intérêt pour le cinéma. On ne sait jamais où le déclic se fait pour quelqu’un qui 20 ans plus tard devient un grand cinéaste, un grand comédien ou simplement un bon amateur de cinéma. Nous avons pensé qu’il fallait jouer beaucoup sur les jeunes. Non seulement l’activité sera permanente mais nous voulons qu’au cours de l’année, il y ait des activités par rapport à cela qui se développent. Nous allons beaucoup insister dessus. Tout cela coûte cher et ce n’est pas toujours finançable mais nous nous y attelons et nous pensons que nous allons réussir à monter une belle opération.
On a également la maitresse de cérémonie…
BbK : C’est une innovation c’est-à-dire que cela peut rester comme ça ou pas. Il faudrait encore avoir des comédiens de la dimension d’Emma Lohoues. L’année passée on a démarré le festival en ouvrant avec Krotal (rappeur camerounais Ndlr) qui a slamé. Ça change chaque année. C’est année c’est une maîtresse de cérémonie belle et très bonne comédienne qui va ouvrir. Il est possible que l’on choisisse aussi un parrain. Ce sont des innovations du festival qui vont d’une année à l’autre en fonction aussi des personnalités disponibles.
Vous soulignez « l’heureuse » évolution du festival qui est consolidé par un encadrement sans cesse en amélioration. De quel encadrement s’agit-il ?
BbK : Je ne parle pas seulement du ministère des Arts et de la Culture, je parle aussi du Conseil d’administration qui est plus présent que jamais. Je n’ai jamais assisté comme au mois de mai dernier à un Conseil d’administration aussi dur. Mais qui en même temps nous motive davantage. C’est-à-dire qu’ils sont durs parce qu’ils veulent des comptes et c’est très mobilisateur. Certains membres du Conseil s’impliquent par ailleurs à la résolution des problèmes. Parce que vous savez, nos membres sont des gens qui aiment d’abord la culture, qui aiment le cinéma et qui parfois se retrouvent dans des positions où ils sont capables de nous donner un bus, c’est de l’argent un bus ou un billet d’avion. Mais après ils veulent avoir des comptes sur la manière dont ont été utilisés ces biens. C’est très bien parce que ça fait aussi un challenge, nous pouvons leur dire "nous voulons lancer une opération pour les jeunes, Ciné Talent, est-ce qu’on peut y aller ?" Vous savez ce sont des parents, ce sont des choses auxquels ils sont sensibles. C’est pour cela que je suis plutôt optimiste par rapport à cette édition et à l’avenir.
Qu’est-ce qui motive le plus souvent la sélection des films au festival Ecrans noirs ?
BbK : La première raison qui motive la sélection c’est que le film nous soit proposé. Il y a des films que nous allons chercher c’est vrai, mais il y en a d’autres qui nous sont proposés. Si on n’est pas en contact, en rencontre avec un film, c’est difficile de le sélectionner. Après, nous sélectionnons en fonction de ce que nous estimons être la qualité. Et on peut aussi avoir des films qui sont de qualité mais on s’interroge sur notre public. Par exemple cette année on va avoir un film interdit aux moins de 18 ans, qui est un grand film Viva Riva. C’est pas évident d’avoir plusieurs films à la programmation qui sont interdits aux moins de 18 ans. Ça demande une surveillance à l’entrée et on ne peut pas le diffuser au Boulevard du 20 mai. Toute sélection est un coup de cœur. Il arrive que Berlin n’aime pas un film, Cannes le prend et ça fait tabac. Il doit avoir un coup de cœur entre les films sélectionnés et le public.
Que faites-vous pour palier à l’absence des films anglophones souvent décriée par certains cinéphiles ?
BbK : Vous savez, ce n’est pas aux Ecrans noirs qu’on peut dire que l’on ne travaille pas cet aspect. Nous sommes en avance en Afrique d’ailleurs sur beaucoup d’autres gros festivals par rapport aux cotas anglophone et francophone. Nous avons intégré les films du Nigeria, mais il n’est pas dit que tout film nigérian ou tout film anglophone est bon. Il y a là-bas aussi des bons et des mauvais films. Malheureusement il y a plus de mauvais films que de bons. Dans la programmation cette année il y a des films anglophones. S’il y avait eu un bon film camerounais anglophone pour la compétition du long métrage, on l’aurait programmé. Je crois qu’il y a trois films anglophones dans la compétition Afrique Centrale.
A quel montant s’élève le soutien du gouvernement et pourquoi les gros sponsors nationaux ne sont pas là cette année ?
BbK : A partir du moment où vous avez le ministère des Arts et de la Culture qui vous finance, vous avez le souci de nettoyer les choses et il y a une discipline à avoir. Ça veut dire que vous ne pouvez plus mettre le gouvernement à côté de certains produits. Mais ce n’est pas le problème avec les sponsors. Les sponsors, ils sont intéressés ou pas. On va vers eux mais on fait le festival. On a tenu le festival pendant dix ans sans le soutien du gouvernement. Maintenant le gouvernement est là, s’il n’y a pas de sponsors on continue. Ce que nous demandons souvent aux sponsors c’est le respect des artistes, le respect des organisations. On ne peut pas prétendre être une entreprise citoyenne si on ne respecte pas les partenaires. Quand un sponsor me dit par exemple qu’il va payer les frais d’impression d’un journal partenaire et qu’un an après ça n’a pas été fait, j’estime que ce n’est pas un partenaire, ni un sponsor, c’est un minable c’est tout. A ce moment là ça peut aller jusqu’à détériorer mes rapports essentiels avec lui.
Ne vous fixez pas trop sur la question de sponsors, qui sponsorise Cannes ? Il y a des marques qui sponsorisent des rubriques particulières. Le festival Ecrans noirs doit vivre par le soutien des pouvoirs publics et par le public. Le soutien du ministère c’est 55 millions FCFA, nous espérons que cela va augmenter l’année prochaine, mais c’est quand même près d’un quart du festival qui est financé de cette manière.
Propos recueillis par Pélagie Ng’onana
16ème édition ECRANS NOIRS 2012
Du 30 juin au 07 juillet à Yaoundé et Douala
Du 9 au 13 juillet à Libreville
Thème : Le développement de la télévision africaine : atout ou frein pour le cinéma du continent ?
Le site web du festival Ecrans noirs
Clap Noir
Association Clap Noir
18, rue de Vincennes
93100 Montreuil - France