Léonce N’gabo fait partie des réalisateurs qui ont présenté en partie off, leurs films à l’occasion de la 21ème édition du Fespaco. La projection s’est déroulée dans une salle de conférence de Ougadougou, au CGP, loin de l’engouement populaire du Festival. Et pourtant, son histoire méritait d’être vue du grand public.
Léonce a voulu narrer la vie de Jeanne N’Gapiya. C’est en 1988, lorsqu’elle amène son bébé d’un an, constamment malade, chez le médecin, que cette jeune mère apprend qu’elle est certainement séropositive. « Le médecin a dit que comme mon enfant était séropositif, je devais l’être aussi, mais il ne m’a pas dépistée », raconte Gapiya. C’est cinq ans plus tard, qu’elle fera un test de dépistage du VIH.
A l’époque où on lui révèle sa séropositivité, Gapiya est enceinte de son deuxième enfant. Le médecin lui conseille alors d’interrompre sa grossesse, pourtant très avancée. « La parole d’un médecin étant parole d’évangile », elle s’y résout. « C’est une décision que je regrette encore aujourd’hui, car je me dis que mon deuxième enfant aurait pu avoir plus de chances de ne pas être infecté, comme c’est de plus en plus souvent le cas grâce aux programmes de prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant », racontait Jeanne Gapiya dans le film.
L’homme qu’elle a épousé deux années auparavant, le père de ses enfants, est aussi séropositif. Pour son bébé et pour son mari, cette jeune femme énergique, sportive accomplie, décide de se battre. « Que je meure ce n’était pas un problème », disait-elle. « Mon objectif était seulement de ne pas mourir avant mon bébé pour l’assister jusqu’à son dernier souffle. En même temps en tant qu’épouse, j’avais le devoir de m’accrocher pour mon mari », confiait-elle à la caméra. Mais lorsque son enfant décède à l’âge de 18 mois, suivi un an plus tard par son mari, tout s’effondre. « Je me disais : que me reste-t-il pour continuer à lutter ? », se souvient-elle. Pourtant elle doit encore endurer la mort de sa sœur, emportée par le virus en 1990, tout comme l’un de ses frères deux ans plus tard. « Je ne suis pas une sainte mais mon enfant était un ange », a-t-elle dit. D’où le titre du documentaire de Léonce. Alors qu’elle participe à une messe donnée à l’occasion de la journée internationale de lutte contre le sida dans la Cathédrale Regina Mundi de Bujumbura, la capitale, l’appel à la prière lancé par le prêtre pour « avoir de la compassion pour les malades du sida, car ils ont pêché » provoque le déclic. Elle se lève et s’adresse à l’assistance. « Je suis fidèle et je suis séropositive, qui êtes-vous pour dire que j’ai pêché ? ». Ce jour-là, Gapiya est devenue la première femme à oser révéler publiquement sa séropositivité au Burundi.
Le documentaire réalisé par le réalisateur de Gito l’ingrat (1992), premier long métrage burundais, meilleur premier film FESPACO 1993, Prix de l’Agence de la Francophonie FIFF Namur 1992, Grand prix Vues d’Afrique Montréal 1993 est en ce sens poignant grâce aux différents témoignages. Il a été réalisé sur une période de 8 mois parce que Jeanne n’étant pas très disponible de par ses actions de sensibilisation, de mobilisation de financement à travers le monde. « Ce qui m’a motivé, c’est le fait que partout, on parle de Jeanne N’Gapiya dans le monde entier. Surtout quand vous êtes au Burundi, vous vous rendez compte qu’il y a plein de gens dont elle a sauvé la vie. Alors mon défi, c’est que j’ai essayé de prendre des témoignages de différentes couches sociales de notre pays. Et ça a marché. On a parlé sans tabou de ce mal » a dit Léonce N’gabo. Le réalisateur a dit qu’il espérait que son film passe pour les compétitions officielles, mais il assure que le jury doit avoir ses arguments.
Candide Etienne
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