Depuis la nuit des temps, dans plusieurs pays africains, le passage de l’homme du stade d’enfant au stade d’adulte est marqué par la circoncision. Chez la femme, une pratique presque… identique se fait : c’est l’excision.
L’excision, appelé aussi "asseoir sur le couteau" chez les bambara, consiste en l’ablation du clitoris ou tout ou partie des petites lèvres. L’excision et les autres mutilations génitales féminines touchent, selon des chiffres de l’O.M.S de 1998, 130 millions de femmes et de filles en Afrique. Chaque année sur le continent, c’est 2 millions de cas en plus. En France, quelques 30 000 personnes sont concernées par ce fléau.
Sembène Ousmane à dit non à cette pratique honteuse qui n’a pour autre but qu’avilir la femme. Il l’a dénoncée dans son dernier film. Dans Moolaadé ou droit d’asile, Sembène raconte l’histoire d’une femme, Colle Ardo, seconde épouse et mère excisée.
Colle souffre des séquelles de l’excision. Il faut dire que les conséquences de l’excision sur la femme sont multiples. Pratiquées dans des conditions d’hygiène souvent précaires, l’excision est à l’origine d’infections multiples, vulvaires, urinaires et gynécologiques, ces dernières pouvant entraîner une stérilité. La diffusion des infections peut s’étendre et générer des septicémies conduisant dans certains cas à a la mort.
Consciente de tout le mal que peut faire l’excision, Colle a refusé de faire "couper", de faire exciser sa troisième fille vivante, car elle a déjà perdu deux filles qui ont succombé à l’excision. Quatre autres fillettes refusent aussi de se faire mutiler. Elles viennent rejoindre Colle Ardo et lui demande l’asile, le moolaadé. A partir de ce instant, deux camps s’opposent dans le village. Ceux qui sont pour que la tradition se perpétue, et celles qui sont pour le refus de cette tradition.
A travers son film, Sembène nous montre une Afrique en lutte. En lutte non seulement contre certaines pratiques avilissantes, mais une Afrique ou l’héroïsme est vécu au quotidien par des gens simple, sans histoire.
Moolaade sort après Faat Kiné, l’avant dernier film de Sembène ou il rend hommage à une mère célibataire, trahie par deux hommes, qui se bat pour éduquer ses deux enfants. Faat Kiné, Moolaadé font partie d’une trilogie intitulée l’héroïsme au quotidien. Le dernier film de cette trilogie s’appellera " La confrérie des rats ". Le scénario est déjà écrit. A travers ce film, Sembène racontera l’histoire d’un juge qui est assassiné en pleine ville. Il enquêtait sur l’enrichissement illicite. La presse fait des articles, attaque le gouvernement, qui nomme un autre juge : ce dernier va découvrir pourquoi on a tué son prédécesseur et ses découvertes vont faire trembler la Nomenklatura.
La défense de la liberté de l’homme a toujours été un objectif fondamental de Sembène Ousmane. "Ce qui m’intéresse dit-il, c’est d’exposer les problèmes du peuple auquel j’appartiens. Je ne cherche pas à faire du cinéma pour mes petits copains, pour un cercle restreint d’initiés. Pour moi, le cinéma est un moyen d’action politique".
Avec plus d’une quinzaine de film à son actif, Sembène Ousmane, l’aîné des anciens jette un regard sans complaisance sur les maux de la société africaine. Dans cette Afrique qui bouge, le dernier film de Sembène aura certainement un impact sur la population africaine. Gageons que ce film aidera les politiques a voté des lois qui puniront sévèrement ceux qui s’adonnent à ces pratiques rétrogrades que sont l’excision et autres mutilations. Comme le dit si bien le cinéaste Paulin soumanou Vieyra, "mieux que les discours ou les écrits des journalistes, les films de Sembène travaillent l’opinion dans le sens d’une prise de conscience sur les réalités africaines".
Achille Kouawo
Clap Noir
Association Clap Noir
18, rue de Vincennes
93100 Montreuil - France