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Génération RFC
Publié le : jeudi 26 avril 2012
Rencontres du Film Court 2012 - Palmarès

Du 13 au 22 avril 2012 se tenaient les 7e Rencontres du Film Court (RFC) de Madagascar. Créé en 2005 pour (r)éveiller le 7e art malgache, le festival d’Antananarive est aujourd’hui l’unique et très attendu rendez-vous annuel du cinéma.




Passées de deux à dix jours, d’une com­pé­ti­tion unique à quatre com­pé­ti­tions, d’invi­ta­tions en fes­ti­vals à des for­ma­tions en écoles de cinéma inter­na­tio­na­les, les Rencontres du Film Court ont reçu leurs let­tres de noblesse. Mieux, comp­tant cette année sur la pré­sence de la Ministre de la Culture et du Patrimoine du pays, le fes­ti­val s’est assuré le sou­tien offi­ciel du gou­ver­ne­ment dès la pro­chaine édition. Un exploit dans un pays où - hormis un Centre Malgache de Production Éducatif qui finança des films de 1969 à 1980 - la pro­duc­tion de films se finance sans sou­tien de l’État.

Rencontre géné­ra­tion­nelle

L’année 2011 a été mar­quée par le décès de deux figu­res emblé­ma­ti­ques du cinéma mal­ga­che : Limby Maharavo et Solo Ignace Randrasana.

Leur ren­dant hon­neur, les RFC ont invité des réa­li­sa­teurs comme Raymond Rajaonarivelo (par­rain « à vie » du fes­ti­val !) et des pro­fes­sion­nels ayant œuvré pour l’ancien centre de pro­duc­tion éducatif (Monique Razafy, Jeannot Rarojo) pour débat­tre de la situa­tion du cinéma mal­ga­che. Face à eux, quel­ques éléments dyna­mi­ques de la jeune géné­ra­tion de cinéas­tes (Ridha Andriantomanga, Gatien Rajaorinarivo, Ludovic Randriamanantsoa) repré­sen­taient la « Génération RFC », inti­tulé de la table ronde d’ouver­ture du fes­ti­val.

Avec le sou­tien de l’Association pour la sau­ve­garde, la conser­va­tion et la valo­ri­sa­tion des archi­ves audio­vi­suel­les de Madagascar (FLAH), des pro­jec­tions de films de 1973 en noir et blanc et ver­sion mal­ga­che non sous-titrées ont eu lieu : Asakasaka de Limby Maharavo et Rovi-damba riri­nina de Jeannot Rarojo. Une pro­gram­ma­tion impor­tante pour la jeune géné­ra­tion car, comme le sou­li­gne la pré­si­dente du FLAH, Monique Razafy : «  Ils n’ont jamais vu nos films, c’est la pre­mière fois que nous les mon­trons ».

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Des ani­ma­tions rura­les aux Kino

« Les films que nous fai­sions étaient des­ti­nés aux pay­sans et au ser­vice de tous les minis­tè­res, expli­que Monique en intro­duc­tion de l’une des pro­jec­tions. Le pre­mier pré­si­dent mal­ga­che [Philibert Tsiranana, ndlr], sou­hai­tait main­te­nir les pay­sans chez eux en dépla­çant la culture jusqu’à eux. Des ani­ma­tions rura­les sillon­naient tous les vil­la­ges et orga­ni­saient des pro­jec­tions deux fois par mois, en plein air ou en inté­rieur. »

Aujourd’hui, si plus aucune salle de cinéma ne fonc­tionne dans le pays à l’excep­tion – épisodique - du Ritz d’Antananarive, les mal­ga­ches regret­tent que les RFC ne se dépla­cent pas au-delà de la capi­tale. Une situa­tion à laquelle le fes­ti­val tente de pal­lier depuis cette année en orga­ni­sant des Kino (réa­li­sa­tion col­lec­tive de courts-métra­ges en 48 heures) dans les villes de Tamatave, Tuléar et Antsirabe.

Première géné­ra­tion

Impressionnés et émus de voir ces films pour la pre­mière fois, les jeunes réa­li­sa­teurs écoutent atten­ti­ve­ment leurs aînés. « Nous étions la pre­mière géné­ra­tion de cinéas­tes, enthou­sias­tes à l’idée de faire des films, expli­que Jeannot. Nous avions la sen­sa­tion de faire quel­que chose en matière de cinéma. L’ambi­tion et l’opti­misme étaient là ».

Employés de l’admi­nis­tra­tion de l’époque, sans indus­trie du cinéma, la pre­mière géné­ra­tion de cinéas­tes mal­ga­ches ren­contrait déjà les dif­fi­cultés aux­quel­les sont confron­tées les réa­li­sa­teurs d’aujourd’hui. « Il n’y a jamais eu d’écoles de cinéma, reprend Monique, ancienne mon­teuse formée au studio-école de l’ORTF. C’était tou­jours des films de copi­nage, on jouait les uns dans les films des autres ».

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De l’argen­ti­que au numé­ri­que

« Les pel­li­cu­les, le déve­lop­pe­ment et le tirage venaient de France, le mon­tage était fait à Madagascar », raconte Monique Razafy devant un par­terre de curieux. « Pourquoi les films coû­tent si cher ? inter­roge Raymond Rajaonarivelo. Pour rat­tra­per la richesse de l’argen­ti­que qu’on ne trouve pas dans le numé­ri­que ».

Dans la salle, le cinéaste séné­ga­lais Moussa Sene Absa inter­pelle les jeunes : « Vous devez pren­dre contact avec Monique pour vos mon­ta­ges, même si c’est du numé­ri­que. Avant, lorsqu’on cou­pait de la pel­li­cule, ça avait un vrai sens, c’était irré­ver­si­ble ». « C’était déjà du « home made » à mon époque, s’esclaffe Raymond dont les films Quand les étoiles ren­contrent la mer et Tabata ont connu une renom­mée inter­na­tio­nale. Parfois je répé­tais 80 prises sans pel­li­cu­les et 5 avec. Mais l’exi­gence et la rigueur sont les mêmes en numé­ri­que ou en argen­ti­que ».

L’exi­gence, la géné­ra­tion RFC l’a mais la for­ma­tion, moins. Comme l’expli­que Gatien Rajaorinarivo, auto­di­dacte vain­queur du Prix du Public 2011 :« il n’y a pas de réel pro­fes­sion­nel à Madagascar. Nous sommes obli­gés de faire des films avec nos amis car nous man­quons de moyens ».

La débrouille est effec­ti­ve­ment le mot d’ordre de cette nou­velle géné­ra­tion formée grâce à des tuto­riels télé­char­gés sur Internet. « J’ai créé une boîte de pro­duc­tion qui n’existe pas, sauf au géné­ri­que », s’amuse Ludovic Randriamanantsoa, ancien étudiant de l’ESAV de Marrakech. « J’ai besoin d’appren­dre à monter un dos­sier de pro­duc­tion », réclame Gatien qui fabri­que ses films entre amis. « Je fais partie de ces réa­li­sa­teurs qui ten­tent l’aven­ture de la pro­duc­tion  » témoi­gne Ridha Andriantomanga qui vient de monter sa propre société.

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Vers l’avenir

Alors qu’en marge du fes­ti­val se tenait le pre­mier Tënk d’Africadoc à Tamatave, la géné­ra­tion RFC regarde vers l’avenir. Lancé pour la pre­mière année, le fonds d’aide à la pro­duc­tion Serasary, initié par le fes­ti­val, a financé trois courts-métra­ges de Luck Razanajaona, Sitraka Randriamahaly et Nanteina R.

Admiratifs de ce dyna­misme, quel­ques invi­tés du fes­ti­val s’expri­ment. « On sent que leur volonté de faire des films vient du ventre » s’exta­sie William Cally, réa­li­sa­teur réu­nion­nais venu pré­sen­ter le docu-fic­tion Elie ou les forges de la liberté qui relate avec brio la révolte d’escla­ves de Saint-Leu de 1811. Comme lui, Stefan Kummer, pro­gram­ma­teur du fes­ti­val Kurzfilmtage de Winterthur (Suisse), est épaté : « C’est une géné­ra­tion qui a très faim d’appren­dre et de trans­met­tre aux autres ce qu’elle a appris ».

Pour Virginie Lederfajn, pré­si­dente du fes­ti­val Off-Courts de Trouville qui accueille chaque année un réa­li­sa­teur mal­ga­che, cette géné­ra­tion « promet un grand avenir  ». « Le cinéma du réel, le docu­men­taire, aura beau­coup d’impor­tance  » pro­nos­ti­que le pro­duc­teur tuni­sien Mohamed Challouf, orga­ni­sa­teur des Rencontres ciné­ma­to­gra­phi­ques de Hergla, inci­tant les ciné­phi­les à monter des ciné-clubs.

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« Année après année, on remar­que que les films s’amé­lio­rent, affirme le réa­li­sa­teur fran­çais Thomas Lesourd qui anime depuis trois ans les ate­liers Ti’Kino Gasy. Avec les invi­tés inter­na­tio­naux, il y a beau­coup d’ouver­ture à la cri­ti­que et d’échanges aux­quels les mal­ga­ches pren­nent parti  ». Selon Moussa Sene Absa, venu animer un ate­lier de réa­li­sa­tion : « c’est une géné­ra­tion enthou­siaste, les yeux ouverts, avec une vision émouvante de leur pays, un regard très lucide et plein d’amour ».

Et un regard qui s’exporte. Invitée du Pavillon Les Cinémas du Monde lors du pro­chain fes­ti­val de Cannes, Madagascar sera aussi pré­sente au Festival International du Film d’Animation d’Annecy (France) en juin ainsi qu’au Festival du Film de Locarno (Suisse) en août 2012.

Claire Diao
Avril 2012

Palmarès RFC Madagascar 2012
Les Zébus d’Or

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Diaspora : Conter les feuilles des arbres de Lova Nantenaina, 2012, 4’28s
Synopsis : un moment de rêve, de jeux et d’insou­ciance dans la vie de trois enfants : un ins­tant qui laisse entre­voir leur per­cep­tion de l’argent et de la poli­ti­que.

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Animation : Ray de Herizo Ny Aina Ramilijaonina, 2012, 3’45s
Synopsis : Ray Andrianasolo, un ins­ti­tu­teur et ancien com­bat­tant de la deuxième Guerre auprès des fran­çais, est recher­ché deux ans après par une troupe de tirailleurs séné­ga­lais, menée par le Général Marcel Freydenberg. Ils veu­lent récu­pé­rer une chose que Ray aurait eu en pos­ses­sion durant la Guerre.

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Documentaire : Brebis galeuse de Alain Rakotoarisoa, 2012, 20’
Synopsis : ANDAVAMANBA ANJEZIKA II, bidon­ville d’Antananarivo, 2012. Alain Rakotoarisoa filme le quo­ti­dien de Sily un père de famille lut­tant pour leur survie dans un quar­tier abimé par la vio­lence, la drogue et la misère. Immersion dans un monde mar­gi­nal, sca­ri­fié par la société, il arrive à pren­dre posi­tion pour sou­te­nir sa famille malgré la mau­vaise image de son tra­vail.

Fiction : Dooz de Toky Randriamahazosoa, 2012
Synopsis : Un petit garçon fas­ciné par les ani­maux sou­haite s’inté­grer auprès de ses amis, petits ban­dits de rue. Entre sa pas­sion et ses aspi­ra­tions, un fossé s’ins­talle.

Contact films RFC : infos chez ren­contres­du­film­court.mg

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