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Exigeant, Bouleversant !
Publié le : vendredi 30 janvier 2009
Le cercle des noyés de Pierre-Yves Vandeweerd

Exigeant et bou­le­ver­sant, "le cercle des noyés" impose dès les pre­miè­res images la pro­fon­deur de sa réflexion. A l’image, en silence, de longs plans fixes, tou­jours en noir et blanc. Une cham­bre afri­caine dénu­dée. Une rue. Une route. Des bêtes. Un quo­ti­dien lent et sty­lisé. Un abat­toir de cha­meaux. Et puis appa­rais­sent des visa­ges. Une seule voix, Peule, inti­miste et cassée par les années de souf­france, va parler pour eux. Eux, ce sont ceux que l’on appelle "le cercle des noyés". Les mili­tants pour la cause Noire accu­sés de col­la­bo­ra­tion à un coup d’Etat par le régime Mauritanien du Président Ould Taya en 1987 et emme­nés au fort de Oualata, au fond du désert.

La prison mau­ri­ta­nienne La caméra tente de nous faire revi­vre l’exil et la souf­france. Elle tra­verse les immen­ses étendues déser­ti­ques, balayées par le vent du Sahara. On ima­gine un long voyage. La sépa­ra­tion d’avec les siens. L’inquié­tude. L’attente. Puis, nous voyons ce fort se dres­ser au milieu de nulle part comme celui du désert des tar­ta­res. Avant d’être le camp de la mort d’un gou­ver­ne­ment mau­ri­ta­nien affir­mant son racisme, le fort de Oualata fut une base mili­taire fran­çaise. Et tou­jours, battue par le vent du désert, tandis que devant, au pre­mier plan, une cara­vane passe.

La voix dit les souf­fran­ces, les humi­lia­tions, la tor­ture, la mort des autres, l’attente. A l’image, nous sommes der­rière une muraille, une fenê­tre trop étroite. Minimaliste, la bande son enre­gis­tre le moin­dre bruit : de la musi­que venue des radios des gardes, le pas­sage d’un camion, le vent. " A force d’être coupée du monde, l’ouïe devient fine" . Pas de plainte, un récit. Nu et sans conces­sion.

Lever la loi du silence, plus de dix ans après Cette voix, c’est la voix de Fara Bâ, un res­capé du fort de Oualata. Le film est né de sa ren­contre avec Pierre-Yves Vandeweerd, un réa­li­sa­teur belge qui tra­vaille depuis plus de dix ans en Afrique, et par­ti­cu­liè­re­ment en Mauritanie. De leurs pre­miè­res conver­sa­tions est né, il y a dix ans, le désir commun de témoi­gner de l’his­toire tra­gi­que de ces anciens pri­son­niers poli­ti­ques. Une loi du silence pesait alors en Mauritanie : seul, un cou­ra­geux tra­vail de mémoire pou­vait per­met­tre de réta­blir un sen­ti­ment de jus­tice. Huit ans d’entre­tiens avec plu­sieurs d’entre eux ont fini par donner nais­sance à cette voix off unique, à la pre­mière per­sonne, qui fut enre­gis­trée à Nouakchott, de manière clan­des­tine. Le main­tien au pou­voir du Président Ould Taya les met­tait tous en danger. En 2005, un coup d’Etat a ren­versé ce der­nier, orien­tant la Mauritanie sur la voie de la démo­cra­tie, ren­dant le film pos­si­ble, per­met­tant de lever ce tabou qui pesait sur "le cercle des noyés".

Bien sûr, der­rière la spé­ci­fi­cité de la situa­tion Mauritanienne, der­rière la manière très fine dont le réa­li­sa­teur belge a su rendre l’atmo­sphère par­ti­cu­lière du désert afri­cain, ce récit fait écho à bien d’autres, encore tus ailleurs, et donne de l’exil poli­ti­que ainsi que de la tor­ture une inter­pré­ta­tion forte, à la fois poé­ti­que et uni­ver­selle.

Caroline Pochon (Clap Noir)

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