Un film de Jean-Marie Teno, Cameroun France, 2009, 70’
SYNOPSIS
À travers le portrait de 2 hommes, Jules César l’artiste artisan et Bouba le petit entrepreneur, Lieux Saints pose la question de l’accès à la culture dans un quartier populaire de Ouagadougou et montre comment le refus de la misère culturelle est devenu un des moteurs de lutte contre la misère économique.
CRITIQUE
Au détour des ruelles de Ouagadougou, bien en marge des sites officiels du Fespaco, Jean-Marie Teno nous emmène dans son fil « Lieux Saints » à la découverte d’une cinéphilie de quartier, clandestine et bricoleuse.
Le Ciné Club qui s’improvise dans une cour de terre battue dont les stores sommaires dissimulent tant bien que mal la lumière du dehors pendant les séances de jour est un modèle de débrouillardise. Organisé de manière méthodique, il renouvelle régulièrement sa programmation grâce au marché noir, véritable industrie culturelle parallèle en Afrique, bien avant l’avènement de l’ère du téléchargement de masse.
Teno nous parle donc de l’économie de la culture en Afrique, de l’isolement du public qui n’a accès qu’à une frange très maigre de la production, des lacunes flagrantes de la distribution du cinéma africain y compris et peut-être surtout sur son propre continent. Mais dans le fond ce n’est pas tellement ce dont il veut vraiment faire la démonstration. Au fil du film, des scènes nous emmènent à la rencontre d’autres personnages du quartier, qui n’ont en commun avec le ciné-club que leur lieu de résidence.
La vie s’organise peu à peu autour de ce lieu emblématique, et c’est l’art du récit qui est à l’honneur, au gré des anecdotes de l’écrivain public, du poète de rue, du fabricant de djembés qui tous nous font part de leur rapport à la parole et aux histoires.
C’est là que veut en venir Jean-Marie Teno, et le puzzle se reconstitue finalement quand la théorie s’énonce clairement : loin d’être étranger à la culture africaine, le cinéma qui pourtant survit avec tant de difficulté sur le continent n’est autre qu’un des descendants de la tradition griotique ancestrale. Si l’argument semble déjà entendu, parfois galvaudé, récupéré à tout va lorsqu’on vante la production culturelle africaine, la démonstration est efficace, et donne un sens d’autant plus édifiant aux questions de la difficulté économique à faire exister le cinéma sur le continent.
On regrette en revanche qu’il ait fallu autant s’interroger sur la logique de construction de ce film en succession de séquences apparemment disjointes pour en comprendre finalement le sens, qui peine à se dégager avant que ne soit exposé clairement le postulat de départ.
Certaines séquences pourtant parviennent à délivrer un sens et une émotion palpables dans une économie de mots totale, ainsi le coup de foudre du gérant du ciné-club pour un écran de télévision grand format dernier cri de toute évidence bien au-dessus de ses moyens laisse émaner à la fois la tendresse du réalisateur pour cette passion populaire et l’âpreté d’une réalité matérielle dont on se demande comment elle sera amenée à changer.
Sophie Perrin
LE REALISATEUR
Né le 14 mai 1954 à Famleng (Cameroun). Après des études de communication audiovisuelle à Valenciennes (France) il a travaillé comme critique cinématographique pour Bwana Magazine et de 1985 à 1997 comme chef monteur à France 3. En 1983, il réalise son premier film Schubbah, un court métrage documentaire consacré à la vie des jeunes immigrés d’origine africaine. Jean-Marie Teno est également producteur et dirige la société de production Les Films du Raphia. Il tourne la plupart de ses films au Cameroun.
FILMOGRAPHIE
- 1983 : Schubbah, documentaire (15’), 16mm
- 1985 : Fièvre jaune - taximan, fiction (30’), 16mm
- 1985 : Hommage, docufiction (13’), 16mm
- 1986 : La Gifle et la caresse, fiction (20’), 35mm
- 1987 : De Ouaga à Douala, en passant par Paris, docufiction (75’), 16mm
- 1988 : Bikutsi Water Blues, docufiction (93’), 35mm
- 1990 : Le Dernier Voyage, fiction (19’), 16mm
- 1991 : Mister Foot, docufiction (22’), 16mm
- 1992 : Afrique je te plumerai, documentaire (88’), 16mm
- 1994 : La Tête dans les nuages, documentaire (40’), 16mm
- 1996 : Clando, fiction (98’), 35mm
- 1999 : Chef ! , documentaire (61’), 35mm
- 2000 : Vacances au pays, documentaire (80’), 35mm
- 2002 : Le Mariage d’Alex, documentaire (45’), vidéo
- 2004 : Le malentendu colonial, documentaire (78’), vidéo
FICHE TECHNIQUE
Réalisation : Jean-Marie Teno
Scénario : Michèle Solle, Jean-Marie Teno
Images : Crystel Fournier, Jean-Marie Teno
Son : Jean-Marie Teno
Montage : Christiane Badgley, Jean-Marie Teno
Musiques : Smockey, The Alloy Orchestra
Production et distribution : Les Films du Raphia contact chez raphia.fr
http://www.raphia.fr/
Clap Noir
Association Clap Noir
18, rue de Vincennes
93100 Montreuil - France