Mercredi 11 janvier. L’équipe de Cheick Fantamady Camara avait rendez-vous cette semaine à Saint-Maur-des-Fossés pour le tournage des scènes françaises du prochain long-métrage du cinéaste guinéen.
Débuté à Dakar un an auparavant, le réalisateur a dû attendre de longs mois pour réunir les fonds nécessaires pour cette production.
Peine récompensée par la mobilisation d’une équipe internationale pilotée par la directrice de production Annabel Thomas d’une vingtaine de personnes, comédiens et techniciens venus de tous horizons ; casting franco-malien-camerounais maquillé par une équipe franco-gabonaise, ingénieur du son malien assisté d’un preneur de son djiboutien, le tout mis en image par l’équipe de Rémi Mazet, chef opérateur bien connu des cinéastes africains.
« Est-ce que tout le monde est prêt ? » demande le chef opérateur, « Je demande le silence… SILENCE ! » clame l’ingénieur du son, « Ça tourne » … « Cadré » dit Rémi, « Action » lance Cheick.
Les prises s’enchaînent dans un rythme soutenu, tout le monde attend le fameux « coupez » pour préparer la prochaine scène du film. C’est le 8eme jour de tournage, la fatigue se fait sentir.
« Un peu moins de monde sur le plateau, on se met en mode silence » chuchote le 1er assistant réalisateur « on laisse 2 minutes pour accessoiriser »…
Il faut dire que ce jour-là, pas moins de 4 cameramen - dont une équipe d’Africa24 venue tournée un reportage - sillonnaient le lieu de tournage, riche propriété en bord de Marne abritant une vaste maison cossue.
A l’occasion de ce tournage, deux personnes réalisent le making-off dont une jeune cinéaste invitée par le réalisateur, Binta Alpha, venue spécialement de Conakry pour apprendre le métier. Compte tenu de l’absence d’école de cinéma en Guinée - Il existe un Institut des Arts proposant un volet audiovisuel - et devant la rareté des films, le tournage est le meilleur moment pour l’apprentissage.
« Ce qui m’a motivée en filmant c’est surtout d’enregistrer aussi l’organisation impeccable. Tout le monde est à sa place, on n’a pas besoin de courir partout pour tout faire. Quand je vois aussi la potentialité du matériel comme la Dolly [1] , ça m’a vraiment marqué. A Conakry, j’aurai l’impression de revenir de l’école et en visionnant les images, je vais m’auto former ! ».
« L’équipe est très professionnelle » confie le réalisateur, « c’est une des meilleures ambiances que j’ai eue à Paris car c’est une équipe assez dynamique et cohérente, ils sont tous engagés à fond. Les comédiens sont professionnels et cela a fait que nous sommes restés dans les temps. Je suis vraiment satisfait. L’ambiance est super ! »
Ce film dramatique est centré sur l’histoire d’une danseuse, prostituée à Dakar, partant à la recherche de sa fille qu’elle avait dû abandonner à sa naissance à Bamako. « Ce scénario est parti d’une histoire vraie qu’un ami m’avait raconté à Bamako. Je l’ai fictionné et d’écriture en écriture, j’ai rajouté des parties artistiques. C’est un vieux projet qui est né dans ma tête en 1998 » nous raconte le réalisateur.
Le rôle principal est tenu par la touchante Fatoumata Diawara, malienne, déjà actrice dans le dernier film du réalisateur guinéen « Il va pleuvoir sur Conakry », comédienne au théâtre et de plus en plus en concert sur les scènes internationales. La française d’origine camerounaise Claire Simba endosse le second rôle ; « Quand j’ai vu pour la première fois Claire dans une série TV, je me suis dit que c’était elle. Je ne l’avais jamais vu jouer mais j’étais sûr de mon choix. Il faut dire aussi qu’elle a une petite ressemblance avec Fatoumata Diawara. Mais c’était très compliqué de les rassembler toutes les deux étant donné que Claire avait déménagé à New-York et que Fatoumata était de plus en plus demandée à l’étranger. J’ai même failli faire un nouveau casting mais la directrice de production a réussi à caler toutes les dates. »
Il reste une 3eme partie à tourner au Sénégal. Le réalisateur est lucide : « On espère finir le film avant le Fespaco qui est notre Cannes africain, on ne baisse pas les bras. Mais est-ce qu’on pourra tout rassembler pour la post-production ? L’essentiel est que le film se fasse, on sait très bien que ce n’est pas pour l’argent. »
Le cinéma africain n’a pas de gros moyens mais il se fait en déplaçant des montagnes. Il y a toujours de l’imprévu, mais rien n’est insurmontable. Rémi Mazet témoigne : « Il y a moins d’argent, il y a un coté débrouille.... C’est un homme très humain, ça m’a touché de travailler avec lui ».
Cheick Fantamady Camara est un homme sensible, toujours à l’écoute de son équipe. Si un film africain est avant tout une aventure humaine on retrouvera sûrement cette générosité dans « Morbayassa », titre de son prochain film !
Benoît Tiprez
1- Petit chariot sur pneus qui permet de petits mouvements de grue à hauteur d’homme
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