L’Africain aime-t-il son cinéma ?
Publié le : mardi 18 mars 2003

Lors du Fespaco, il est plai­sant de se retrou­ver autour d’un pot, dans les maquis de la ville, pour parler cinéma. Un soir, alors que nous par­ta­geons tran­quille­ment sur les films, nous avons entendu à une table voi­sine, une per­sonne qui tenait les propos sui­vants : « moi, je n’irai jamais regar­der un film afri­cain. Vous appe­lez ça du cinéma ? Des gens qui passe leur temps à char­ger des ânes, et à s’asseoir sous un arbre en don­nant l’impres­sion qu’il n’y a jamais rien à faire en Afrique. Et puis, où est l’action dans tous ça ? Le cinéma afri­cain, c’est pas fait pour moi. »

A enten­dre ces propos, j’ai eu la petite idée de faire un micro trot­toir pour savoir ce que l’Africain pense de son cinéma.

A la sortie de la salle du ciné bur­kina.

- Albert, lycéen à Ouaga : « moi, j’aime bien regar­der les films afri­cains. Non seu­le­ment, ces films me per­met­tent de me dis­traire, mais ils me per­met­tent de me rendre aussi compte que l’Afrique n’a pas encore perdu ses valeurs. Je peux citer le cou­rage, l’hon­ne­teté, et la bra­voure. »

- Binta, secré­taire dans une impri­me­rie. « Ce que je pense du cinéma afri­cain ? En tout cas, des films comme Madame Brouette, Kabala m’ont beau­coup marqué. »

- Kaboré, infor­ma­ti­cien. « Il faut que nos réa­li­sa­teurs nous pro­po­sent des films qui non seu­le­ment nous font rire, parce que je vais au cinéma pour me dis­traire et rire, mais aussi des films épiques. Des films qui nous montre com­ment on vivait avant. Il faut cela pour que nous ne per­dions pas com­plè­te­ment notre culture dans ce monde qui se mon­dia­lise. »

A la rue mar­chande, maison du peuple.

- Aissa Garba. « Moi, je viens d’une ville de la sous région, pré­ci­sé­ment le Niger. La bas, on ne voit jamais des films afri­cains, si ce n’est pas à la télé. Après ce que j’ai vu depuis que je suis à Ouaga, je crois que le cinéma afri­cain est bon. On ne s’ennuie pas, mais sur­tout, on ne quitte pas la salle sans se sentir inter­pellé soit par une scène, soit par des paro­les. C’est un cinéma qui nous forme à la vie. »

- Sandra, comé­dienne nami­bienne. « Que voulez-vous que je dise si ce n’est que notre cinéma est bon ! Il est certes à par­faire, mais avec le peu d’argent que nous avons pour tour­ner les films, on fait ce qu’on peut. »

Après ce micro trot­toir, je me suis senti réconforté. Notre cinéma n’est pas aussi mau­vais que cela. Il n’est peut-être pas encore par­fait, mais, n’est-ce pas en for­geant que l’on devient for­ge­ron ? Hollywood ne s’est pas battit en 30 ans.

Candide Etienne
27 février 2003

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