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Le voyage à l’envers
Publié le : samedi 5 mars 2011
Fespaco 2011

Le Cri de la Tourterelle (Kukan Kurcia) de Sani Elhadj Magori







A partir des années 70, de nom­breux nigé­riens pri­rent le chemin de l’exil, exhor­tés par Hussey, la Tourterelle, can­ta­trice adulée. Elle chan­tait : « seuls les lâches res­tent au vil­lage » et leur deman­dait d’aller cher­cher for­tune à l’ouest. A l’écoute de sa puis­sante voix, les hommes quit­taient leur champ, leur maison. On ne les revit pas. Le père du réa­li­sa­teur est du nombre.

Aujourd’hui âgée de 75 ans, Zabaya, veut chan­ter pour les faire reve­nir : « je vais retour­ner les paro­les… ». Le voyage à l’envers !
Le réa­li­sa­teur filme cette croi­sade. Du Niger en Côte d’Ivoire, en tra­ver­sant les vil­la­ges, villes et pays. La Tourterelle fait la route sur laquelle elle a jeté les hommes. En chemin, ce ne sont que ren­contres, chants, mar­ques d’affec­tion. Les radios s’en mêlent, des chan­teu­ses lui deman­dent des conseils, elle fait des émules. Chante pour un ami qui l’atten­dait depuis 31 ans. Partout, sa voix s’impose, s’envole, aigue, puis­sante : « Si tu veux séduire un homme, il faut chérir son petit frère » Elle tra­verse le Burkina, visite des nigé­riens arri­vés il y a 30 ans : « Moi, je suis en train de cher­cher mes chaus­su­res pour ren­trer… » . La troupe gros­sit. Welcome to Ghana, où elle donne un concert devant ses com­pa­trio­tes. Abidjan, enfin ! Elle donne des nou­vel­les, dis­tri­bue les let­tres qu’on lui a confiées. Mais les hommes, se sont mariés ici…
Sani retrouve son père ; quatre décen­nies qu’il est en Côte d’Ivoire, et pauvre, main­te­nant : « Ce serait la honte de reve­nir ! »
Concert final : « Mets tes pas dans les miens… » Sera-t-elle écoutée ? La voix de la Tourterelle a-t-elle perdue de son charme ? Elle était la femme qui bri­sait les famil­les, long­temps après, elle prend la mesure de son rôle…

Un autre regard sur l’exil, la sépa­ra­tion de la terre natale. Point n’est besoin de fran­chir des mers pour connaî­tre la misère, le rejet, pour se condam­ner à ne plus reve­nir, lais­ser planer le doute plutôt que d’avouer son échec se faire oublier. Loin des yeux, loin du cœur…. si on peut !
Voix de l’Afrique qui rap­pelle ses enfants, comme une mère dou­lou­reuse qui tourne en comp­tant les man­ques. Belle méta­phore que ce voyage de la Tourterelle !

Michèle Solle

Lire aussi : Elhadj Sani Magori illus­tre le « come back » du Niger

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