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Flash Black
Publié le : lundi 17 mars 2014
Mille soleils de Mati Diop

Sortie nationale le 2 avril 2014

Dans la famille Diop, voici la nièce : Mati Diop. Actrice (35 Rhums de Claire Denis), réa­li­sa­trice de courts métra­ges, fille du musi­cien Wasis Diop (bande ori­gi­nale de Grigris de Mahamat Saleh Haroun ) et nièce de Djibril Diop Mambety, l’un des plus grands cinéas­tes afri­cains. Auteur, entre autres, de Touki Bouki classé dans le pal­ma­rès des 100 plus beaux films mon­diaux, récem­ment res­tauré par la World Foundation de Martin Scorcese et cou­ronné au fes­ti­val de Cannes du prix de la cri­ti­que inter­na­tio­nale en 1973.
Que faire d’une telle lignée ? Rester à l’ombre de l’arbre tuté­laire et se lais­ser écraser ? Ou affron­ter l’héri­tage ? Et com­ment ? Arrivée à l’âge où son oncle électrisait le fes­ti­val de Cannes avec son film d’une beauté inclas­sa­ble, Mati Diop choi­sit ses armes : la reconnais­sance par la ten­dresse, la joute artis­ti­que sous forme de décla­ra­tion d’amour, le balayage géné­ra­tion­nel en guise de cons­tat. Quatre décen­nies plus tard, c’est à Marseille que son film Mille soleils rafle le prix du Festival International du docu­men­taire.

Touki Bouki sui­vait dans un Dakar d’après les indé­pen­dan­ces les aven­tu­res débri­dées de deux jeunes épris de liberté, Anta et Mory, qui rêvaient de Paris. Mati Diop en reprend des images, qui par un effet miroir se tein­tent aujourd’hui de nos­tal­gie. Que reste-t-il du rêve 40 ans après ?
En menant son enquête autour d’une œuvre passée au patri­moine, Mati Diop prend le risque de tou­cher au mythe, en même temps qu’elle confronte le Dakar de son oncle avec celui d’aujourd’hui, elle inter­roge le pré­sent, celui de sa famille, celui de son pays, le Sénégal.

Dès la pre­mière image, le charme opère. Dakar, un vieux berger fait tra­ver­ser son trou­peau de zébus, blo­quant la cir­cu­la­tion de l’avenue, les gran­des cornes en impo­sent aux bus, la lumière dorée fait chan­ter les bleus, et, en fond sonore, Si toi aussi tu m’aban­don­nes, la bal­lade du wes­tern pré­féré de Djibril Diop Mambéty : Le train sif­flera trois fois.

Scène sui­vante, l’abat­toir. Couleurs éclatantes, blanc sac­cagé de rouge, noir, cris, coups, danse maca­bre, pavés lui­sants. Puissantes images. Passage obligé ? Référence à Touki Bouki mais le point de vue est dif­fé­rent : la sou­mis­sion aurait-t-elle changé de camp ?

Le vieux berger c’est Magaye Niang, le Mory de Touki Bouki qui se voyait à Paris. Il est resté. Anta a pris le bateau, seule. Et voilà qu’aujourd’hui la nièce de Diop orga­nise une pro­jec­tion du film dont il est la vedette, tout le quar­tier est convié, les vieux amis, les voi­sins. Il a le trac, se regarde dans la glace, se fait engueu­ler par sa femme et endosse fina­le­ment son cos­tume de vieux rockeur.

Tous les pré­tex­tes lui sont bons pour retar­der le moment de retrou­ver son avenir d’il y a qua­rante ans. Les scènes d’hier s’invi­tent à la fête, le monde qui s’offrait, l’ivresse des cour­ses, la moto aux cornes de zébu et la voix de Joséphine Baker qui seri­nait à l’infini « Paris, Paris, ce petit coin de para­dis... ».
Quand il arrive enfin, les copains l’entou­rent, les enfants refu­sent de le reconnaî­tre, le soleil cou­chant enflamme le géné­ri­que et là bas dans le port le même bateau blanc... Alors ? S’excu­ser d’être resté au pays ? Pour en faire quoi ? Dakar bruisse autour de lui, ceux d’aujourd’hui récla­ment des résul­tats. Le liberté insou­ciante du couple de Touki Bouki s’est diluée comme un vieux chromo.
Alors, Magaye revoit le bateau qui s’éloigne du quai, Anta le regarde pour la der­nière fois . Lui qui n’a jamais quitté le Sénégal, il rêve de neige. Il marche dans la neige à la ren­contre de celle qui est vrai­ment partie et qui, puis­que la vie est en a décidé ainsi, vit aujourd’hui en Alaska.
Et Mille Soleils ne sont pas de trop pour rendre compte de l’émotion qui se dégage de ce film. Une jeune fille Mati, plante ses yeux dans les yeux d’un jeune homme, Djibril, en un tendre défi . Elle existe ! C’est bien la veine des Diop qui court tout au long de ce film hom­mage .

Michèle Solle

Fiche du film

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